[7,5] CHAPITRE V.
1 Ἐπεὶ δὲ τὸ φίλον λέγεται καὶ καθόλου μᾶλλον, ὥσπερ καὶ κατ´ ἀρχὰς ἐλέχθη, ὑπὸ τῶν ἔξωθεν συμπαραλαμβανόντων (οἳ μὲν γὰρ τὸ ὅμοιόν φασιν εἶναι φίλον, οἳ δὲ τὸ ἐναντίον), λεκτέον καὶ περὶ τούτων πῶς εἰσι πρὸς τὰς εἰρημένας φιλίας. 2 Ἀνάγεται δὲ τὸ μὲν ὅμοιον καὶ εἰς τὸ ἡδὺ καὶ εἰς τὸ ἀγαθόν. Τό τε γὰρ ἀγαθὸν ἁπλοῦν, τὸ δὲ κακὸν πολύμορφον· καὶ ὁ ἀγαθὸς μὲν ὅμοιος ἀεὶ καὶ οὐ μεταβάλλεται τὸ ἦθος, ὁ δὲ φαῦλος καὶ ὁ ἄφρων οὐθὲν ἔοικεν ἕωθεν καὶ ἑσπέρας. 3 Διὸ ἐὰν μὴ συμβάλλωσιν οἱ φαῦλοι, οὐ φίλοι ἑαυτοῖς, ἀλλὰ διίστανται· ἡ δ´ οὐ βέβαιος φιλία οὐ φιλία. Ὥστε οὕτως μὲν τὸ ὅμοιον φίλον, ὅτι τὸ ἀγαθὸν ὅμοιον, ἔστι δὲ ὡς καὶ κατὰ τὸ ἡδύ· τοῖς γὰρ ὁμοίοις ταὔθ´ ἡδέα, καὶ ἕκαστον δὲ φύσει αὐτὸ αὑτῷ ἡδύ. 4 Διὸ καὶ φωναὶ καὶ αἱ ἕξεις καὶ συνημερεύσεις τοῖς ὁμογενέσιν ἥδισται ἀλλήλοις, καὶ τοῖς ἄλλοις ζῴοις· καὶ ταύτῃ ἐνδέχεται καὶ τοὺς φαύλους ἀλλήλους φιλεῖν.
Κακὸς κακῷ δὲ συντέτηκεν ἡδονῇ.
5 Τὸ δ´ ἐναντίον τῷ ἐναντίῳ φίλον ὡς τὸ χρήσιμον· αὐτὸ γὰρ αὑτῷ τὸ ὅμοιον ἄχρηστον. Διὸ δεσπότης δούλου δεῖται καὶ δοῦλος δεσπότου, καὶ γυνὴ καὶ ἀνὴρ ἀλλήλων, καὶ ἡδὺ καὶ ἐπιθυμητὸν τὸ ἐναντίον ὡς χρήσιμον, καὶ οὐχ ὡς ἐν τέλει ἀλλ´ ὡς πρὸς τὸ τέλος. Ὅταν γὰρ τύχῃ οὗ ἐπιθυμεῖ, ἐν τῷ τέλει μὲν ἐστίν, οὐκ ὀρέγεται δὲ τοῦ ἐναντίου, οἷον τὸ θερμὸν τοῦ ψυχροῦ καὶ τὸ ξηρὸν τοῦ ὑγροῦ. 6 Ἔστι δέ πως καὶ ἡ τοῦ ἐναντίου φιλία τοῦ ἀγαθοῦ. Ὀρέγεται γὰρ ἀλλήλων διὰ τὸ μέσον· ὡς σύμβολα γὰρ ὀρέγεται ἀλλήλων διὰ τὸ οὕτω γίνεσθαι ἐξ ἀμφοῖν ἓν μέσον. 7 Ἔτι κατὰ συμβεβηκός ἐστι τοῦ ἐναντίου, καθ´ αὑτὸ δὲ τῆς μεσότητος. Ὀρέγονται γὰρ οὐκ ἀλλήλων τἀναντία, ἀλλὰ τοῦ μέσου. Ὑπερψυχθέντες γάρ, ἐὰν θερμανθῶσιν, εἰς τὸ μέσον καθίστανται, καὶ ὑπερθερμανθέντες, ἐὰν ψυχθῶσιν· ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων. 8 Εἰ δὲ μή, ἀεὶ ἐν ἐπιθυμίᾳ, οὐκ ἐν τοῖς μέσοις. Ἀλλὰ χαίρει ὁ ἐν τῷ μέσῳ ἄνευ ἐπιθυμίας τοῖς φύσει ἡδέσιν, οἳ δὲ πᾶσι τοῖς ἐξιστᾶσι τῆς φύσει ἕξεως. 9 Τοῦτο μὲν οὖν τὸ εἶδος καὶ ἐπὶ τῶν ἀψύχων ἐστίν· τὸ φιλεῖν δὲ γίνεται, (1240a) ὅταν ᾖ ἐπὶ τῶν ἐμψύχων. Διὸ ἐνίοτε ἀνομοίοις χαίρουσιν, οἷον αὐστηροὶ εὐτραπέλοις καὶ ὀξεῖς ῥαθύμοις. Εἰς τὸ μέσον γὰρ καθίστανται ὑπ´ ἀλλήλων. 10 Κατὰ συμβεβηκὸς οὖν, ὥσπερ ἐλέχθη, τὰ ἐναντία φίλα, καὶ διὰ τὸ ἀγαθόν.
Πόσα μὲν οὖν εἴδη φιλίας, καὶ τίνες διαφοραὶ καθ´ ἃς λέγονται οἱ τε φίλοι καὶ οἱ φιλοῦντες καὶ οἱ φιλούμενοι, καὶ οὕτως ὥστε φίλοι εἶναι καὶ ἄνευ τούτου, εἴρηται·
| [7,5] CHAPITRE V.
1 Ainsi que je l'ai dit au début de cette étude, le mot d'ami est devenu un terme beaucoup trop général dans les théories superficielles qui ont été émises sur l'amitié. Les uns, on se le rappelle, soutenaient que c'est le semblable qui est ami; les autres, que c'est le contraire. Maintenant, il nous faut expliquer les vrais rapports du semblable et du contraire aux diverses amitiés que nous avons indiquées. 2 D'abord, on peut ramener la notion de semblable à celle d'agréable et de bon ; car le bon est simple, tandis que le mauvais est de formes très multiples. L'homme vraiment bon est toujours semblable à lui-même et ne change jamais de caractère ; loin de là, le méchant, l'insensé ne se ressemble pas du matin au soir. 3. Aussi, à moins que les méchants n'aient à se concerter pour quelqu'objet, ils ne sont pas amis les uns des autres; ils sont constamment divisés; et l'amitié qui n'est pas solide, n'est pas de l'amitié. Ainsi donc, en ce sens, c'est le semblable qui est ami, parce que le bon est semblable. Mais en un autre sens, on peut dire que le semblable se confond avec l'agréable; car les mêmes choses sont agréables à ceux qui se ressemblent ; et c'est une loi naturelle que tout être se plaise d'abord à soi-même. 4 Voilà pourquoi les sons mêmes de la voix, les manières, les relations quotidiennes sont si agréables aux membres d'une même famille; et j'ajoute, même parmi les animaux autres que l'homme. Ce sont là aussi, j'en conviens, des côtés où les méchants peuvent comme d'autres, s'aimer entre eux.
« Et le méchant toujours recherche le méchant »
5 D'autre part, on peut soutenir que le contraire est l'ami du contraire, tout comme l'utile peut l'être ; car le semblable est inutile à son semblable. C'est ainsi que le maître a besoin de l'esclave ; et l'esclave, du maître ; c'est ainsi que le mari et la femme ont besoin l'un de l'autre, et que le contraire est tout à la fois agréable et désiré en tant qu'utile ; et si ce n'est pas comme étant le but même qu'on se propose, c'est du moins comme pouvant contribuer à y conduire. En effet, on peut le voir, quand on obtient ce qu'on désire, on est arrivé à la fin même qu'on cherche; on ne désire plus le contraire, comme le chaud désire le froid, comme le sec désire l'humide. 6. A un certain point de vue, l'amitié même du contraire peut passer pour un bien. Ainsi, les contraires se désirent mutuellement par l'entremise du milieu où ils se joignent. Ils se recherchent comme les pièces d'un objet qu'on recompose, parce que c'est de la réunion de tous deux que se forme un seul et unique milieu. 7 Mais j'ajoute : ce n'est que par accident et indirectement que le contraire désire le contraire ; en soi, il ne désire que la position moyenne du milieu. Encore une fois, les contraires ne peuvent pas se désirer mutuellement ; c'est le milieu seulement qu'ils désirent. Quand on a eu trop froid, on revient au milieu en se réchauffant; et si l'on a eu trop chaud, on y revient en se refroidissant ; et de même pour tout le reste. 8 S'il en est autrement, on est toujours dans le désir, et jamais dans les milieux. Au contraire, celui qui est arrivé au juste milieu y jouit sans désir des choses qui sont naturellement agréables, tandis que les autres ne jouissent que de ce qui est sorti de ses qualités et de ses bornes naturelles. 9 Il y a plus : cette espèce d'amitié du contraire pour le contraire pourrait et (1240a() s'étendre et s'appliquer même aux choses inanimées. Mais l'amour véritable ne se produit que quand il y a milieu à l'égard d'êtres animés et vivants. Voilà pourquoi on se plaît souvent avec les êtres qui vous sont le plus dissemblables ; les gens austères se plaisent avec les rieurs ; et les gens de caractère ardent, avec les paresseux. On dirait qu'ils sont replacés dans le vrai milieu les uns par les autres. 10 C'est donc indirectement, comme je viens de le dire, que les contraires sont amis ; et ils ne le sont que pour le bien qu'ils se font réciproquement
D'après les explications que nous avons données, on doit voir maintenant quelles sont les espèces de l'amitié, quelles sont les différences qui distinguent les amis aimants et aimés, et enfin ce que sont les conditions auxquelles les gens peuvent être encore amis, sans même avoir d'affection réciproque.
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