Texte grec :
[5,1131] (1131a) (1) ἓν δὲ τὸ ἐν τοῖς συναλλάγμασι διορθωτικόν. Τούτου δὲ μέρη δύο·
τῶν γὰρ συναλλαγμάτων τὰ μὲν ἑκούσιά ἐστι τὰ δ' ἀκούσια, ἑκούσια μὲν τὰ
τοιάδε οἷον πρᾶσις ὠνὴ δανεισμὸς ἐγγύη χρῆσις παρακαταθήκη μίσθωσις
(ἑκούσια δὲ λέγεται, (5) ὅτι ἡ ἀρχὴ τῶν συναλλαγμάτων τούτων ἑκούσιος),
τῶν δ' ἀκουσίων τὰ μὲν λαθραῖα, οἷον κλοπὴ μοιχεία φαρμακεία προαγωγεία
δουλαπατία δολοφονία ψευδομαρτυρία, τὰ δὲ βίαια, οἷον αἰκία δεσμὸς θάνατος
ἁρπαγὴ πήρωσις κακηγορία προπηλακισμός.
III. (10) Ἐπεὶ δ' ὅ τ' ἄδικος ἄνισος καὶ τὸ ἄδικον ἄνισον, δῆλον ὅτι καὶ
μέσον τι ἔστι τοῦ ἀνίσου. Τοῦτο δ' ἐστὶ τὸ ἴσον· ἐν ὁποίᾳ γὰρ πράξει ἔστι
τὸ πλέον καὶ τὸ ἔλαττον, ἔστι καὶ τὸ ἴσον. Εἰ οὖν τὸ ἄδικον ἄνισον, τὸ
δίκαιον ἴσον· ὅπερ καὶ ἄνευ λόγου δοκεῖ πᾶσιν. Ἐπεὶ δὲ τὸ ἴσον μέσον, τὸ
δίκαιον μέσον τι ἂν (15) εἴη. Ἔστι δὲ τὸ ἴσον ἐν ἐλαχίστοις δυσίν. Ἀνάγκη
τοίνυν τὸ δίκαιον μέσον τε καὶ ἴσον εἶναι καὶ πρός τι καὶ τισίν, καὶ ᾗ μὲν
μέσον, τινῶν (ταῦτα δ' ἐστὶ πλεῖον καὶ ἔλαττον), ᾗ δ' ἴσον, δυοῖν, ᾗ δὲ
δίκαιον, τισίν. Ἀνάγκη ἄρα τὸ δίκαιον ἐν ἐλαχίστοις εἶναι τέτταρσιν· οἷς
τε γὰρ δίκαιον τυγχάνει (20) ὄν, δύο ἐστί, καὶ ἐν οἷς, τὰ πράγματα, δύο.
Καὶ ἡ αὐτὴ ἔσται ἰσότης, οἷς καὶ ἐν οἷς· ὡς γὰρ ἐκεῖνα ἔχει, τὰ ἐν οἷς,
οὕτω κἀκεῖνα ἔχει· εἰ γὰρ μὴ ἴσοι, οὐκ ἴσα ἕξουσιν,
ἀλλ' ἐντεῦθεν αἱ μάχαι καὶ τὰ ἐγκλήματα, ὅταν ἢ μὴ ἴσα ἴσοι ἢ μὴ ἴσοι ἴσα
ἔχωσι καὶ νέμωνται. Ἔτι ἐκ τοῦ κατ' ἀξίαν (25) τοῦτο δῆλον· τὸ γὰρ δίκαιον
ἐν ταῖς νομαῖς ὁμολογοῦσι πάντες κατ' ἀξίαν τινὰ δεῖν εἶναι, τὴν μέντοι
ἀξίαν οὐ τὴν αὐτὴν λέγουσι πάντες (ὑπάρχειν), ἀλλ' οἱ μὲν δημοκρατικοὶ
ἐλευθερίαν, οἱ δ' ὀλιγαρχικοὶ πλοῦτον, οἳ δ' εὐγένειαν, οἱ δ'
ἀριστοκρατικοὶ ἀρετήν.
Ἔστιν ἄρα τὸ δίκαιον ἀνάλογόν τι. (30) Τὸ γὰρ ἀνάλογον οὐ μόνον ἐστὶ
μοναδικοῦ ἀριθμοῦ ἴδιον, ἀλλ' ὅλως ἀριθμοῦ· ἡ γὰρ ἀναλογία ἰσότης ἐστὶ
λόγων, καὶ ἐν τέτταρσιν ἐλαχίστοις. Ἡ μὲν οὖν διῃρημένη ὅτι ἐν τέτταρσι,
δῆλον. Ἀλλὰ καὶ ἡ συνεχής· τῷ γὰρ ἑνὶ ὡς δυσὶ χρῆται καὶ δὶς λέγει,
(1131b) (1) οἷον ὡς ἡ τοῦ α πρὸς τὴν τοῦ β, οὕτως ἡ τοῦ β πρὸς τὴν τοῦ γ.
Δὶς οὖν ἡ τοῦ β εἴρηται· ὥστ' ἐὰν ἡ τοῦ β τεθῇ δίς, τέτταρα ἔσται τὰ
ἀνάλογα.
Ἔστι δὲ καὶ τὸ δίκαιον ἐν τέτταρσιν ἐλαχίστοις, καὶ ὁ λόγος ὁ αὐτός· (5)
διῄρηται γὰρ ὁμοίως οἷς τε καὶ ἅ. Ἔσται ἄρα ὡς ὁ α ὅρος πρὸς τὸν β, οὕτως
ὁ γ πρὸς τὸν δ, καὶ ἐναλλὰξ ἄρα, ὡς ὁ α πρὸς τὸν γ, ὁ β πρὸς τὸν δ. Ὥστε
καὶ τὸ ὅλον πρὸς τὸ ὅλον· ὅπερ ἡ νομὴ συνδυάζει, κἂν οὕτω συντεθῇ, δικαίως
συνδυάζει. Ἡ ἄρα τοῦ α ὅρου τῷ γ καὶ ἡ τοῦ β τῷ δ σύζευξις (10) τὸ ἐν
διανομῇ δίκαιόν ἐστι, καὶ μέσον τὸ δίκαιον τοῦτ' ἐστί, τὸ παρὰ τὸ
ἀνάλογον· τὸ γὰρ ἀνάλογον μέσον, τὸ δὲ δίκαιον ἀνάλογον.
Καλοῦσι δὲ τὴν τοιαύτην ἀναλογίαν γεωμετρικὴν οἱ μαθηματικοί· ἐν γὰρ τῇ
γεωμετρικῇ συμβαίνει καὶ τὸ ὅλον πρὸς τὸ ὅλον ὅπερ ἑκάτερον πρὸς ἑκάτερον.
(15) Ἔστι δ' οὐ συνεχὴς αὕτη ἡ ἀναλογία· οὐ γὰρ γίνεται εἷς ἀριθμῷ ὅρος, ᾧ
καὶ ὅ.
Τὸ μὲν οὖν δίκαιον τοῦτο, τὸ ἀνάλογον· τὸ δ' ἄδικον τὸ παρὰ τὸ ἀνάλογον.
Γίνεται ἄρα τὸ μὲν πλέον τὸ δ' ἔλαττον, ὅπερ καὶ ἐπὶ τῶν ἔργων συμβαίνει·
ὁ μὲν γὰρ ἀδικῶν πλέον ἔχει, ὁ δ' ἀδικούμενος (20) ἔλαττον τοῦ ἀγαθοῦ. Ἐπὶ
δὲ τοῦ κακοῦ ἀνάπαλιν· ἐν ἀγαθοῦ γὰρ λόγῳ γίνεται τὸ ἔλαττον κακὸν πρὸς τὸ
μεῖζον κακόν· ἔστι γὰρ τὸ ἔλαττον κακὸν μᾶλλον αἱρετὸν τοῦ μείζονος, τὸ δ'
αἱρετὸν ἀγαθόν, καὶ τὸ μᾶλλον μεῖζον. Τὸ μὲν οὖν ἓν εἶδος τοῦ δικαίου
τοῦτ' ἐστίν.
IV. (25) Τὸ δὲ λοιπὸν ἓν τὸ διορθωτικόν, ὃ γίνεται ἐν τοῖς συναλλάγμασι
καὶ τοῖς ἑκουσίοις καὶ τοῖς ἀκουσίοις. Τοῦτο δὲ τὸ δίκαιον ἄλλο εἶδος ἔχει
τοῦ πρότερον. Τὸ μὲν γὰρ διανεμητικὸν δίκαιον τῶν κοινῶν ἀεὶ κατὰ τὴν
ἀναλογίαν ἐστὶ τὴν εἰρημένην· καὶ γὰρ ἀπὸ χρημάτων κοινῶν ἐὰν γίνηται (30)
ἡ διανομή, ἔσται κατὰ τὸν λόγον τὸν αὐτὸν ὅνπερ ἔχουσι πρὸς ἄλληλα τὰ
εἰσενεχθέντα· καὶ τὸ ἄδικον τὸ ἀντικείμενον τῷ δικαίῳ τούτῳ τὸ παρὰ τὸ
ἀνάλογόν ἐστιν.
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Traduction française :
[5,1131] (1131a) et il en existe une autre espèce, destinée à conserver l’ordre et
la régularité dans les transactions entre citoyens. Et même entre
celles-ci, il y en a de volontaires et d’involontaires. Par exemple, les
ventes, les achats, les prêts (soit d’argent, soit d’effets), les
cautionnements, les dépôts, les salaires, toute ces transactions sont
appelées volontaires, parce que le principe en est dans la volonté de ceux
qui y concourent. Mais il en existe où l’on se trouve compromis sans le
savoir, soit que ceux qui agissent ainsi à notre égard le fassent
secrètement et à la dérobée, comme dans le cas du vol, de l’adultère, de
l’empoisonnement, des intrigues infâmes, de la corruption de nos esclaves,
de l’assassinat, du faux témoignage; soit qu’ils agissent contre nous avec
violence et à force ouverte, comme il arrive dans le cas des sévices, de
l’emprisonnement, du meurtre, ou quand on ravit avec violence ce qui
appartient à un autre, quand on frappe autrui au point de l’estropier,
qu’on lui adresse des paroles offensantes, ou des provocations
outrageantes.
III. Puisque le caractère de l’injustice est l’inégalité, il est évident
qu’il doit y avoir un milieu au regard de ce qui est inégal, et ce milieu
sera précisément ce qui est égal. Car, dans toute action où il peut y
avoir du plus ou du moins, il doit y avoir aussi une égalité possible; et
par conséquent, si on appelle injuste ce qui s’écarte de l’égalité, le
juste sera ce qui y est conforme, ainsi que tout le monde en peut
juger sans beaucoup de raisonnements; et, puisque c’est dans le milieu que
se trouve l’égalité, ce sera là aussi que se trouvera la justice. Or
l’égalité ne peut exister qu’entre deux termes au moins: le juste doit
donc nécessairement être un milieu, une égalité par rapport à des choses
et à des personnes. D’abord, comme milieu, il se rapporte à certaines
choses, qui sont le plus et le moins; ensuite, comme égal, il suppose deux
termes; enfin, comme juste, il se rapporte à des personnes. Par
conséquent, la notion du juste comprend au moins quatre termes: car cette
notion, appliquée aux personnes, en suppose deux; et, appliquée aux
choses, elle en suppose aussi deux. Et la même égalité devra se trouver
dans les choses et dans les personnes; car le même rapport qui existe
entre les choses, doit exister aussi entre les personnes (10) , puisque,
s’il n’y a pas égalité entre elles , elles ne devront pas posséder des
choses égales.
Mais c’est précisément là que se situe la source des querelles et des
plaintes, lorsque ceux qui sont égaux n’ont pas, ou ne peuvent pas obtenir
des avantages égaux, ou lorsque, à mérite inégal, ils en obtiennent
d’égaux. Cela devient évident avec la comparaison du rang et de la dignité
entre les personnes ; car on convient généralement que, dans la
distribution des honneurs, c’est surtout au rang et à la dignité qu’il
faut avoir égard. Mais tous les hommes ne se font pas la même idée de
cette dignité; les partisans du gouvernement démocratique la font
consister dans la liberté; ceux qui préfèrent l’oligarchie la voient, soit
dans les richesses, soit dans la noblesse; et les partisans de
l’aristocratie, dans la vertu.
La justice consiste donc dans une sorte de proportion; car la
proportionnalité n’est pas exclusivement propre aux nombres abstraits,
mais elle est une propriété du nombre en général; et ce qui constitue la
proportion, c’est l’égalité de rapport au moins entre quatre termes. Et
d’abord cela est évident pour la proportion discrète: mais la même chose a
lieu aussi pour la proportion continue, car alors l’un des termes est
répété deux fois.
(1131b) Par exemple, lorsqu’on dit: le rapport de A à B est le même que
celui de B à C, on répète deux fois le terme B, en sorte qu’il y aura
quatre termes en proportion.
La notion du juste suppose pareillement quatre termes au moins, et le
rapport entre eux est le même. Car il y a pareille différence entre les
personnes à qui l’on adjuge leur part de certaines choses, et entre les
choses que l’on distribue. On dira donc: Comme le terme A est au terme B,
ainsi le terme C est au terme D; et, en alternant comme A est à C, ainsi B
est à D; en sorte qu’un rapport tout entier est comparé avec l’autre
rapport tout entier, composé des termes tels que les donne la
distribution. Si la composition se fait de cette manière, la combinaison
des deux rapports sera juste. Ainsi donc l’union ou la combinaison du
terme A avec le terme C, et du terme B avec le terme D, est (le type ou la
formule) de la justice distributive. Le juste est ce qui tient le
milieu entre deux termes qui s’éloignent ou s’écartent de la proportion:
car la notion de proportionnalité comprend l’idée de moyen terme; et celle
de justice suppose l’idée de proportionnalité.
Les mathématiciens donnent à cette espèce de proportion le nom de
géométrique; car ce qui la caractérise, c’est qu’il y ait même relation
entre un rapport tout entier, et l’autre rapport, lui aussi tout entier,
qu’entre les deux termes de chaque rapport. Toutefois ce n’est pas
une proportion continue; car la personne et la chose ne peuvent pas être
exprimées par un seul et même terme en nombre.
Le caractère de cette sorte de justice est donc la proportionnalité, et le
caractère de l’injustice, c’est le défaut de proportion; car dès lors il y
aura d’un côté plus, et de l’autre moins qu’il ne faut. C’est ce qui se
voit par les faits mêmes; car celui qui commet une injustice obtient plus
d’avantages, et celui qui la souffre en a moins qu’il n’en doit avoir.
C’est tout le contraire quand il s’agit du mal; car un moindre mal,
comparé à un plus grand, peut être compté pour un bien, puisqu’il est
certainement préférable à un mal plus grand, et que ce qu’on préfère,
c’est toujours le bien, et cela d’autant plus, qu’il est plus grand. Telle
est donc l’une des espèces comprises sous la notion générale de justice.
IV. L’autre espèce, que l’on peut appeler justice de compensation, a lieu
dans les transactions sociales, tant volontaires qu’involontaires: mais
elle se présente sous une forme différente de la précédente. En effet, la
justice qui préside à la distribution des biens communs à tous, se règle
toujours sur la proportion que nous avons dite. S’il est question de
partager de l’argent qui appartient au public, on devra y observer le même
rapport qu’ont entre elles les sommes qui ont été mises en commun; et
l’injustice, opposée à cette sorte de justice, sera de s’écarter de cette
proportion.
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