HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Aristote, Éthique à Nicomaque, livre II

Chapitre 4

  Chapitre 4

[2,4] Ἀπορήσειε δ´ ἄν τις πῶς λέγομεν ὅτι δεῖ τὰ μὲν δίκαια πράττοντας δικαίους γίνεσθαι, τὰ δὲ σώφρονα σώφρονας· εἰ γὰρ πράττουσι τὰ δίκαια καὶ σώφρονα, ἤδη εἰσὶ δίκαιοι καὶ σώφρονες, ὥσπερ εἰ τὰ γραμματικὰ καὶ τὰ μουσικά, γραμματικοὶ καὶ μουσικοί. οὐδ´ ἐπὶ τῶν τεχνῶν οὕτως ἔχει; ἐνδέχεται γὰρ γραμματικόν τι ποιῆσαι καὶ ἀπὸ τύχης καὶ ἄλλου ὑποθεμένου. τότε οὖν ἔσται γραμματικός, ἐὰν καὶ γραμματικόν τι ποιήσῃ καὶ γραμματικῶς· τοῦτο δ´ ἐστὶ τὸ κατὰ τὴν ἐν αὑτῷ γραμματικήν. ἔτι οὐδ´ ὅμοιόν ἐστιν ἐπί τε τῶν τεχνῶν καὶ τῶν ἀρετῶν· τὰ μὲν γὰρ ὑπὸ τῶν τεχνῶν γινόμενα τὸ εὖ ἔχει ἐν αὑτοῖς· ἀρκεῖ οὖν ταῦτά πως ἔχοντα γενέσθαι· τὰ δὲ κατὰ τὰς ἀρετὰς γινόμενα οὐκ ἐὰν αὐτά πως ἔχῃ, δικαίως σωφρόνως πράττεται, ἀλλὰ καὶ ἐὰν πράττων πῶς ἔχων πράττῃ, πρῶτον μὲν ἐὰν εἰδώς, ἔπειτ´ ἐὰν προαιρούμενος, καὶ προαιρούμενος δι´ αὐτά, τὸ δὲ τρίτον ἐὰν καὶ βεβαίως καὶ ἀμετακινήτως ἔχων πράττῃ. ταῦτα δὲ πρὸς μὲν τὸ τὰς ἄλλας τέχνας ἔχειν οὐ συναριθμεῖται, πλὴν αὐτὸ τὸ εἰδέναι· πρὸς δὲ τὸ τὰς ἀρετὰς τὸ μὲν εἰδέναι οὐδὲν μικρὸν ἰσχύει, τὰ δ´ ἄλλα οὐ μικρὸν ἀλλὰ τὸ πᾶν δύναται, ἅπερ ἐκ τοῦ πολλάκις πράττειν τὰ δίκαια καὶ σώφρονα περιγίνεται. τὰ μὲν οὖν πράγματα δίκαια καὶ σώφρονα λέγεται, ὅταν τοιαῦτα οἷα ἂν δίκαιος σώφρων πράξειεν· δίκαιος δὲ καὶ σώφρων ἐστὶν οὐχ ταῦτα πράττων, ἀλλὰ καὶ {} οὕτω πράττων ὡς οἱ δίκαιοι καὶ σώφρονες πράττουσιν. εὖ οὖν λέγεται ὅτι ἐκ τοῦ τὰ δίκαια πράττειν δίκαιος γίνεται καὶ ἐκ τοῦ τὰ σώφρονα σώφρων· ἐκ δὲ τοῦ μὴ πράττειν ταῦτα οὐδεὶς ἂν οὐδὲ μελλήσειε γίνεσθαι ἀγαθός. ἀλλ´ οἱ πολλοὶ ταῦτα μὲν οὐ πράττουσιν, ἐπὶ δὲ τὸν λόγον καταφεύγοντες οἴονται φιλοσοφεῖν καὶ οὕτως ἔσεσθαι σπουδαῖοι, ὅμοιόν τι ποιοῦντες τοῖς κάμνουσιν, οἳ τῶν ἰατρῶν ἀκούουσι μὲν ἐπιμελῶς, ποιοῦσι δ´ οὐδὲν τῶν προσταττομένων. ὥσπερ οὖν οὐδ´ ἐκεῖνοι εὖ ἕξουσι τὸ σῶμα οὕτω θεραπευόμενοι, οὐδ´ οὗτοι τὴν ψυχὴν οὕτω φιλοσοφοῦντες. [2,4] CHAPITRE IV : On pourrait nous demander des explications sur cette proposition : pour devenir un homme juste, il faut pratiquer la justice, et pour devenir un homme tempérant, la tempérance. Car, si l'on pratique ces deux vertus, c'est que déjà on est juste et tempérant, de même que ceux qui font de la grammaire et de la musique sont déjà grammairiens et musiciens. 2. Ou bien n'en est-il pas ainsi dans les arts ? En effet il arrive qu'on fasse une remarque grammaticale par hasard ou sur la suggestion d'une autre personne. Pour moi, celui-là sera réellement un grammairien qui composera quelque ouvrage de grammaire, en s'inspirant de la méthode grammaticale, je veux dire en homme qui possède en lui-même la science grammaticale. 3. Voici encore une différence entre les arts et les vertus. Les produits des arts ont en eux-mêmes leur mérite intrinsèque. Mais dans le cas des vertus, il ne suffit pas pour qu'elles existent que l'homme agisse en juste et en tempérant ; il faut que l'agent sache comment il agit : ensuite que son acte provienne d'un choix réfléchi, en vue de cet acte lui-même ; en troisième lieu qu'il accomplisse son acte avec une volonté ferme et immuable. Ces conditions n'entrent pas en ligne de compte pour acquérir la maîtrise des arts, sauf la connaissance du métier. Pour ce qui est de la pratique des vertus, cette connaissance n'a que peu d'importance ou même n'en a pas du tout ; le reste a une importance qui n'est pas négligeable. Que dis-je ? Elle est essentielle, attendu que ces conditions ne s'obtiennent que par la pratique continue de la justice et de la tempérance. 4. Ainsi donc on qualifie les actions de justes et de tempérées, pour ainsi dire, quand elles sont telles que les accomplirait un homme juste et tempérant. Et l'homme juste et tempérant n'est pas celui qui se contente d'exécuter ces actes, mais celui qui les exécute dans les dispositions d'esprit propres aux hommes justes et tempérants. 5. On a donc raison de dire que c'est par la pratique de la justice et de la tempérance qu'on devient juste et tempérant. Faute de cette pratique, nul ne deviendra honnête homme. Mais la plupart des gens ne se donnent pas cette peine et, se réfugiant dans l'argumentation, s'imaginent faire oeuvre de philosophes et croient pouvoir devenir d'honnêtes gens, semblables en quelque sorte à ces malades qui, prêtant avec soin l'oreille aux prescriptions des médecins, ne se conforment pas à l'ordonnance. Ceux-ci ne retrouveront pas la santé en soignant leur corps de la sorte, non plus que les autres ne guériront leur âme en philosophant de cette manière.


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Dernière mise à jour : 11/06/2008