[4,5c] § 20. Εἶτ' ἄξιον θαυμάσαι εἰ τοῦτ' ἀποροῦσι, πότερον τηλικαῦτά ἐστι (5) τὰ
μεγέθη καὶ τὰ χρώματα τοιαῦτα οἷα τοῖς ἄπωθεν φαίνεται ἢ οἷα τοῖς ἐγγύθεν,
καὶ πότερον οἷα τοῖς ὑγιαίνουσιν ἢ οἷα τοῖς κάμνουσιν, καὶ βαρύτερα
πότερον ἃ τοῖς ἀσθενοῦσιν ἢ ἃ τοῖς ἰσχύουσιν, καὶ ἀληθῆ πότερον ἃ τοῖς
καθεύδουσιν ἢ ἃ τοῖς ἐγρηγορόσιν.
§ 21. Ὅτι μὲν γὰρ οὐκ οἴονταί (10) γε, φανερόν· οὐθεὶς γοῦν, ἐὰν ὑπολάβῃ
νύκτωρ Ἀθήνῃσιν εἶναι ὢν ἐν Λιβύῃ, πορεύεται εἰς τὸ ᾠδεῖον. Ἔτι δὲ περὶ
τοῦ μέλλοντος, ὥσπερ καὶ Πλάτων λέγει, οὐ δήπου ὁμοίως κυρία ἡ τοῦ ἰατροῦ
δόξα καὶ ἡ τοῦ ἀγνοοῦντος, οἷον περὶ τοῦ μέλλοντος ἔσεσθαι ὑγιοῦς ἢ μὴ
μέλλοντος.
§ 22. Ἔτι δὲ ἐπ' αὐτῶν (15) τῶν αἰσθήσεων οὐχ ὁμοίως κυρία ἡ τοῦ ἀλλοτρίου
καὶ ἰδίου ἢ τοῦ πλησίον καὶ τοῦ αὑτῆς, ἀλλὰ περὶ μὲν χρώματος ὄψις, οὐ
γεῦσις, περὶ δὲ χυμοῦ γεῦσις, οὐκ ὄψις· ὧν ἑκάστη ἐν τῷ αὐτῷ χρόνῳ περὶ τὸ
αὐτὸ οὐδέποτε φησιν ἅμα οὕτω καὶ οὐχ οὕτως ἔχειν.
§ 23. Ἀλλ' οὐδὲ ἐν ἑτέρῳ (20) χρόνῳ περί γε τὸ πάθος ἠμφισβήτησεν, ἀλλὰ
περὶ τὸ ᾧ συμβέβηκε τὸ πάθος. Λέγω δ' οἷον ὁ μὲν αὐτὸς οἶνος δόξειεν ἂν ἢ
μεταβαλὼν ἢ τοῦ σώματος μεταβαλόντος ὁτὲ μὲν εἶναι γλυκὺς ὁτὲ δὲ οὐ
γλυκύς· ἀλλ' οὐ τό γε γλυκύ, οἷόν ἐστιν ὅταν ᾖ, οὐδεπώποτε μετέβαλεν, ἀλλ'
ἀεὶ ἀληθεύει (25) περὶ αὐτοῦ, καὶ ἔστιν ἐξ ἀνάγκης τὸ ἐσόμενον γλυκὺ
τοιοῦτον.
§ 24. Καίτοι τοῦτο ἀναιροῦσιν οὗτοι οἱ λόγοι ἅπαντες, ὥσπερ καὶ οὐσίαν μὴ
εἶναι μηθενός, οὕτω μηδ' ἐξ ἀνάγκης μηθέν· τὸ γὰρ ἀναγκαῖον οὐκ ἐνδέχεται
ἄλλως καὶ ἄλλως ἔχειν, ὥστ' εἴ τι ἔστιν ἐξ ἀνάγκης, οὐχ ἕξει οὕτω τε καὶ
(30) οὐχ οὕτως.
§ 25. Ὅλως τ' εἴπερ ἔστι τὸ αἰσθητὸν μόνον, οὐθὲν ἂν εἴη μὴ ὄντων τῶν
ἐμψύχων· αἴσθησις γὰρ οὐκ ἂν εἴη. Τὸ μὲν οὖν μήτε τὰ αἰσθητὰ εἶναι μήτε τὰ
αἰσθήματα ἴσως ἀληθές (τοῦ γὰρ αἰσθανομένου πάθος τοῦτό ἐστι), τὸ δὲ τὰ
ὑποκείμενα μὴ εἶναι, ἃ ποιεῖ τὴν αἴσθησιν, καὶ ἄνευ αἰσθήσεως, (35)
ἀδύνατον. Οὐ γὰρ δὴ ἥ γ' αἴσθησις αὐτὴ ἑαυτῆς ἐστίν, ἀλλ' ἔστι τι καὶ
ἕτερον παρὰ τὴν αἴσθησιν, ὃ ἀνάγκη πρότερον εἶναι τῆς αἰσθήσεως·
(1011a)(1) τὸ γὰρ κινοῦν τοῦ κινουμένου φύσει πρότερόν ἐστι, κἂν εἰ
λέγεται πρὸς ἄλληλα ταῦτα, οὐθὲν ἧττον.
| [4,5c] § 20. On peut s'étonner aussi non moins justement d'entendre encore
demander, comme le font nos philosophes, si les grandeurs et les
couleurs sont bien dans la réalité ce qu'elles paraissent à ceux qui les
regardent de loin, ou ce qu'elles paraissent à ceux qui les regardent de
près ; si les choses sont ce qu'elles semblent aux gens bien portants
plutôt qu'aux gens malades; si les corps ont plus de pesanteur, selon que
ce sont des gens faibles ou des gens forts qui les portent; en un mot, si
c'est la vérité qu'on voit quand on dort plutôt que ce qu'on voit durant
la veille.
§ 21. Évidemment, sur tout cela, nos philosophes n'ont pas le plus
léger doute. Personne, en se supposant dans son sommeil être à Athènes,
bien qu'il soit en Afrique, ne va se mettre en route pour l'Odéon. Dans
une maladie, comme le remarque Platon, l'opinion du médecin sur l'issue
qu'elle doit avoir, et l'opinion d'une personne qui ignore la médecine, ne
sont pas d'un poids pareil, quand il s'agit de savoir si le malade guérira
ou s'il ne guérira pas.
§ 22. Bien plus, entre les sens eux-mêmes, le témoignage d'un sens
sur un objet qui lui est étranger, ne vaut pas son témoignage sur un objet
qui lui est propre. Le témoignage d'un sens voisin ne vaut pas celui du
sens lui-même. C'est la vue, ce n'est pas le goût qui juge de la couleur;
c'est le goût qui juge de la saveur, et ce n'est pas la vue. Il n'est pas
un sens qui, dans le même moment et relativement à la même chose, vienne
nous dire tout à la fois que cette chose est et n'est pas de telle ou
telle façon.
§ 23. Même dans un moment différent, le sens ne se trompe point sur
la qualité actuelle, bien qu'il puisse se tromper sur l'objet qui présente
cette qualité. Par exemple, le même vin, soit qu'il change directement
lui-même, ou bien que ce soit le corps qui change, semble tantôt être
agréable au goût et tantôt ne l'être pas. Mais pour cela, la saveur
agréable, telle qu'elle est quand elle est, ne change jamais. La sensation
est toujours véridique à cet égard ; et toute saveur qui devra être
agréable, comme celle du vin, est nécessairement soumise à la même
condition.
§ 24. Ce sont là des faits que méconnaissent toutes ces théories; et de
même qu'elles suppriment la réalité de la substance pour toutes choses,
elles nient de même qu'il y ait rien de nécessaire au monde. En effet, ce
qui est de toute nécessité ne peut pas être à la fois de telle façon et
d'une façon contraire; et du moment qu'il y a quelque chose qui est
nécessaire, ce quelque chose ne peut pas être et n'être pas, tel
qu'il est.
§ 25. En un mot, s'il n'y avait au monde que le sensible, il n'y aurait
plus rien dès qu'il n'y aurait plus d'êtres animés, puisqu'il n'y aurait
pas non plus de sensation. Il peut être vrai que, dans ce cas, il n'y
aurait plus ni objets sentis, ni sensation; puisque, pour tout cela, il
faut toujours l'intervention d'un être sentant qui éprouve cette
modification. Mais il serait impossible que les objets qui causent la
sensation n'existassent pas, sans même qu'aucune sensation eût lieu.
La sensibilité ne relève pas seulement d'elle-même; mais il y a en dehors
de la sensation quelque chose de différent d'elle, et qui lui est
nécessairement antérieur. (1011a) Ainsi, par exemple, le moteur est par
nature antérieur à l'objet qu'il meut; et cette vérité n'en est pas moins
certaine, bien que ces deux termes puissent s'appliquer réciproquement
l'un à l'autre.
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