[13,5] CHAPITRE V.
Πάντων δὲ μάλιστα διαπορήσειεν ἄν τις τί ποτε συμβάλλονται τὰ εἴδη ἢ τοῖς ἀϊδίοις τῶν αἰσθητῶν ἢ τοῖς γιγνομένοις καὶ τοῖς φθειρομένοις· οὔτε γὰρ κινήσεώς ἐστιν (15) οὔτε μεταβολῆς οὐδεμιᾶς αἴτια αὐτοῖς. Ἀλλὰ μὴν οὔτε πρὸς τὴν ἐπιστήμην οὐθὲν βοηθεῖ τὴν τῶν ἄλλων (οὐδὲ γὰρ οὐσία ἐκεῖνα τούτων· ἐν τούτοις γὰρ ἂν ἦν), οὔτ' εἰς τὸ εἶναι, μὴ ἐνυπάρχοντά γε τοῖς μετέχουσιν· οὕτω μὲν γὰρ ἴσως αἴτια δόξειεν ἂν εἶναι ὡς τὸ λευκὸν μεμιγμένον τῷ λευκῷ, (20) ἀλλ' οὗτος μὲν ὁ λόγος λίαν εὐκίνητος, ὃν Ἀναξαγόρας μὲν πρότερος Εὔδοξος δὲ ὕστερος ἔλεγε διαπορῶν καὶ ἕτεροί τινες (ῥᾴδιον γὰρ πολλὰ συναγαγεῖν καὶ ἀδύνατα πρὸς τὴν τοιαύτην δόξαν)· ἀλλὰ μὴν οὐδὲ ἐκ τῶν εἰδῶν ἐστὶ τἆλλα κατ' οὐθένα τρόπον τῶν εἰωθότων λέγεσθαι. Τὸ (25) δὲ λέγειν παραδείγματα εἶναι καὶ μετέχειν αὐτῶν τὰ ἄλλα κενολογεῖν ἐστὶ καὶ μεταφορὰς λέγειν ποιητικάς. Τί γάρ ἐστι τὸ ἐργαζόμενον πρὸς τὰς ἰδέας ἀποβλέπον; Ἐνδέχεταί τε καὶ εἶναι καὶ γίγνεσθαι ὁτιοῦν καὶ μὴ εἰκαζόμενον, ὥστε καὶ ὄντος Σωκράτους καὶ μὴ ὄντος γένοιτ' ἂν οἷος Σωκράτης· (30) ὁμοίως δὲ δῆλον ὅτι κἂν εἰ ἦν ὁ Σωκράτης ἀίδιος. Ἔσται τε πλείω παραδείγματα τοῦ αὐτοῦ, ὥστε καὶ εἴδη, οἷον τοῦ ἀνθρώπου τὸ ζῷον καὶ τὸ δίπουν, ἅμα δὲ καὶ αὐτοάνθρωπος.
Ἔτι οὐ μόνον τῶν αἰσθητῶν παραδείγματα τὰ εἴδη ἀλλὰ καὶ αὐτῶν, οἷον τὸ γένος τῶν ὡς γένους (35) εἰδῶν· ὥστε τὸ αὐτὸ ἔσται παράδειγμα καὶ εἰκών. Ἔτι δόξειεν ἂν ἀδύνατον χωρὶς εἶναι τὴν οὐσίαν καὶ οὗ ἡ οὐσία· (1080a) (1) ὥστε πῶς ἂν αἱ ἰδέαι οὐσίαι τῶν πραγμάτων οὖσαι χωρὶς εἶεν;
Ἐν δὲ τῷ Φαίδωνι τοῦτον λέγεται τὸν τρόπον, ὡς καὶ τοῦ εἶναι καὶ τοῦ γίγνεσθαι αἴτια τὰ εἴδη ἐστίν· καίτοι τῶν εἰδῶν ὄντων ὅμως οὐ γίγνεται ἂν μὴ ᾖ τὸ κινῆσον, καὶ (5) πολλὰ γίγνεται ἕτερα, οἷον οἰκία καὶ δακτύλιος, ὧν οὔ φασιν εἶναι εἴδη· ὥστε δῆλον ὅτι ἐνδέχεται κἀκεῖνα, ὧν φασὶν ἰδέας εἶναι, καὶ εἶναι καὶ γίγνεσθαι διὰ τοιαύτας αἰτίας οἵας καὶ τὰ ῥηθέντα νῦν, ἀλλ' οὐ διὰ τὰ εἴδη.
Ἀλλὰ περὶ μὲν τῶν ἰδεῶν καὶ τοῦτον τὸν τρόπον καὶ διὰ (10) λογικωτέρων καὶ ἀκριβεστέρων λόγων ἔστι πολλὰ συναγαγεῖν ὅμοια τοῖς τεθεωρημένοις.
| [13,5] CHAPITRE V.
La difficulté la plus grande à résoudre, ce serait de savoir quelle peut être l’utilité des idées aux êtres sensibles éternels, ou à ceux de ces êtres qui naissent et à ceux qui périssent. Elles ne sont pour eux la cause 259 (15) d’aucun mouvement, d’aucun changement ; elles n’aident pas davantage à la science des autres êtres. Ce ne sont pas, en effet, les idées qui constituent l’essence de ces êtres, car alors elles seraient en eux ; ce ne sont pas elles non plus qui les amènent à l’existence, puisqu’elles ne résident pas dans les êtres qui participent des idées. Peut-être pensera-t-on qu’elles sont causes, au même titre que la blancheur est cause de l’objet blanc auquel elle se mêle. (20) Cette opinion, qui a sa source dans les doctrines d’Anaxagore, qu’Eudoxe après lui embrassa, ne sachant quel parti prendre, et que quelques autres ont admise avec eux, est par trop facile à renverser. Il serait aisé d’accumuler, contre une pareille doctrine, des impossibilités sans nombre. Je vais plus loin : il est impossible que les autres êtres proviennent des idées, dans aucun des sens où l’on emploie l’expression provenir. (25) Dire que les idées sont des exemplaires, et que les autres êtres participent des idées, c’est se payer de mots vides de sens, c’est faire des métaphores poétiques. Celui qui travaille à son œuvre a-t-il besoin pour cela d’avoir les yeux fixés sur les idées ? Un être quel qu’il soit, peut exister, peut devenir, même sans que rien lui ait servi de modèle. Ainsi, que Socrate existe ou qu’il n’existe pas, il peut naître un homme tel que Socrate. (30) Même conséquence évidemment quand même Socrate serait éternel. Ensuite il y aurait plusieurs modèles de la même chose, et par conséquent plusieurs idées. Ainsi, pour l’homme il y aurait l’animal, le bipède, l’homme en soi.
Ce n’est pas tout. Non-seulement les idées seraient les modèles des objets sensibles, elles seraient encore les 260 modèles (35) d’elles-mêmes : tel serait le genre en tant que genre d’idées ; d’où il suit que la même chose serait à la fois modèle et copie. Enfin il n’est pas possible, ce semble, que l’essence existe séparément de ce dont elle est l’essence. (1080a) (1) Comment donc alors les idées, qui sont les essences des choses, auraient-elles une existence séparée ?
Il est dit dans le Phédon, que les idées sont les causes de l’être et du devenir. Hé bien ! y eût-il des idées, il n’y aurait pas encore de production, s’il n’y avait pas une cause motrice. (5) Et puis une foule d’autres choses deviennent, une maison, un anneau par exemple, dont on ne prétend pas qu’il existe des idées ; d’où il suit que les êtres pour lesquels on admet des idées sont susceptibles d’être et de devenir, par l'action de causes analogues à celles qui agissent sur les choses dont nous venons de parler, et que ce ne sont pas les idées qui sont les causes de ces êtres.
On peut, du reste, par le même mode de réfutation que nous venons d’employer, et au moyen (10) d’arguments plus concluants et plus rigoureux encore, accumuler contre la doctrine des idées une foule d’autres difficultés semblables à celles que nous venons de rencontrer.
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