[5,22] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΚΒ'.
XXII. § 1 Στέρησις λέγεται ἕνα μὲν τρόπον ἂν μὴ ἔχῃ τι τῶν πεφυκότων ἔχεσθαι,
κἂν μὴ αὐτὸ ᾖ πεφυκὸς ἔχειν, οἷον φυτὸν ὀμμάτων ἐστερῆσθαι λέγεται· § 2
ἕνα δὲ ἂν πεφυκὸς (25) ἔχειν, ἢ αὐτὸ ἢ τὸ γένος, μὴ ἔχῃ, οἷον ἄλλως
ἄνθρωπος ὁ τυφλὸς ὄψεως ἐστέρηται καὶ ἀσπάλαξ, τὸ μὲν κατὰ τὸ γένος τὸ δὲ
καθ' αὑτό. § 3 Ἔτι ἂν πεφυκὸς καὶ ὅτε πέφυκεν ἔχειν μὴ ἔχῃ· ἡ γὰρ τυφλότης
στέρησίς τις, τυφλὸς δ' οὐ κατὰ πᾶσαν ἡλικίαν, ἀλλ' ἐν ᾗ πέφυκεν ἔχειν, ἂν
μὴ ἔχῃ. § 4 (30) Ὁμοίως δὲ καὶ ἐν ᾧ ἂν ᾖ καὶ καθ' ὃ καὶ πρὸς ὃ καὶ ὥς, ἂν
μὴ ἔχῃ πεφυκός. § 5 Ἔτι ἡ βιαία ἑκάστου ἀφαίρεσις στέρησις λέγεται. § 6
Καὶ ὁσαχῶς δὲ αἱ ἀπὸ τοῦ ἀποφάσεις λέγονται, τοσαυταχῶς καὶ αἱ στερήσεις
λέγονται· ἄνισον μὲν γὰρ τῷ μὴ ἔχειν ἰσότητα πεφυκὸς λέγεται, ἀόρατον δὲ
(35) καὶ τῷ ὅλως μὴ ἔχειν χρῶμα καὶ τῷ φαύλως, καὶ ἄπουν καὶ τῷ μὴ ἔχειν
ὅλως πόδας καὶ τῷ φαύλους. § 7 Ἔτι καὶ τῷ μικρὸν ἔχειν, οἷον τὸ ἀπύρηνον·
(1023a) τοῦτο δ' ἐστὶ τὸ φαύλως πως ἔχειν. § 8 Ἔτι τῷ μὴ ῥᾳδίως ἢ τῷ μὴ
καλῶς, οἷον τὸ ἄτμητον οὐ μόνον τῷ μὴ τέμνεσθαι ἀλλὰ καὶ τῷ μὴ ῥᾳδίως ἢ μὴ
καλῶς. § 9 Ἔτι τῷ πάντῃ μὴ ἔχειν· τυφλὸς γὰρ οὐ λέγεται ὁ (5) ἑτερόφθαλμος
ἀλλ' ὁ ἐν ἀμφοῖν μὴ ἔχων ὄψιν· διὸ οὐ πᾶς ἀγαθὸς ἢ κακός, ἢ δίκαιος ἢ
ἄδικος, ἀλλὰ καὶ τὸ μεταξύ.
| [5,22] CHAPITRE XXII
Privation. § 1. Le mot de Privation s'emploie, en un premier sens, pour
dire d'une chose qu'elle n'a point les qualités qui lui seraient
naturelles. Il y a aussi Privation, même quand la nature n'a pas voulu que
l'être eût cette qualité; et c'est ainsi qu'on peut dire d'une plante
qu'elle est privée de la vue.
§ 2. En un autre sens, Privation signifie que la chose n'a pas la qualité
qu'elle devrait (25) avoir, soit qu'elle-même, ou au moins son genre, dût
posséder cette qualité. Par exemple, on dit d'un homme aveugle qu'il est
privé de la vue, tout autrement qu'on ne le dit de la taupe ; car, pour la
taupe, c'est le genre qui est frappé de cette Privation ; pour l'homme,
c'est l'individu pris en lui seul.
§ 3. On emploie le mot de Privation quand la chose n'a pas ce qui lui est
naturel, au moment où elle devrait l'avoir. Ainsi, la cécité est bien une
Privation de certain genre; mais on ne dit pas d'un être, quel que soit
son âge, qu'il est aveugle ; on le dit seulement quand il n'a pas la vue à
l'âge où il devrait l'avoir naturellement.
§ 4. (30) De même, on dit qu'il y a Privation quand l'être n'a pas la
qualité que la nature lui attribue, soit dans le lieu, soit dans la
relation, soit dans la condition, soit de la manière où la nature voudrait
qu'il possédât cette qualité.
§ 5. L'ablation violente d'une chose quelconque s'appelle aussi Privation.
§ 6. Toutes les expressions de négation qui se forment par des particules
privatives, composent autant de Privations correspondantes. Ainsi, on
appelle inégal ce qui n'a pas l'égalité que naturellement il devrait avoir
; on appelle invisible (35) ce qui n'a pas du tout de couleur, ou ce qui
n'a qu'une couleur insuffisante ; de même qu'on appelle apode, ou ce qui
n'a pas du tout de pieds, ou ce qui n'en a que de mauvais.
§ 7. Parfois, la Privation, c'est de n'avoir la chose qu'en petite
quantité; et c'est ainsi qu'on dit d'un fruit qu'il n'a pas de noyau,
parce que son noyau est très petit; (1203a) ce qui revient à dire qu'à un
égard quelconque la chose est défectueuse.
§ 8. Parfois encore, la Privation consiste en ce que la chose ne se fait
pas aisément, ou en ce qu'elle se fait mal. Ainsi, l'on dit d'une chose
qu'elle est indivisible, non pas seulement parce qu'elle n'est pas
divisée, mais encore parce qu'elle ne peut pas l'être aisément, ou qu'elle
l'est de travers.
§ 9. Parfois, la Privation veut dire que la chose n'a rien absolument de
la qualité en question. Ainsi, on ne dit pas (5) d'un borgne qu'il est
aveugle; mais on le dit de celui dont les deux yeux ont perdu la vue.
Voilà encore comment tout le monde n'est pas bon ou méchant, juste ou
injuste, mais que l'on a aussi des qualités moyennes.
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