[12,10] CHAPITRE X.
Ἐπισκεπτέον δὲ καὶ ποτέρως ἔχει ἡ τοῦ ὅλου φύσις τὸ ἀγαθὸν καὶ τὸ ἄριστον, πότερον κεχωρισμένον τι καὶ αὐτὸ καθ' αὑτό, ἢ τὴν τάξιν. Ἢ ἀμφοτέρως ὥσπερ στράτευμα; Καὶ γὰρ ἐν τῇ τάξει τὸ εὖ καὶ ὁ στρατηγός, καὶ μᾶλλον (15) οὗτος· οὐ γὰρ οὗτος διὰ τὴν τάξιν ἀλλ' ἐκείνη διὰ τοῦτόν ἐστιν. Πάντα δὲ συντέτακταί πως, ἀλλ' οὐχ ὁμοίως, καὶ πλωτὰ καὶ πτηνὰ καὶ φυτά· καὶ οὐχ οὕτως ἔχει ὥστε μὴ εἶναι θατέρῳ πρὸς θάτερον μηδέν, ἀλλ' ἔστι τι. Πρὸς μὲν γὰρ ἓν ἅπαντα συντέτακται, ἀλλ' ὥσπερ ἐν οἰκίᾳ τοῖς ἐλευθέροις (20) ἥκιστα ἔξεστιν ὅ τι ἔτυχε ποιεῖν, ἀλλὰ πάντα ἢ τὰ πλεῖστα τέτακται, τοῖς δὲ ἀνδραπόδοις καὶ τοῖς θηρίοις μικρὸν τὸ εἰς τὸ κοινόν, τὸ δὲ πολὺ ὅ τι ἔτυχεν· τοιαύτη γὰρ ἑκάστου ἀρχὴ αὐτῶν ἡ φύσις ἐστίν. Λέγω δ' οἷον εἴς γε τὸ διακριθῆναι ἀνάγκη ἅπασιν ἐλθεῖν, καὶ ἄλλα οὕτως ἔστιν ὧν κοινωνεῖ (25) ἅπαντα εἰς τὸ ὅλον.
Ὅσα δὲ ἀδύνατα συμβαίνει ἢ ἄτοπα τοῖς ἄλλως λέγουσι, καὶ ποῖα οἱ χαριεστέρως λέγοντες, καὶ ἐπὶ ποίων ἐλάχισται ἀπορίαι, δεῖ μὴ λανθάνειν.
Πάντες γὰρ ἐξ ἐναντίων ποιοῦσι πάντα. Οὔτε δὲ τὸ πάντα οὔτε τὸ ἐξ ἐναντίων ὀρθῶς, οὔτ' ἐν ὅσοις τὰ ἐναντία ὑπάρχει, πῶς (30) ἐκ τῶν ἐναντίων ἔσται, οὐ λέγουσιν· ἀπαθῆ γὰρ τὰ ἐναντία ὑπ' ἀλλήλων. Ἡμῖν δὲ λύεται τοῦτο εὐλόγως τῷ τρίτον τι εἶναι.
Οἱ δὲ τὸ ἕτερον τῶν ἐναντίων ὕλην ποιοῦσιν, ὥσπερ οἱ τὸ ἄνισον τῷ ἴσῳ ἢ τῷ ἑνὶ τὰ πολλά. Λύεται δὲ καὶ τοῦτο τὸν αὐτὸν τρόπον· ἡ γὰρ ὕλη ἡ μία οὐδενὶ ἐναντίον. Ἔτι (35) ἅπαντα τοῦ φαύλου μεθέξει ἔξω τοῦ ἑνός· τὸ γὰρ κακὸν αὐτὸ θάτερον τῶν στοιχείων.
Οἱ δ' ἄλλοι οὐδ' ἀρχὰς τὸ ἀγαθὸν καὶ τὸ κακόν· καίτοι ἐν ἅπασι μάλιστα τὸ ἀγαθὸν ἀρχή. Οἱ δὲ τοῦτο μὲν ὀρθῶς ὅτι ἀρχήν, ἀλλὰ πῶς τὸ ἀγαθὸν ἀρχὴ οὐ λέγουσιν, πότερον ὡς τέλος ἢ ὡς κινῆσαν ἢ ὡς εἶδος.
(1075b) (1) ἀτόπως δὲ καὶ Ἐμπεδοκλῆς· τὴν γὰρ φιλίαν ποιεῖ τὸ ἀγαθόν, αὕτη δ' ἀρχὴ καὶ ὡς κινοῦσα (συνάγει γάρ) καὶ ὡς ὕλη· μόριον γὰρ τοῦ μίγματος. Εἰ δὴ καὶ τῷ αὐτῷ συμβέβηκεν (5) καὶ ὡς ὕλῃ ἀρχῇ εἶναι καὶ ὡς κινοῦντι, ἀλλὰ τό γ' εἶναι οὐ ταὐτό. Κατὰ πότερον οὖν φιλία; Ἄτοπον δὲ καὶ τὸ ἄφθαρτον εἶναι τὸ νεῖκος· τοῦτο δ' ἐστὶν αὐτῷ ἡ τοῦ κακοῦ φύσις.
Ἀναξαγόρας δὲ ὡς κινοῦν τὸ ἀγαθὸν ἀρχήν· ὁ γὰρ νοῦς κινεῖ. Ἀλλὰ κινεῖ ἕνεκά τινος, ὥστε ἕτερον, πλὴν ὡς ἡμεῖς λέγομεν· (10) ἡ γὰρ ἰατρική ἐστί πως ἡ ὑγίεια. Ἄτοπον δὲ καὶ τὸ ἐναντίον μὴ ποιῆσαι τῷ ἀγαθῷ καὶ τῷ νῷ.
Πάντες δ' οἱ τἀναντία λέγοντες οὐ χρῶνται τοῖς ἐναντίοις, ἐὰν μὴ ῥυθμίσῃ τις. Καὶ διὰ τί τὰ μὲν φθαρτὰ τὰ δ' ἄφθαρτα, οὐδεὶς λέγει· πάντα γὰρ τὰ ὄντα ποιοῦσιν ἐκ τῶν αὐτῶν ἀρχῶν.
Ἔτι οἱ (15) μὲν ἐκ τοῦ μὴ ὄντος ποιοῦσι τὰ ὄντα· οἱ δ' ἵνα μὴ τοῦτο ἀναγκασθῶσιν, ἓν πάντα ποιοῦσιν.ἔτι διὰ τί ἀεὶ ἔσται γένεσις καὶ τί αἴτιον γενέσεως, οὐδεὶς λέγει.
Καὶ τοῖς δύο ἀρχὰς ποιοῦσιν ἄλλην ἀνάγκη ἀρχὴν κυριωτέραν εἶναι, καὶ τοῖς τὰ εἴδη ἔτι ἄλλη ἀρχὴ κυριωτέρα· διὰ τί γὰρ μετέσχεν ἢ (20) μετέχει; Καὶ τοῖς μὲν ἄλλοις ἀνάγκη τῇ σοφίᾳ καὶ τῇ τιμιωτάτῃ ἐπιστήμῃ εἶναί τι ἐναντίον, ἡμῖν δ' οὔ. Οὐ γάρ ἐστιν ἐναντίον τῷ πρώτῳ οὐδέν· πάντα γὰρ τὰ ἐναντία ὕλην ἔχει, καὶ δυνάμει ταῦτα ἔστιν· ἡ δὲ ἐναντία ἄγνοια εἰς τὸ ἐναντίον, τῷ δὲ πρώτῳ ἐναντίον οὐδέν.
Εἴ τε μὴ ἔσται παρὰ τὰ (25) αἰσθητὰ ἄλλα, οὐκ ἔσται ἀρχὴ καὶ τάξις καὶ γένεσις καὶ τὰ οὐράνια, ἀλλ' ἀεὶ τῆς ἀρχῆς ἀρχή, ὥσπερ τοῖς θεολόγοις καὶ τοῖς φυσικοῖς πᾶσιν. Εἰ δ' ἔσται τὰ εἴδη· ἢ οἱ ἀριθμοί, οὐδενὸς αἴτια· εἰ δὲ μή, οὔτι κινήσεώς γε. Ἔτι πῶς ἔσται ἐξ ἀμεγεθῶν μέγεθος καὶ συνεχές; Ὁ γὰρ ἀριθμὸς οὐ ποιήσει (30) συνεχές, οὔτε ὡς κινοῦν οὔτε ὡς εἶδος. Ἀλλὰ μὴν οὐδέν γ' ἔσται τῶν ἐναντίων ὅπερ καὶ ποιητικὸν καὶ κινητικόν; Ἐνδέχοιτο γὰρ ἂν μὴ εἶναι. Ἀλλὰ μὴν ὕστερόν γε τὸ ποιεῖν δυνάμεως. Οὐκ ἄρα ἀίδια τὰ ὄντα. Ἀλλ' ἔστιν· ἀναιρετέον ἄρα τούτων τι. Τοῦτο δ' εἴρηται πῶς. Ἔτι τίνι οἱ ἀριθμοὶ ἓν ἢ ἡ (35) ψυχὴ καὶ τὸ σῶμα καὶ ὅλως τὸ εἶδος καὶ τὸ πρᾶγμα, οὐδὲν λέγει οὐδείς· οὐδ' ἐνδέχεται εἰπεῖν, ἐὰν μὴ ὡς ἡμεῖς εἴπῃ, ὡς τὸ κινοῦν ποιεῖ.
Οἱ δὲ λέγοντες τὸν ἀριθμὸν πρῶτον τὸν μαθηματικὸν καὶ οὕτως ἀεὶ ἄλλην ἐχομένην οὐσίαν καὶ ἀρχὰς ἑκάστης ἄλλας, (1076a) (1) ἐπεισοδιώδη τὴν τοῦ παντὸς οὐσίαν ποιοῦσιν (οὐδὲν γὰρ ἡ ἑτέρα τῇ ἑτέρᾳ συμβάλλεται οὖσα ἢ μὴ οὖσα) καὶ ἀρχὰς πολλάς· τὰ δὲ ὄντα οὐ βούλεται πολιτεύεσθαι κακῶς.
" οὐκ ἀγαθὸν πολυκοιρανίη· εἷς κοίρανος ἔστω."
| [12,10] CHAPITRE X.
Il nous faut examiner aussi comment l'univers renferme le souverain bien ; si c'est comme un être indépendant, qui existe en soi et par soi, ou bien comme l'ordre du monde; ou enfin si c'est des deux manières à la fois, ainsi que dans une armée. En effet, le bien de l'armée, c'est l'ordre qui y règne et son général, et surtout son général : ce n'est pas l'ordre qui fait le général, c'est le général qui est la cause de l'ordre. Tout a une place marquée dans le monde, poissons oiseaux, plantes ; mais il y a des degrés différents, et les êtres ne sont pas isolés les uns des autres ; ils sont dans une relation mutuelle, car tout est ordonné en vue d'une existence unique. Il en est de l'univers comme d'une famille. Là les hommes libres ne sont point assujettis à faire ceci ou cela suivant l'occasion ; toutes leurs fonctions, ou presque toutes sont réglées. Les esclaves, au contraire, et les bêtes de somme, concourent pour une faible part à la fin commune, et habituellement l'on se sert d'eux au gré des circonstances. Le principe du rôle de chaque chose dans l'univers, c'est sa nature même: tous les êtres, veux- je dire, vont nécessairement se séparant les uns des autres ; et tous, dans leurs fonctions diverses, conspirent à l'harmonie de l'ensemble.
Nous devons indiquer toutes les impossibilités, 237 toutes les absurdités qui sont les conséquences des autres systèmes. Rappelons ici les doctrines mêmes les plus spécieuses, et qui présentent le moins de difficultés.
Toutes les choses, suivant tous les philosophes, proviennent de contraires. Toutes les choses, de contraires, ces deux termes sont également mal posés; et d'ailleurs comment les choses dans lesquelles existent les contraires proviendraient-elles des contraires? C'est ce qu'ils n'expliquent pas ; car les contraires n'ont pas d'action les uns sur les autres. Pour nous, nous levons rationnellement la difficulté, en établissant l'existence d'un troisième terme.
Il en est qui font de la matière même un des deux contraires : ainsi ceux qui opposent l'inégal à l'égal, la pluralité à l'unité. Cette doctrine se réfute de la même manière. La matière première n'est le contraire de rien. D'ailleurs, tout participerait du mal, hormis l'unité, car le mal est l'un des deux éléments.
D'autres prétendent que ni le bien ni le mal ne sont des principes ; et pourtant le principe, c'est, dans toutes choses, le bien par excellence. Ceux-là ont raison, sans nul doute, qui admettent le bien comme principe; mais ce qu'ils ne disent pas, c'est comment le bien est un principe, si c'est à titre de fin, ou de cause motrice, ou de forme.
(1075b) L'opinion d'Empédocle n'est pas moins absurde. Le bien, pour lui, c'est l'Amitié. Or l'Amitié est principe en même temps, et comme cause motrice, car elle rassemble les éléments, et comme matière, car elle est une partie du mélange des éléments. En supposant même qu'il puisse arriver que la même chose existe à la fois à titre de matière et de principe, et à titre de cause motrice, toujours est-il qu'il n'y aurait pas identité dans son être. Qu'est-ce donc qui constitue l'Amitié? Une autre absurdité, c'est d'avoir fait la Discorde impérissable, tandis que la Discorde est l'essence même du mal.
Anaxagore reconnait le bien comme un principe : c'est le principe moteur. L'Intelligence meut ; mais elle meut en vue de quelque chose. Voilà donc un nouveau principe ; à moins qu'Anaxagore n'admette, comme nous, l'identité, car l'art de guérir est en quelque façon la santé. Il est absurde d'ailleurs de ne pas donner de contraire au bien et à l'Intelligence.
On verra, si l'on y fait attention, que tous ceux qui posent les contraires comme principes, ne se servent pas des contraires. Et pourquoi ceci est-il périssable, cela impérissable ? c'est ce que n'explique nul d'entre eux, car ils font provenir tous les êtres des mêmes principes.
Il en est qui tirent les êtres du non-être. D'autres, pour échapper à cette nécessité, réduisent tout à l'unité absolue. Enfin, pourquoi y aura-t-il toujours 230 production, et quelle est la cause de la production ? c'est ce que personne ne nous dit.
Non seulement ceux qui reconnaissent deux principes doivent admettre un autre principe supérieur, mais les partisans des idées doivent admettre, eux aussi, un principe supérieur aux idées ; car en vertu de quoi y a-t-il eu déjà, y a-t-il encore participation des choses avec les idées ? Et puis les autres sont forcés de donner un contraire à la sagesse et à la science par excellence, tandis que nous ne le sommes pas, n'y ayant pas de contraire à ce qui est premier, car les contraires ont une matière, et sont identiques en puissance. Or, l'ignorance, pour être le contraire de la science, impliquerait un objet contraire à celui de la science. Mais ce qui est premier n'a pas de contraire.
Que si d'ailleurs il n'y a pas d'autres êtres que les êtres sensibles, il ne peut plus avoir ni principe, ni ordre, ni production, ni harmonie céleste, mais seulement une suite d'infinie de principes, comme chez tous les Théologiens et les Physiciens sans exception. Mais si l'on admet l'existence des idées ou des nombres, on n'aura la cause de rien ; du moins on n'aura pas celle du mouvement. Et puis comment d'êtres sans étendue tirera-t-on l'étendue et le continu ? car ce n'est pas le nombre qui produira le continu, ni comme cause motrice, ni à titre de forme. Ce n'est pas non plus un des contraires qui sera la cause efficiente et la cause motrice. Ce principe, en effet, pourrait ne pas être. Or l'action est postérieure à la puissance. Il n'y aurait donc pas d'êtres éternels. Mais il y a des êtres éternels. Il faut donc abandonner l'hypothèse 240 d'un contraire. Nous avons dit comment. De plus, en vertu de quel principe y a-t-il unité dans les nombres, dans l'âme, dans le corps, et en général unité de forme et d'objet ? personne ne le dit, et personne ne saurait le dire, à moins de reconnaître avec nous que c'est en vertu de la cause motrice.
Quant à ceux qui prennent pour principe le nombre mathématique, et qui admettent ainsi une succession infinie d'essences, (1076a) et des principes différents pour les différentes essences, ils font de l'essence de l'univers une collection d'épisodes, car qu'importé alors à une essence qu'une autre essence existe ou n'existe pas ? Enfin ils ont une multitude de principes ; mais les êtres ne veulent pas être mal gouvernés : Le commandement de plusieurs n'est pas bon; il ne faut qu'un seul chef.
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