Texte grec :
[5,1132] Τὸ δ' ἐν τοῖς συναλλάγμασι δίκαιον ἐστὶ μὲν ἴσον τι, καὶ τὸ ἄδικον ἄνισον,
(1132a) (1) ἀλλ' οὐ κατὰ τὴν ἀναλογίαν ἐκείνην ἀλλὰ κατὰ τὴν ἀριθμητικήν.
Οὐδὲν γὰρ διαφέρει, εἰ ἐπιεικὴς φαῦλον ἀπεστέρησεν ἢ φαῦλος ἐπιεικῆ, οὐδ'
εἰ ἐμοίχευσεν ἐπιεικὴς ἢ φαῦλος· ἀλλὰ πρὸς τοῦ βλάβους τὴν διαφορὰν μόνον
βλέπει (5) ὁ νόμος, καὶ χρῆται ὡς ἴσοις, εἰ ὃ μὲν ἀδικεῖ ὃ δ' ἀδικεῖται,
καὶ εἰ ἔβλαψεν ὃ δὲ βέβλαπται. Ὥστε τὸ ἄδικον τοῦτο ἄνισον ὂν ἰσάζειν
πειρᾶται ὁ δικαστής· καὶ γὰρ ὅταν ὃ μὲν πληγῇ ὃ δὲ πατάξῃ, ἢ καὶ κτείνῃ ὃ
δ' ἀποθάνῃ, διῄρηται τὸ πάθος καὶ ἡ πρᾶξις εἰς ἄνισα· ἀλλὰ πειρᾶται τῇ
(10) ζημίᾳ ἰσάζειν, ἀφαιρῶν τοῦ κέρδους.
Λέγεται γὰρ ὡς ἁπλῶς εἰπεῖν ἐπὶ τοῖς τοιούτοις, κἂν εἰ μή τισιν οἰκεῖον
ὄνομα εἴη, τὸ κέρδος, οἷον τῷ πατάξαντι, καὶ ἡ ζημία τῷ παθόντι· ἀλλ' ὅταν
γε μετρηθῇ τὸ πάθος, καλεῖται τὸ μὲν ζημία τὸ δὲ κέρδος. Ὥστε τοῦ μὲν
πλείονος καὶ ἐλάττονος τὸ ἴσον (15) μέσον, τὸ δὲ κέρδος καὶ ἡ ζημία τὸ μὲν
πλέον τὸ δ' ἔλαττον ἐναντίως, τὸ μὲν τοῦ ἀγαθοῦ πλέον τοῦ κακοῦ δ' ἔλαττον
κέρδος, τὸ δ' ἐναντίον ζημία· ὧν ἦν μέσον τὸ ἴσον, ὃ λέγομεν εἶναι
δίκαιον· ὥστε τὸ ἐπανορθωτικὸν δίκαιον ἂν εἴη τὸ μέσον ζημίας καὶ κέρδους.
Διὸ καὶ ὅταν ἀμφισβητῶσιν, (20) ἐπὶ τὸν δικαστὴν καταφεύγουσιν· τὸ δ' ἐπὶ
τὸν δικαστὴν ἰέναι ἰέναι ἐστὶν ἐπὶ τὸ δίκαιον· ὁ γὰρ δικαστὴς βούλεται
εἶναι οἷον δίκαιον ἔμψυχον· καὶ ζητοῦσι δικαστὴν μέσον, καὶ καλοῦσιν ἔνιοι
μεσιδίους, ὡς ἐὰν τοῦ μέσου τύχωσι, τοῦ δικαίου τευξόμενοι. Μέσον ἄρα τι
τὸ δίκαιον, εἴπερ καὶ ὁ δικαστής. Ὁ δὲ (25) δικαστὴς ἐπανισοῖ, καὶ ὥσπερ
γραμμῆς εἰς ἄνισα τετμημένης, ᾧ τὸ μεῖζον τμῆμα τῆς ἡμισείας ὑπερέχει,
τοῦτ' ἀφεῖλε καὶ τῷ ἐλάττονι τμήματι προσέθηκεν. Ὅταν δὲ δίχα διαιρεθῇ τὸ
ὅλον, τότε φασὶν ἔχειν τὸ αὑτοῦ ὅταν λάβωσι τὸ ἴσον. Τὸ δ' ἴσον μέσον ἐστὶ
τῆς μείζονος καὶ (30) ἐλάττονος κατὰ τὴν ἀριθμητικὴν ἀναλογίαν. Διὰ τοῦτο
καὶ ὀνομάζεται δίκαιον, ὅτι δίχα ἐστίν, ὥσπερ ἂν εἴ τις εἴποι δίχαιον, καὶ
ὁ δικαστὴς διχαστής. Ἐπὰν γὰρ δύο ἴσων ἀφαιρεθῇ ἀπὸ θατέρου, πρὸς θάτερον
δὲ προστεθῇ, δυσὶ τούτοις ὑπερέχει θάτερον· εἰ γὰρ ἀφῃρέθη μέν, μὴ
προσετέθη δέ, ἑνὶ ἂν μόνον ὑπερεῖχεν.
(1132b) (1) Τοῦ μέσου ἄρα ἑνί, καὶ τὸ μέσον, ἀφ' οὗ ἀφῃρέθη, ἑνί. Τούτῳ
ἄρα γνωριοῦμεν τί τε ἀφελεῖν δεῖ ἀπὸ τοῦ πλέον ἔχοντος, καὶ τί προσθεῖναι
τῷ ἔλαττον ἔχοντι· ᾧ μὲν γὰρ τὸ μέσον ὑπερέχει, τοῦτο προσθεῖναι (5) δεῖ
τῷ ἔλαττον ἔχοντι, ᾧ δ' ὑπερέχεται, ἀφελεῖν ἀπὸ τοῦ μεγίστου.
Ἴσαι αἱ ἐφ' ὧν αα ββ γγ ἀλλήλαις· ἀπὸ τῆς αα ἀφῃρήσθω τὸ αε, καὶ
προσκείσθω τῇ γγ τὸ ἐφ' ᾧ γδ, ὥστε ὅλη ἡ δγγ τῆς εα ὑπερέχει τῷ γδ καὶ τῷ
γζ· τῆς ἄρα ββ τῷ γδ.
(Ἔστι δὲ τοῦτο καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων τεχνῶν· (10) ἀνῃροῦντο γὰρ ἄν, εἰ μὴ
ἐποίει τὸ ποιοῦν καὶ ὅσον καὶ οἷον, καὶ τὸ πάσχον ἔπασχε τοῦτο καὶ
τοσοῦτον καὶ τοιοῦτον.)
Ἐλήλυθε δὲ τὰ ὀνόματα ταῦτα, ἥ τε ζημία καὶ τὸ κέρδος, ἐκ τῆς ἑκουσίου
ἀλλαγῆς· τὸ μὲν γὰρ πλέον ἔχειν ἢ τὰ αὑτοῦ κερδαίνειν λέγεται, τὸ δ'
ἔλαττον τῶν ἐξ ἀρχῆς ζημιοῦσθαι, (15) οἷον ἐν τῷ ὠνεῖσθαι καὶ πωλεῖν καὶ
ἐν ὅσοις ἄλλοις ἄδειαν δέδωκεν ὁ νόμος· ὅταν δὲ μήτε πλέον μήτ' ἔλαττον
ἀλλ' αὐτὰ δι' αὐτῶν γένηται, τὰ αὑτῶν φασὶν ἔχειν καὶ οὔτε ζημιοῦσθαι οὔτε
κερδαίνειν. Ὥστε κέρδους τινὸς καὶ ζημίας μέσον τὸ δίκαιόν ἐστι τῶν παρὰ
τὸ ἑκούσιον, τὸ ἴσον ἔχειν (20) καὶ πρότερον καὶ ὕστερον.
V. Δοκεῖ δέ τισι καὶ τὸ ἀντιπεπονθὸς εἶναι ἁπλῶς δίκαιον, ὥσπερ οἱ
Πυθαγόρειοι ἔφασαν· ὡρίζοντο γὰρ ἁπλῶς τὸ δίκαιον τὸ ἀντιπεπονθὸς ἄλλῳ. Τὸ
δ' ἀντιπεπονθὸς οὐκ ἐφαρμόττει οὔτ' ἐπὶ τὸ νεμητικὸν δίκαιον οὔτ' ἐπὶ τὸ
διορθωτικόν - καίτοι (25) βούλονταί γε τοῦτο λέγειν καὶ τὸ Ῥαδαμάνθυος
δίκαιον· Εἴ κε πάθοι τά τ' ἔρεξε, δίκη κ' ἰθεῖα γένοιτο
- πολλαχοῦ γὰρ διαφωνεῖ· οἷον εἰ ἀρχὴν ἔχων ἐπάταξεν, οὐ δεῖ
ἀντιπληγῆναι, καὶ εἰ ἄρχοντα ἐπάταξεν, οὐ πληγῆναι (30) μόνον δεῖ ἀλλὰ καὶ
κολασθῆναι. Ἔτι τὸ ἑκούσιον καὶ τὸ ἀκούσιον διαφέρει πολύ.
Ἀλλ' ἐν μὲν ταῖς κοινωνίαις ταῖς ἀλλακτικαῖς συνέχει τὸ τοιοῦτον δίκαιον,
τὸ ἀντιπεπονθὸς κατ' ἀναλογίαν καὶ μὴ κατ' ἰσότητα. Τῷ ἀντιποιεῖν γὰρ
ἀνάλογον συμμένει ἡ πόλις.
|
|
Traduction française :
[5,1132] Quant aux transactions entre citoyens, la justice se situe aussi dans
l’égalité, et l’injustice dans l’inégalité; (1132a) seulement elle ne suit
pas la proportion géométrique, mais c’est sur la proportion arithmétique
qu’elle se règle. Car il importe peu que ce soit un homme considérable qui
ait dépouillé d’une partie de ses biens, quelque citoyen des dernières
classes du peuple, ou que ce soit celui-ci qui ait fait tort à l’autre;
que ce soit l’un ou l’autre qui ait commis le crime d’adultère: la loi
n’envisage, en pareil cas, que la différence des délits, et considère
comme égaux à ses yeux celui qui commet l’injustice et celui qui la
supporte, celui qui a causé le dommage et celui qui l’a souffert; de sorte
que le juge s’efforce de rétablir l’égalité altérée par cette injustice.
En effet, lorsqu’un homme a été frappé, ou a perdu la vie, et qu’un autre
lui a porté des coups, ou l’a tué, l’action de l’un et le dommage de
l’autre se partagent, pour ainsi dire, en deux parts inégales; et le juge,
par l’amende ou la peine qu’il impose, cherche, en diminuant l’avantage de
l’une des parties, à rétablir l’égalité entre elles.
Dans les considérations de ce genre, bien que ces expressions ne
conviennent peut-être pas à plusieurs cas particuliers, on se sert du mot
gain ou avantage, en parlant de celui qui a frappé, et du mot perte, en
parlant de celui qui a été frappé : mais, lorsque le dommage a été
apprécié ou évalué, ces deux expressions doivent être prises en sens
inverse. Toujours est-il que ce qui rétablit l’égalité entre le plus et le
moins, c’est un juste milieu entre l’un et l’autre. Les mots gain et perte
peuvent exprimer l’un plus et l’autre moins dans des sens opposés. Gain
signifie ici plus de bien et moins de mal, et perte, au contraire, (moins
de bien et plus de mal); le milieu entre l’un et l’autre sera l’égalité,
qui, selon nous, est la justice; en sorte que le juste, par compensation,
sera le milieu entre la perte et le gain: aussi a-t-on recours au juge,
toutes les fois qu’il s’élève une contestation. Or, recourir au juge,
c’est recourir au droit; car le juge est, en quelque sorte, le droit
personnifié ; et l’on cherche un juge impartial, un de ces hommes que l’on
appelle arbitres ou médiateurs, comme étant sûrs qu’ils sont dans le
droit, s’ils peuvent être dans le juste milieu. Le droit est donc en
définitive quelque chose qui consiste dans l’observation du terme moyen,
puisque c’est également là la fonction du juge. Il s’attache en effet
surtout à rétablir l’égalité; et, comme on le pratique à l’égard d’une
ligne partagée en deux parties inégales, il retranche à la plus grande
partie la quantité dont elle excède la moitié, pour l’ajouter à la plus
petite. Mais, lorsqu’un tout est ainsi divisé en deux portions égales, et
que chacun en reçoit une, alors on dit que chacun a ce qui lui appartient.
Or, ce qui est égal, c’est la quantité moyenne entre une plus grande et
une plus petite, suivant la proportion arithmétique; et de là vient que le
mot g-dikaion (qui signifie juste) exprime ce qui est partagé en deux, et
g-dikastehs (juge) celui qui fait ce partage. Car, si, de deux quantités
égales, on diminue l'une de quelque partie, pour l'ajouter à l'autre,
celle-ci surpassera la première du double de la partie dont cette première
a été diminuée : mais, si l'on ne fait que la lui retrancher, sans
l'ajouter à la seconde, cette seconde ne surpassera la première que de la
seule partie dont celle-là a été diminuée.
(1132b) Cette quantité surpasse donc le moyen terme d'une seule partie, et
le moyen terme surpasse aussi d'une partie celle dont on a retranché
quelque chose. Par ce moyen donc, nous pourrons connaître ce qu'il faut
ôter à celui qui a plus , et ce qu'il faut ajouter à celui qui a moins,
c'est-à-dire qu'il faut retrancher de la plus grande quantité toute la
portion dont elle excède la plus petite.
A ------------- E ---------- A'
B --------------------------- B'
C--------Z ---------------- C' ------------ D
Soient AA', BB', CC', des lignes égales entre elles; soit retranchée de
AA' la partie AE, que l'ou ajoutera à CC', et qui donnera ainsi la partie
C'D, en sorte que, la ligne entière CC'D surpasse EA' de C'D et de CZ , et
par conséquent BB' de C'D.
Cela a lieu encore dans les autres arts ; car ils ne pourraient pas
exister, si leurs moyens d'action n'avaient pas un effet, ou un résultat,
déterminé sous le rapport de la quantité, aussi bien que sous celui de la
qualité, et si la quantité ou la qualité de leur action ne pouvait pas
être déterminée.
Au reste, les noms de perte et de gain sont venus des transactions
volontaires; car avoir plus qu’on ne possédait précédemment s’appelle
gagner, et avoir moins qu’on ne possédait d’abord, c’est perdre ; ainsi
qu’il arrive dans les ventes, dans les achats, et dans toutes les autres
transactions pour lesquelles la loi offre des garanties. Lorsque l’on
n’augmente ni ne diminue la quantité de ce qu’on possède, et qu’il y a
compensation exacte, alors on dit que chacun a ce qui lui appartient; sans
gain ni perte. En sorte que, dans les choses qui ne dépendent pas de la
volonté, la justice se situe au point médian entre la perte et le gain,
donc à se trouver après que la compensation ait été opérée, précisément
dans le même état où l’on était auparavant.
V. Quelques personnes font consister la justice absolue dans une parfaite
réciprocité d’action : c’était la doctrine des pythagoriciens, qui
définissaient la justice : "L’action par laquelle on fait souffrir à un
autre ce qu’on a souffert soi-même". Mais cette réciprocité ne convient, ni
à la justice distributive, ni à la justice commutative, quoiqu’on prétende
que telle était la maxime de Rhadamante : "Qu’il souffre ce qu’il a fait
souffrir"; voilà une sentence rigoureusement juste. Mais il y a bien des
cas où cette maxime ne saurait s’appliquer: par exemple, si un magistrat
frappe un simple citoyen, il ne faut pas qu’on le frappe à son tour; et si
le citoyen frappe un magistrat, il ne suffit pas qu’il soit frappé de la
même manière, il faut encore qu’il soit puni. Ensuite, il y a bien de la
différence entre ce qui est volontaire et ce qui ne l’est pas.
Toutefois cette sorte de justice peut s’appliquer aux transactions de la
vie sociale; mais c’est la proportion, et non l’égalité qu’il y faut
observer. Car la société ne subsiste que par cette réciprocité qui se
règle sur la proportion.
|
|