[4,5b] § 10. Φασὶ δὲ καὶ τὸν Ὅμηρον ταύτην ἔχοντα φαίνεσθαι τὴν δόξαν, ὅτι
ἐποίησε τὸν Ἕκτορα, ὡς ἐξέστη ὑπὸ (30) τῆς πληγῆς, κεῖσθαι ἀλλοφρονέοντα,
ὡς φρονοῦντας μὲν καὶ τοὺς παραφρονοῦντας ἀλλ' οὐ ταὐτά. Δῆλον οὖν ὅτι, εἰ
ἀμφότεραι φρονήσεις, καὶ τὰ ὄντα ἅμα οὕτω τε καὶ οὐχ οὕτως ἔχει.
§ 11. ᾟ καὶ χαλεπώτατον τὸ συμβαῖνόν ἐστιν· εἰ γὰρ οἱ μάλιστα τὸ
ἐνδεχόμενον ἀληθὲς ἑωρακότες - οὗτοι (35) δ' εἰσὶν οἱ μάλιστα ζητοῦντες
αὐτὸ καὶ φιλοῦντες - οὗτοι τοιαύτας ἔχουσι τὰς δόξας καὶ ταῦτα
ἀποφαίνονται περὶ τῆς ἀληθείας, πῶς οὐκ ἄξιον ἀθυμῆσαι τοὺς φιλοσοφεῖν
ἐγχειροῦντας; τὸ γὰρ τὰ πετόμενα διώκειν τὸ ζητεῖν ἂν εἴη τὴν ἀλήθειαν.
§ 12. (1010a)(1) - Αἴτιον δὲ τῆς δόξης τούτοις ὅτι περὶ τῶν ὄντων μὲν τὴν
ἀλήθειαν ἐσκόπουν, τὰ δ' ὄντα ὑπέλαβον εἶναι τὰ αἰσθητὰ μόνον· ἐν δὲ
τούτοις πολλὴ ἡ τοῦ ἀορίστου φύσις ἐνυπάρχει καὶ ἡ τοῦ ὄντος οὕτως ὥσπερ
εἴπομεν· (5) διὸ εἰκότως μὲν λέγουσιν, οὐκ ἀληθῆ δὲ λέγουσιν (οὕτω γὰρ
ἁρμόττει μᾶλλον εἰπεῖν ἢ ὥσπερ Ἐπίχαρμος εἰς Ξενοφάνην).
§ 13. Ἔτι δὲ πᾶσαν ὁρῶντες ταύτην κινουμένην τὴν φύσιν, κατὰ δὲ τοῦ
μεταβάλλοντος οὐθὲν ἀληθευόμενον, περί γε τὸ πάντῃ πάντως μεταβάλλον οὐκ
ἐνδέχεσθαι ἀληθεύειν.
§ 14. (10) Ἐκ γὰρ ταύτης τῆς ὑπολήψεως ἐξήνθησεν ἡ ἀκροτάτη δόξα τῶν
εἰρημένων, ἡ τῶν φασκόντων ἡρακλειτίζειν καὶ οἵαν Κρατύλος εἶχεν, ὃς τὸ
τελευταῖον οὐθὲν ᾤετο δεῖν λέγειν ἀλλὰ τὸν δάκτυλον ἐκίνει μόνον, καὶ
Ἡρακλείτῳ ἐπετίμα εἰπόντι ὅτι δὶς τῷ αὐτῷ ποταμῷ οὐκ ἔστιν ἐμβῆναι· αὐτὸς
(15) γὰρ ᾤετο οὐδ' ἅπαξ.
§ 15. Ἡμεῖς δὲ καὶ πρὸς τοῦτον τὸν λόγον ἐροῦμεν ὅτι τὸ μὲν μεταβάλλον ὅτε
μεταβάλλει ἔχει τινὰ αὐτοῖς λόγον μὴ οἴεσθαι εἶναι, καίτοι ἔστι γε
ἀμφισβητήσιμον· τό τε γὰρ ἀποβάλλον ἔχει τι τοῦ ἀποβαλλομένου, καὶ τοῦ
γιγνομένου ἤδη ἀνάγκη τι εἶναι, ὅλως (20) τε εἰ φθείρεται, ὑπάρξει τι ὄν,
καὶ εἰ γίγνεται, ἐξ οὗ γίγνεται καὶ ὑφ' οὗ γεννᾶται ἀναγκαῖον εἶναι, καὶ
τοῦτο μὴ ἰέναι εἰς ἄπειρον.
§ 16. Ἀλλὰ ταῦτα παρέντες ἐκεῖνα λέγωμεν, ὅτι οὐ ταὐτό ἐστι τὸ
μεταβάλλειν κατὰ τὸ ποσὸν καὶ κατὰ τὸ ποιόν· κατὰ μὲν οὖν τὸ ποσὸν ἔστω μὴ
μένον, (25) ἀλλὰ κατὰ τὸ εἶδος ἅπαντα γιγνώσκομεν.
§ 17. Ἔτι δ' ἄξιον ἐπιτιμῆσαι τοῖς οὕτως ὑπολαμβάνουσιν, ὅτι καὶ αὐτῶν τῶν
αἰσθητῶν ἐπὶ τῶν ἐλαττόνων τὸν ἀριθμὸν ἰδόντες οὕτως ἔχοντα περὶ ὅλου τοῦ
οὐρανοῦ ὁμοίως ἀπεφήναντο· ὁ γὰρ περὶ ἡμᾶς τοῦ αἰσθητοῦ τόπος ἐν φθορᾷ καὶ
γενέσει διατελεῖ (30) μόνος ὤν, ἀλλ' οὗτος οὐθὲν ὡς εἰπεῖν μόριον τοῦ
παντός ἐστιν, ὥστε δικαιότερον ἂν δι' ἐκεῖνα τούτων ἀπεψηφίσαντο ἢ διὰ
ταῦτα ἐκείνων κατεψηφίσαντο.
§ 18. Ἔτι δὲ δῆλον ὅτι καὶ πρὸς τούτους ταὐτὰ τοῖς πάλαι λεχθεῖσιν
ἐροῦμεν· ὅτι (34) γὰρ ἔστιν ἀκίνητός τις φύσις δεικτέον αὐτοῖς καὶ
πειστέον (35) αὐτούς. Καίτοι γε συμβαίνει τοῖς ἅμα φάσκουσιν εἶναι καὶ μὴ
εἶναι ἠρεμεῖν μᾶλλον φάναι πάντα ἢ κινεῖσθαι· οὐ γὰρ ἔστιν εἰς ὅ τι
μεταβαλεῖ· ἅπαντα γὰρ ὑπάρχει πᾶσιν.
§ 19. (1010b)(1) - Περὶ δὲ τῆς ἀληθείας, ὡς οὐ πᾶν τὸ φαινόμενον ἀληθές,
πρῶτον μὲν ὅτι οὐδ' ἡ αἴσθησις ψευδὴς τοῦ γε ἰδίου ἐστίν, ἀλλ' ἡ φαντασία
οὐ ταὐτὸν τῇ αἰσθήσει.
| [4,5b] § 10. On va même parfois jusqu'à trouver une pensée semblable dans Homère,
parce qu'il nous montre Hector, sous le coup qu'il vient de recevoir,
"Étendu sur le sol, l'esprit bouleversé".
Comme si Homère eût cru que les hommes qui ont le délire continuent de
penser, mais pensent autre chose que les gens de sang-froid. Il en
résulterait évidemment que, si; de part et d'autre, il y a toujours de la
pensée, les êtres ne peuvent tout à la fois être de telle façon et ne pas
être de cette même façon.
§ 11. Mais voici une conséquence bien autrement grave qui ressort de tout
cela. Si ceux qui ont le plus profondément entrevu la vérité qu'il
nous est permis d'atteindre, et ce sont les gens qui la recherchent et qui
l'aiment avec le plus de passion, s'en sont fait des idées si fausses, et
l'ont si singulièrement interprétée, comment ceux qui débutent dans
l'étude de la philosophie, ne seraient-ils pas absolument découragés?
Rechercher la vérité, ne serait-ce donc que poursuivre des oiseaux qui
s'envolent ?
§ 12. (1010a) Ce qui a causé l'erreur des partisans de cette théorie,
c'est que, tout en étudiant sincèrement la vérité, ils ne voyaient d'êtres
réels que dans les choses sensibles exclusivement. Or, dans les choses que
nos sens nous révèlent, c'est en grande partie l'indétermination qui
domine, et cette nature spéciale de l'Être, que nous venons d'indiquer.
Aussi, l'opinion de ces philosophes pouvait bien être assez
vraisemblable; mais, au fond, ce n'était pas la vérité. Cependant il
valait mieux encore parler comme eux que comme Épicharme, dans ses
critiques contre Xénophane.
§ 13. Mais je le répète, c'est en voyant que cette nature tout entière,
que nous avons sous les yeux, est incessamment livrée au mouvement, et
qu'il est impossible de savoir la vérité sur ce qui change sans cesse, que
les philosophes ont été poussés à croire que l'homme ne peut jamais
conquérir la vérité, au milieu de ce bouleversement perpétuel et général.
§ 14. C'est là l'hypothèse qui fit fleurir la plus extrême de toutes
les doctrines que nous venons de citer, celle des soi-disant disciples
d'Héraclite, parmi lesquels il faut compter Cratyle, qui en était enfin
arrivé à ce point de croire qu'il ne devait même pas proférer une seule
parole, qui se contentait de remuer le doigt, et qui faisait un crime à
Héraclite d'avoir osé dire « Qu'on ne pouvait jamais se baigner deux fois
dans la même eau courante »; car, pour lui, il pensait qu'on ne
pouvait pas même dire qu'on s'y baignât une seule fois.
§ 15. Nous reconnaissons très volontiers, en faveur de cette doctrine,
qu'il y a bien quelque raison de refuser de croire à l'existence d'un
objet qui change, au moment même où il subit le changement; quoique
cependant ce point même soit discutable, puisque le permutant retient
quelque chose du permuté, et que déjà aussi il existe nécessairement
quelque chose de ce qui se produit et devient. Généralement parlant,
si un être périt, c'est qu'antérieurement il aura été quelque chose : et
s'il devient, il faut bien de toute nécessité qu'il y ait un être d'où il
vienne et qui l'engendre, sans que d'ailleurs cette génération puisse
remonter à l'infini.
§ 16. Mais, écartant ces considérations, nous nous bornons à affirmer que
ce n'est pas la même chose de changer de quantité et de changer de
qualité. En fait de quantité, nous accordons que l'être peut ne pas
subsister tel qu'il est; mais il subsiste par l'espèce, à l'aide de
laquelle nous connaissons toujours les choses.
§ 17. Une autre critique très fondée contre ce système, c'est que les
philosophes qui le soutiennent, tout en voyant que, même parmi les objets
sensibles, c'est de beaucoup le moindre nombre d'entre eux qui est sujet
au changement, n'en ont pas moins étendu leurs explications à l'ensemble
de l'univers. Il est bien vrai que ce lieu du sensible qui nous environne,
est soumis incessamment à la production et à la destruction; mais il est
seul à y être assujetti, et c'est une parcelle qui ne compte pour
rien, à vrai dire, dans l'univers entier, ou pour presque rien. Vraiment,
nos philosophes auraient été cent fois plus justes d'absoudre notre monde
par l'univers plutôt que de condamner l'univers aux conditions de notre
monde.
§ 18. Évidemment aussi, nous pourrons répéter contre eux les objections
que nous avons déjà faites si souvent; et il faut leur apprendre et leur
persuader qu'il existe une certaine nature immuable et immobile.
Toutefois ceux qui disent que les choses peuvent tout ensemble être et
n'être pas, devraient incliner davantage à les croire en repos plutôt
qu'en mouvement; car, alors, il n'existe rien en quoi la chose puisse
changer, puisque tout est à tout.
§ 19. (1010b) Pour s'assurer de cette vérité que tout ce qui nous apparaît
n'est pas vrai à ce seul titre, on peut se convaincre d'abord que la
sensation ne nous trompe jamais sur son objet propre ; mais la conception
que nous tirons de la sensation ne doit pas être confondue avec elle.
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