Texte grec :
[5,1138] ὁ γὰρ τῶν τοιούτων προαιρετικὸς καὶ πρακτικός, καὶ (1138a) (1) ὁ μὴ ἀκριβοδίκαιος ἐπὶ τὸ χεῖρον ἀλλ' ἐλαττωτικός, καίπερ ἔχων τὸν νόμον βοηθόν, ἐπιεικής ἐστι, καὶ ἡ ἕξις αὕτη ἐπιείκεια, δικαιοσύνη τις οὖσα καὶ οὐχ ἑτέρα τις
ἕξις.
XI. Πότερον δ' ἐνδέχεται ἑαυτὸν ἀδικεῖν ἢ οὔ, φανερὸν ἐκ (5) τῶν
εἰρημένων. Τὰ μὲν γάρ ἐστι τῶν δικαίων τὰ κατὰ πᾶσαν ἀρετὴν ὑπὸ τοῦ νόμου
τεταγμένα, οἷον οὐ κελεύει ἀποκτιννύναι ἑαυτὸν ὁ νόμος, ἃ δὲ μὴ κελεύει,
ἀπαγορεύει. Ἔτι ὅταν παρὰ τὸν νόμον βλάπτῃ μὴ ἀντιβλάπτων ἑκών, ἀδικεῖ,
ἑκὼν δὲ ὁ εἰδὼς καὶ ὃν καὶ ᾧ· ὁ δὲ δι' ὀργὴν ἑαυτὸν (10) σφάττων ἑκὼν
τοῦτο δρᾷ παρὰ τὸν ὀρθὸν λόγον, ὃ οὐκ ἐᾷ ὁ νόμος· ἀδικεῖ ἄρα. Ἀλλὰ τίνα; ἢ
τὴν πόλιν, αὑτὸν δ' οὔ; ἑκὼν γὰρ πάσχει, ἀδικεῖται δ' οὐδεὶς ἑκών. Διὸ καὶ
ἡ πόλις ζημιοῖ, καί τις ἀτιμία πρόσεστι τῷ ἑαυτὸν διαφθείραντι ὡς τὴν
πόλιν ἀδικοῦντι.
Ἔτι καθ' ὃ ἄδικος μόνον ὁ ἀδικῶν (15) καὶ μὴ ὅλως φαῦλος, οὐκ ἔστιν
ἀδικῆσαι ἑαυτόν (τοῦτο γὰρ ἄλλος ἐκείνου· ἔστι γάρ πως ὁ ἄδικος οὕτω
πονηρὸς ὥσπερ ὁ δειλός, οὐχ ὡς ὅλην ἔχων τὴν πονηρίαν, ὥστ' οὐδὲ κατὰ
ταύτην ἀδικεῖ)· ἅμα γὰρ ἂν τῷ αὐτῷ εἴη ἀφῃρῆσθαι καὶ προσκεῖσθαι τὸ αὐτό·
τοῦτο δὲ ἀδύνατον, ἀλλ' ἀεὶ ἐν πλείοσιν (20) ἀνάγκη εἶναι τὸ δίκαιον καὶ
τὸ ἄδικον. Ἔτι δὲ ἑκούσιόν τε καὶ ἐκ προαιρέσεως καὶ πρότερον· ὁ γὰρ διότι
ἔπαθε καὶ τὸ αὐτὸ ἀντιποιῶν οὐ δοκεῖ ἀδικεῖν· αὐτὸς δ' αὑτόν, ταὐτὰ ἅμα
καὶ πάσχει καὶ ποιεῖ. Ἔτι εἴη ἂν ἑκόντα ἀδικεῖσθαι.
Πρὸς δὲ τούτοις, ἄνευ τῶν κατὰ μέρος ἀδικημάτων (25) οὐδεὶς ἀδικεῖ,
μοιχεύει δ' οὐδεὶς τὴν ἑαυτοῦ οὐδὲ τοιχωρυχεῖ τὸν ἑαυτοῦ τοῖχον οὐδὲ
κλέπτει τὰ αὑτοῦ. Ὅλως δὲ λύεται τὸ αὑτὸν ἀδικεῖν καὶ κατὰ τὸν διορισμὸν
τὸν περὶ τοῦ ἑκουσίως ἀδικεῖσθαι.
Φανερὸν δὲ καὶ ὅτι ἄμφω μὲν φαῦλα, καὶ τὸ ἀδικεῖσθαι καὶ τὸ ἀδικεῖν (τὸ
μὲν γὰρ ἔλαττον τὸ (30) δὲ πλέον ἔχειν ἐστὶ τοῦ μέσου καὶ ὥσπερ ὑγιεινὸν
μὲν ἐν ἰατρικῇ, εὐεκτικὸν δὲ ἐν γυμναστικῇ)· ἀλλ' ὅμως χεῖρον τὸ ἀδικεῖν·
τὸ μὲν γὰρ ἀδικεῖν μετὰ κακίας καὶ ψεκτόν, καὶ κακίας ἢ τῆς τελείας καὶ
ἁπλῶς ἢ ἐγγύς (οὐ γὰρ ἅπαν τὸ ἑκούσιον μετὰ ἀδικίας), τὸ δ' ἀδικεῖσθαι
ἄνευ κακίας καὶ (35) ἀδικίας.
Καθ' αὑτὸ μὲν οὖν τὸ ἀδικεῖσθαι ἧττον φαῦλον, (1138b) (1) κατὰ συμβεβηκὸς
δ' οὐδὲν κωλύει μεῖζον εἶναι κακόν. Ἀλλ' οὐδὲν μέλει τῇ τέχνῃ, ἀλλὰ
πλευρῖτιν λέγει μείζω νόσον προσπταίσματος· καίτοι γένοιτ' ἄν ποτε θάτερον
κατὰ συμβεβηκός, εἰ προσπταίσαντα διὰ τὸ πεσεῖν συμβαίη (5) ὑπὸ τῶν
πολεμίων ληφθῆναι ἢ ἀποθανεῖν.
Κατὰ μεταφορὰν δὲ καὶ ὁμοιότητα ἔστιν οὐκ αὐτῷ πρὸς αὑτὸν δίκαιον ἀλλὰ τῶν
αὐτοῦ τισίν, οὐ πᾶν δὲ δίκαιον ἀλλὰ τὸ δεσποτικὸν ἢ τὸ οἰκονομικόν. Ἐν
τούτοις γὰρ τοῖς λόγοις διέστηκε τὸ λόγον ἔχον μέρος τῆς ψυχῆς πρὸς τὸ
ἄλογον· εἰς (10) ἃ δὴ βλέπουσι καὶ δοκεῖ εἶναι ἀδικία πρὸς αὑτόν, ὅτι ἐν
τούτοις ἔστι πάσχειν τι παρὰ τὰς ἑαυτῶν ὀρέξεις· ὥσπερ οὖν ἄρχοντι καὶ
ἀρχομένῳ εἶναι πρὸς ἄλληλα δίκαιόν τι καὶ τούτοις.
Περὶ μὲν οὖν δικαιοσύνης καὶ τῶν ἄλλων, τῶν ἠθικῶν ἀρετῶν, διωρίσθω τὸν
τρόπον τοῦτον.
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Traduction française :
[5,1138] c’est celui qui, dans ses déterminations (1138a) et dans ses
actions, sait s’écarter de la justice rigoureuse quand elle peut avoir des
inconvénients, et qui, s’appuyant toujours sur la loi, sait en adoucir la
rigueur. Cette habitude ou disposition d’esprit est précisément l’équité :
c’est une sorte de justice, ou une habitude qui ne diffère réellement pas
de la justice.
XI. Il est facile de voir, par tout ce qui a été dit précédemment, si l’on
peut ou non commettre une injustice contre soi-même; car il faut mettre au
nombre des choses justes tout ce que la loi prescrit de conforme à la
vertu, en général. Par exemple, la loi n’ordonne à personne de s’ôter la
vie : or, ce qu’elle n’ordonne pas, elle le défend. D’un autre côté, nuire
à quelqu’un, en violant la loi, et sans avoir pour but de se venger d’une
offense reçue, c’est commettre une injustice volontaire, c’est à dire,
sachant à qui on nuit, par quel moyen, et de quelle manière. Quant à celui
qui se tue dans un accès de colère, il fait, contre toute raison, une
action que la loi ne permet pas. Il fait donc un acte injuste. Mais envers
qui ? est-ce envers la société, et non pas envers lui-même ? Car enfin, ce
qu’il éprouve, il l’a voulu ; mais personne n’est volontairement l’objet
d’une injustice. Voilà pourquoi la société inflige une peine à ce genre de
crime; et, de plus, une sorte de déshonneur s’attache à celui qui
s’est tué lui-même, comme étant coupable d’un délit envers la société.
D’ailleurs, en ce sens que celui qui ne fait que commettre un acte
d’injustice, est injuste à la vérité, mais non pas absolument pervers; il
est impossible qu’on soit injuste envers soi-même; car ce cas est fort
différent de l’autre. L’homme qui n’est injuste ou pervers que jusqu’à un
certain point, est comme le lâche; il n’est pas absolument vicieux. De
sorte que l’injustice qu’il commet n’a pas ce degré de perversité absolue;
puisque, le lui imputer, ce serait attribuer et ôter en même temps une
même chose à la même personne; ce qui est impossible. Au contraire, il
faut toujours et nécessairement que le juste et l’injuste (pris dans un
sens absolu) se trouvent dans des individus différents. Il faut même qu’un
acte injuste soit volontaire, qu’il soit l’effet d’une détermination
réfléchie et que rien n’a provoquée; car celui qui rend le mal qu’on lui a
fait n’est pas ordinairement considéré comme coupable d’injustice. Mais
celui qui serait injuste envers lui-même souffrirait et ferait en même
temps le même tort, et, de plus, il faudrait qu’on pût être volontairement
victime de l’injustice.
Ajoutons à cela que personne n’est coupable d’injustice sans qu’on puisse
spécifier le délit particulier qui lui est imputé; or, assurément un homme
n’est point coupable d’adultère avec sa propre femme, ni ne force sa
propre maison pour y commettre un vol, ni ne dérobe ce qui lui appartient.
En un mot, le crime d’injustice commise envers soi-même se résout toujours
par la condition du consentement donné à l’injustice dont on est l’objet.
Au reste , il n’est pas douteux que ces deux choses, être l’auteur de
l’injustice et en être l’objet, ne soient l’une et l’autre fâcheuses: car,
dans le premier cas, c’est s’attribuer plus; et, dans le second, avoir
moins que ne comporte l’équité, ou le juste milieu, qui, pour l’art de la
médecine, est l’état de santé, comme il est la bonne disposition du corps,
pour la gymnastique. Cependant, il y a plus de mal à commettre
l’injustice; car c’est une chose blâmable, et qui suppose toujours ou le
dernier degré de perversité, ou un degré qui en est très voisin. En effet,
tout ce qui est volontaire n’est pas accompagné d’injustice; mais être
l’objet de l’injustice, ne suppose de notre part ni injustice ni perversité.
Considérée en soi, la condition de celui qui souffre l’injustice est donc
moins mauvaise; (1138b) mais il peut arriver par hasard qu’elle soit un
plus grand mal. Cependant, ce n’est pas là ce dont l’art a à s’occuper; il
déclare, par exemple, que la pleurésie est une maladie plus dangereuse
qu’une chute; cependant, celle-ci pourrait, dans certains cas, être plus
funeste, s’il arrivait qu’en tombant, ou après sa chute, un homme fût pris
et tué par les ennemis.
Le juste est donc, par métaphore et par analogie, le rapport, non pas d’un
homme avec lui-même, mais de certaines parties de son être avec d’autres
parties; encore n’est-ce pas la justice tout entière, mais seulement celle
qui régit les relations du maître, ou du dispensateur des biens de la
famille (avec ses esclaves ou ses domestiques); car, c’est sur cette
espèce de rapports qu’est fondée la distinction entre la partie
raisonnable et la partie irraisonnable de l’âme. En envisageant la chose
sous ce point de vue, il semble que l’injustice envers soi-même est
possible, parce qu’on peut souffrir, à cet égard, quelque chose qui
contrarie nos propres désirs. Il y a donc, dans ce cas, un rapport de
justice de l’homme envers lui-même, comme il en a un de celui qui exerce
l’autorité à celui qui y est soumis.
Arrêtons-nous à ces définitions de la justice et des autres vertus morales.
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