[4,7] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Ζ'.
§ 1. Ἀλλὰ μὴν οὐδὲ μεταξὺ ἀντιφάσεως ἐνδέχεται εἶναι οὐθέν, ἀλλ' ἀνάγκη ἢ
φάναι ἢ ἀποφάναι ἓν καθ' ἑνὸς ὁτιοῦν. (25) Δῆλον δὲ πρῶτον μὲν ὁρισαμένοις
τί τὸ ἀληθὲς καὶ ψεῦδος. Τὸ μὲν γὰρ λέγειν τὸ ὂν μὴ εἶναι ἢ τὸ μὴ ὂν εἶναι
ψεῦδος, τὸ δὲ τὸ ὂν εἶναι καὶ τὸ μὴ ὂν μὴ εἶναι ἀληθές, ὥστε καὶ ὁ λέγων
εἶναι ἢ μὴ ἀληθεύσει ἢ ψεύσεται· ἀλλ' οὔτε τὸ ὂν λέγεται μὴ εἶναι ἢ εἶναι
οὔτε τὸ μὴ ὄν.
§ 2. Ἔτι (30) ἤτοι μεταξὺ ἔσται τῆς ἀντιφάσεως ὥσπερ τὸ φαιὸν μέλανος καὶ
λευκοῦ, ἢ ὡς τὸ μηδέτερον ἀνθρώπου καὶ ἵππου. Εἰ μὲν οὖν οὕτως, οὐκ ἂν
μεταβάλλοι (ἐκ μὴ ἀγαθοῦ γὰρ εἰς ἀγαθὸν μεταβάλλει ἢ ἐκ τούτου εἰς μὴ
ἀγαθόν), νῦν δ' ἀεὶ φαίνεται (οὐ γὰρ ἔστι μεταβολὴ ἀλλ' ἢ εἰς τὰ
ἀντικείμενα (35) καὶ μεταξύ)· εἰ δ' ἔστι μεταξύ, καὶ οὕτως εἴη ἄν τις εἰς
λευκὸν οὐκ ἐκ μὴ λευκοῦ γένεσις, νῦν δ' οὐχ ὁρᾶται.
§ 3. (1012a)(1) Ἔτι πᾶν τὸ διανοητὸν καὶ νοητὸν ἡ διάνοια ἢ κατάφησιν ἢ
ἀπόφησιν - τοῦτο δ' ἐξ ὁρισμοῦ δῆλον - ὅταν ἀληθεύῃ ἢ ψεύδηται· ὅταν μὲν
ὡδὶ συνθῇ φᾶσα ἢ ἀποφᾶσα, ἀληθεύει, (5) ὅταν δὲ ὡδί, ψεύδεται.
§ 4. Ἔτι παρὰ πάσας δεῖ εἶναι τὰς ἀντιφάσεις, εἰ μὴ λόγου ἕνεκα λέγεται·
ὥστε καὶ οὔτε ἀληθεύσει (7) τις οὔτ' οὐκ ἀληθεύσει, καὶ παρὰ τὸ ὂν καὶ τὸ
μὴ ὂν ἔσται, ὥστε καὶ παρὰ γένεσιν καὶ φθορὰν μεταβολή τις ἔσται.
§ 5.Ἔτι ἐν ὅσοις γένεσιν ἡ ἀπόφασις τὸ ἐναντίον ἐπιφέρει, (10) καὶ ἐν
τούτοις ἔσται, οἷον ἐν ἀριθμοῖς οὔτε περιττὸς οὔτε οὐ περιττὸς ἀριθμός·
ἀλλ' ἀδύνατον· ἐκ τοῦ ὁρισμοῦ δὲ δῆλον.
§ 6. Ἔτι εἰς ἄπειρον βαδιεῖται, καὶ οὐ μόνον ἡμιόλια τὰ ὄντα ἔσται ἀλλὰ
πλείω. Πάλιν γὰρ ἔσται ἀποφῆσαι τοῦτο πρὸς τὴν φάσιν καὶ τὴν ἀπόφασιν, καὶ
τοῦτ' ἔσται τι· ἡ (15) γὰρ οὐσία ἐστί τις αὐτοῦ ἄλλη. Ἔτι ὅταν ἐρομένου εἰ
λευκόν ἐστιν εἴπῃ ὅτι οὔ, οὐθὲν ἄλλο ἀποπέφηκεν ἢ τὸ εἶναι· ἀπόφασις δὲ τὸ
μὴ εἶναι.
§ 7. Ἐλήλυθε δ' ἐνίοις αὕτη ἡ δόξα ὥσπερ καὶ ἄλλαι τῶν παραδόξων· ὅταν γὰρ
λύειν μὴ δύνωνται λόγους ἐριστικούς, ἐνδόντες τῷ λόγῳ σύμφασιν ἀληθὲς (20)
εἶναι τὸ συλλογισθέν. Οἱ μὲν οὖν διὰ τοιαύτην αἰτίαν λέγουσιν, οἱ δὲ διὰ
τὸ πάντων ζητεῖν λόγον.
§ 8. Ἀρχὴ δὲ πρὸς ἅπαντας τούτους ἐξ ὁρισμοῦ. Ὁρισμὸς δὲ γίγνεται ἐκ τοῦ
σημαίνειν τι ἀναγκαῖον εἶναι αὐτούς· ὁ γὰρ λόγος οὗ τὸ ὄνομα σημεῖον
ὁρισμὸς ἔσται. Ἔοικε δ' ὁ μὲν Ἡρακλείτου (25) λόγος, λέγων πάντα εἶναι καὶ
μὴ εἶναι, ἅπαντα ἀληθῆ ποιεῖν, ὁ δ' Ἀναξαγόρου, εἶναί τι μεταξὺ τῆς
ἀντιφάσεως, πάντα ψευδῆ· ὅταν γὰρ μιχθῇ, οὔτε ἀγαθὸν οὔτε οὐκ ἀγαθὸν τὸ
μῖγμα, ὥστ' οὐδὲν εἰπεῖν ἀληθές.
| [4,7] CHAPITRE VII
§ 1. Il n'est pas possible davantage qu'entre deux propositions
contradictoires, il y ait jamais un terme moyen; mais il y a nécessité
absolue, ou d'affirmer, ou de nier une chose d'une chose. Pour rendre
ceci parfaitement clair, il nous suffira de définir tout d'abord ce que
c'est que le vrai et le faux. Dire de ce qui est qu'il n'est pas, et de ce
qui n'est pas dire qu'il est, voilà le faux ; dire de ce qui est qu'il
est, et de ce qui n'est pas dire qu'il n'est pas, voilà le vrai ; de telle
sorte qu'en exprimant qu'une chose est ou n'est pas, on n'est ni dans le
vrai ni dans le faux; mais alors on ne dit pas de l'Être, ni qu'il ne soit
pas ni qu'il soit, pas plus qu'on ne le dit du Non-être.
§ 2. Si l'on admet qu'il y a un terme moyen entre les deux membres de
la contradiction, ou cet intermédiaire sera comme le gris, qui est un
terme moyen entre le noir et le blanc; ou bien, il ne sera ni l'un ni
l'autre des deux termes, comme le terme moyen entre l'homme et le cheval
est ce qui n'est ni l'un ni l'autre. Mais, s'il en était ainsi, il n'y
aurait plus de changement; car une chose qui n'est pas bonne subit un
changement pour devenir bonne, comme elle change aussi pour devenir
mauvaise, de bonne qu'elle était. C'est là ce qu'on voit sans cesse,
puisqu'il n'y a de changement possible que dans les opposés et dans les
intermédiaires. Mais, s'il y a un intermédiaire dans le sens neutre
que nous avons dit, alors il serait possible qu'une chose devînt blanche
sans avoir dû préalablement n'être pas blanche; or, c'est là ce qui ne se
voit pas.
§ 3. (1012a) D'autre part, la pensée affirme, ou nie, tout ce qu'elle
pense, ou tout ce qu'elle comprend; et la définition donnée plus haut fait
voir clairement quand la pensée est dans la vérité, et quand elle est
dans l'erreur. Lorsque la pensée combine les choses d'une certaine
manière, elle est dans le vrai, soit qu'elle affirme, soit qu'elle nie;
elle est dans le faux, quand elle les combine de telle autre façon.
§ 4. Il faudrait en outre que toutes les contradictions eussent un terme
moyen, si l'on ne veut pas se borner en ceci à de vains mots. Alors, il se
pourrait tout à la fois qu'on ne fût ni dans le vrai ni dans le faux; il y
aurait un intermédiaire qui ne serait ni l'Être ni le Non-être ; et, par
conséquent, il pourrait y avoir aussi un changement des choses qui ne
serait ni de la production ni de la destruction.
§ 5. Bien plus, il y aurait un intermédiaire, même dans les cas où la
négation implique nécessairement le contraire ; comme si, dans les
nombres, par exemple, il y avait un prétendu nombre qui ne fût ni pair ni
impair ; ce qui est cependant bien impossible, d'après la définition même
du nombre.
§ 6. Ajoutez que c'est se perdre dans l'infini ; car il ne faudra pas se
borner à ces demi-êtres; il faudra les multiplier sans fin, puisqu'on
pourra toujours nier ce terme moyen, par rapport à l'affirmation et à la
négation primitives; et c'est même à ce titre qu'il sera quelque chose,
puisque sa subtance doit être différente des deux autres termes.
Enfin, quand on demanderait à quelqu'un si telle chose est blanche, et
qu'il répondrait qu'elle ne l'est pas, il ne ferait encore que nier l'Être
; or, n'être pas est une négation, ce n'est pas un terme moyen.
§ 7. Cette doctrine erronée est entrée dans l'esprit de quelques
philosophes, par la même raison qui a donné cours à tant d'autres opinions
paradoxales. Quand on se sent hors d'état de repousser des arguties
captieuses, on cède au raisonnement de l'adversaire, et l'on accepte pour
vraie la conclusion régulière qu'il en tire. Les uns n'ont pas
d'autre motif de parler comme ils font ; et les autres commettent cette
erreur, parce qu'ils cherchent à se rendre raison de tout.
§ 8. Le vrai moyen de les éclairer les uns et les autres consiste à
partir d'une définition. Or la définition résulte de la nécessité même où
ils sont d'exprimer quelque chose; et la pensée, dont les mots sont les
signes, devient la définition même de la chose. Mais, si l'on peut dire
qu'Héraclite, en prétendant que tout est et n'est pas, inclinait à
faire croire que tout est vrai, Anaxagore, en admettant qu'il y a un terme
moyen possible pour toute contradiction, porte plutôt à croire que tout
est faux ; car, lorsque le bien et le mal sont mêlés, le mélange n'est ni
bon ni mauvais ; et il est impossible d'en dire rien qui soit vrai.
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