[7,4] CHAPITRE IV.
(1239a) 1 ὥσπερ οὖν εἴρηται, τριῶν ὄντων εἰδῶν φιλίας, κατ´ ἀρετὴν κατὰ τὸ χρήσιμον καὶ κατὰ τὸ ἡδύ, αὗται πάλιν διῄρηνται εἰς δύο· αἳ μὲν γὰρ κατὰ τὸ ἴσον αἳ δὲ καθ´ ὑπεροχὴν εἰσίν. 2 Φιλίαι μὲν οὖν ἀμφότεραι, φίλοι δ´ οἱ κατὰ τὴν ἰσότητα· ἄτοπον γὰρ ἂν εἴη εἰ ἀνὴρ παιδίῳ φίλος, φιλεῖ δέ γε καὶ φιλεῖται. Ἐνιαχοῦ δὲ φιλεῖσθαι μὲν δεῖ τὸν ὑπερέχοντα, ἐὰν δὲ φιλῇ, ὀνειδίζεται ὡς ἀνάξιον φιλῶν. Τῇ γὰρ ἀξίᾳ τῶν φίλων μετρεῖται καί τινι ἴσῳ. 3 Τὰ μὲν οὖν δι´ ἡλικίας ἔλλειψιν ἀνάξια ὁμοίως φιλεῖσθαι, τὰ δὲ κατ´ ἀρετὴν ἢ γένος ἢ κατὰ ἄλλην τοιαύτην ὑπεροχήν. Ἀεὶ δὲ τὸν ὑπερέχοντα ἢ ἧττον ἢ μὴ φιλεῖν ἀξιοῦν, καὶ ἐν τῷ χρησίμῳ καὶ ἐν τῷ ἡδεῖ καὶ κατ´ ἀρετήν.
4 Ἐν μὲν οὖν ταῖς μικραῖς ὑπεροχαῖς εἰκότως γίνονται ἀμφισβητήσεις (τὸ γὰρ μικρὸν ἐνιαχοῦ οὐδὲν ἰσχύει, ὥσπερ ἐν ξύλου σταθμῷ, ἀλλ´ ἐν χρυσίῳ· ἀλλὰ τὸ μικρὸν κακῶς κρίνουσιν· φαίνεται γὰρ τὸ μὲν οἰκεῖον ἀγαθὸν διὰ τὸ ἐγγὺς μέγα, τὸ δ´ ἀλλότριον διὰ τὸ πόρρω μικρόν)· 5 ὅταν δὲ ὑπερβολὴ ᾖ, οὐδ´ αὐτοὶ ἐπιζητοῦσιν ὡς δεῖ ἢ ἀντιφιλεῖσθαι ἢ ὁμοίως ἀντιφιλεῖσθαι, οἷον εἴ τις ἀξιοῖ τὸν θεόν. Φανερὸν δὴ ὅτι φίλοι μέν, ὅταν ἐν τῷ ἴσῳ, τὸ ἀντιφιλεῖν δ´ ἔστιν ἄνευ τοῦ φίλους εἶναι.
— 6 Δῆλον δὲ καὶ διὰ τί ζητοῦσι μᾶλλον οἱ ἄνθρωποι τὴν καθ´ ὑπεροχὴν φιλίαν τῆς κατ´ ἰσότητα· 7 ἅμα γὰρ ὑπάρχει οὕτως αὐτοῖς τό τε φιλεῖσθαι καὶ ἡ ὑπεροχή. Διὸ ὁ κόλαξ παρ´ ἐνίοις ἐντιμότερος τοῦ φίλου· ἄμφω γὰρ φαίνεσθαι ποιεῖ ὑπάρχειν τῷ κολακευομένῳ. Μάλιστα δ´ οἱ φιλότιμοι τοιοῦτοι· τὸ γὰρ θαυμάζεσθαι ἐν ὑπεροχῇ. 8 Φύσει δὲ γίνονται οἳ μὲν φιλητικοὶ οἳ δὲ φιλότιμοι. Φιλητικὸς δὲ ὁ τῷ φιλεῖν χαίρων μᾶλλον ἢ τῷ φιλεῖσθαι· ἐκεῖνος δὲ φιλότιμος μᾶλλον. Ὁ μὲν οὖν χαίρων τῷ θαυμάζεσθαι καὶ φιλεῖσθαι τῆς ὑπεροχῆς φίλος· ὁ δὲ τῇ ἐν τῷ φιλεῖν ἡδονῇ ὁ φιλητικός. Ἔνεστι γὰρ ἀνάγκη ἐνεργοῦντα· τὸ μὲν γὰρ φιλεῖσθαι συμβεβηκός· ἔστι γὰρ λανθάνειν φιλούμενον, φιλοῦντα δ´ οὔ. 9 Ἔστι δὲ καὶ κατὰ τὴν φιλίαν τὸ φιλεῖν μᾶλλον ἢ τὸ φιλεῖσθαι, τὸ δὲ φιλεῖσθαι κατὰ τὸ φιλητόν. Σημεῖον δέ· ἕλοιτ´ ἂν ὁ φίλος μᾶλλον, εἰ μὴ ἐνδέχοιτ´ ἄμφω, γιγνώσκειν ἢ γιγνώσκεσθαι, οἷον ἐν ταῖς ὑποβολαῖς αἱ γυναῖκες ποιοῦσι, καὶ ἡ Ἀνδρομάχη ἡ Ἀντιφῶντος. Καὶ γὰρ ἔοικε τὸ μὲν ἐθέλειν γινώσκεσθαι αὑτοῦ ἕνεκα, καὶ τοῦ πάσχειν τι ἀγαθὸν ἀλλὰ μὴ ποιεῖν, τὸ δὲ γινώσκειν τοῦ ποιεῖν καὶ τοῦ φιλεῖν ἕνεκα. 10 Διὸ καὶ (1240) τοὺς ἐμμένοντας τῷ φιλεῖν πρὸς τοὺς τεθνεῶτας ἐπαινοῦμεν· γινώσκουσι γάρ, ἀλλ´ οὐ γινώσκονται. Ὅτι μὲν οὖν πλείονες τρόποι φιλίας, καὶ πόσοι τρόποι, ὅτι τρεῖς, καὶ ὅτι τὸ φιλεῖσθαι καὶ ἀντιφιλεῖσθαι καὶ οἱ φίλοι διαφέρουσιν, οἵ τε κατ´ ἰσότητα καὶ οἱ καθ´ ὑπεροχήν, εἴρηται·
| [7,4] CHAPITRE IV.
1 (1239a() Ainsi donc, les trois espèces d'amitiés qui sont, je le répète, l'amitié par vertu, l'amitié par intérêt et l'amitié par plaisir, peuvent se partager encore chacune en deux classes : les unes reposent sur l'égalité ; les autres se forment malgré la supériorité de l'un des amis. 2 Toutes les deux sont des amitiés réelles ; et cependant, les vrais amis ne sont amis que par l'égalité ; car il serait absurde de dire qu'un homme est l'ami d'un enfant, parce qu'il l'aime et qu'il en est aimé. Il y a des cas où il faut que le supérieur soit sincèrement aimé ; et pourtant, s'il aime à son tour, on lui reproche d'aimer quelqu'un qui n'est pas digne de son affection, parce qu'on mesure l'amitié au mérite des gens qui réprouvent, et d'après une sorte d'égalité qu'on établit entre les amis. 3 Tantôt c'est la différence de l'âge qui rend l'amitié peu convenable; tantôt c'est la différence de vertu, de naissance ou tel autre avantage, qui donne à l'un des amis une supériorité trop marquée. Le supérieur doit toujours ou aimer moins ou ne pas aimer, soit que d'ailleurs l'amitié ait eu d'abord pour cause l'intérêt, le plaisir, ou même la vertu.
4 Quand les différences de supériorité sont peu sensibles, on comprend qu'il puisse y avoir certaines dissensions entre les amis. Pour les choses matérielles, il y a des cas où une différence légère n'a pas la moindre gravité : par exemple, quand on mesure du bois ; elle en a beaucoup, quand il s'agit de mesurer de l'or. Mais on juge assez mal ordinairement de la petitesse des choses ; notre bien propre nous paraît très-grand, parce qu'il est proche de nous, tandis que le bien d'autrui nous paraît fort mince, parce qu'il est à distance. 5 Mais quand la différence est excessive, les gens eux-mêmes ne pensent plus à demander un retour, ni surtout un retour exactement égal. Irait-on, par exemple, supposer que Dieu doit nous aimer autant que nous l'aimons ?
6 Il est donc parfaitement évident que, pour être amis, il faut toujours être dans une sorte d'égalité, et qu'on peut s'aimer réciproquement, sans être cependant des amis. 7 Voilà ce qui explique pourquoi les hommes en général recherchent l'amitié où ils ont la supériorité, plutôt que l'amitié d'égalité ; c'est qu'ils y trouvent tout à la fois, et l'avantage d'être aimés, et le sentiment de leur supériorité. Voilà aussi ce qui fait que bien des gens préfèrent le flatteur à l'ami ; la flatterie donne à croire à celui qui se laisse flatter, qu'il a ces deux avantages réunis. Ce sont surtout les gens ambitieux qui recherchent les amitiés de ce genre ; car être admiré, c'est être supérieur. 8 En amitié, les hommes se divisent naturellement en deux classes : les uns sont affectueux ; les autres sont ambitieux. On est affectueux, quand on se plaît plus à aimer qu'à être aimé. ; on n'est qu'un ambitieux, quand on se plaît plus à recevoir l'affection qu'à la rendre. Celui qui jouit d'être admiré et d'être aimé, est un ami de sa propre supériorité, tandis que celui qui se complaît à aimer, est vraiment affectueux. Quand on aime, de toute nécessité on agit, tandis qu'être aimé n'est qu'un accident purement passif; on peut ne pas savoir qu'on est aimé; mais on ne peut jamais ignorer que l'on aime. 9 J'ajoute qu'il est plus selon l'amitié d'aimer que d'être aimé ; et qu'être aimé concerne davantage l'objet même de l'amour. La preuve, c'est que l'ami n'hésite pas à préférer de connaître l'objet de sa passion plutôt que d'en être connu, dans les cas où le choix est inévitable. C'est ce que font les femmes elles-mêmes dans les emportements du cœur, et c'est ce que fait l'Andromaque d'Antiphon. Quand on cherche à être connu, il semble qu'on ne songe absolument qu'à soi, et qu'on veut éprouver personnellement du plaisir, sans songer à en donner à un autre, tandis que connaître celui qu'on aime a pour but et de lui faire plaisir et de l'aimer. 10 Voilà pourquoi nous estimons tant et nous louons ceux qui conservent leur affection pour les morts ; car ils connaissent et ne sont pas connus. En résumé, nous avons fait voir jusqu'ici qu'il y a plusieurs genres d'amitié, et que ces genres sont au nombre de trois ; nous avons montré qu'il est très-différent d'être aimé et de rendre réciproquement l'affection qu'on reçoit; enfin nous avons expliqué la différence des amis, selon qu'ils sont sur le pied d'égalité, ou qu'il existe une supériorité de l'une des deux parts.
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