[2,6] CHAPITRE VI.
(15) 1 Λάβωμεν οὖν ἄλλην ἀρχὴν τῆς ἐπιούσης σκέψεως. Εἰσὶ δὴ πᾶσαι μὲν αἱ οὐσίαι κατὰ φύσιν τινὲς ἀρχαί, διὸ καὶ ἑκάστη πολλὰ δύναται τοιαῦτα γεννᾶν, οἷον ἄνθρωπος ἀνθρώπους καὶ ζῷον ὂν ὅλως ζῷα καὶ φυτὸν φυτά. 2 Πρὸς δὲ τούτοις ὅ γ᾽ ἄνθρωπος καὶ πράξεών τινών ἐστιν ἀρχὴ μόνον (20) τῶν ζῴων: τῶν γὰρ ἄλλων οὐθὲν εἴποιμεν ἂν πράττειν. 3 Τῶν δ᾽ ἀρχῶν ὅσαι τοιαῦται, ὅθεν πρῶτον αἱ κινήσεις, κύριαι λέγονται, μάλιστα δὲ δικαίως ἀφ᾽ ὧν μὴ ἐνδέχεται ἄλλως, ἣν ἴσως ὁ θεὸς ἄρχει. 4 Ἐν δὲ ταῖς ἀκινήτοις ἀρχαῖς, οἷον ἐν ταῖς μαθηματικαῖς, οὐκ ἔστι τὸ κύριον, καίτοι λέγεταί γε (25) καθ᾽ ὁμοιότητα· καὶ γὰρ ἐνταῦθα κινουμένης τῆς ἀρχῆς πάντα μάλιστ᾽ ἂν τὰ δεικνύμενα μεταβάλλοι, αὐτὰ δ᾽ αὑτὰ οὐ μεταβάλλει ἀναιρουμένου θατέρου ὑπὸ θατέρου, ἂν μὴ τῷ τὴν ὑπόθεσιν ἀνελεῖν καὶ δι᾽ ἐκείνης δεῖξαι. 5 Ὁ δ᾽ ἄνθρωπος ἀρχὴ κινήσεως τινός· ἡ γὰρ πρᾶξις κίνησις. Ἐπεὶ δ᾽ (30) ὥσπερ ἐν τοῖς ἄλλοις ἡ ἀρχὴ αἰτία ἐστὶ τῶν δι᾽ αὐτὴν ὄντων ἢ γινομένων, δεῖ νοῆσαι καθάπερ ἐπὶ τῶν ἀποδείξεων. 6 Εἰ γὰρ ἔχοντος τοῦ τριγώνου δύο ὀρθὰς ἀνάγκη τὸ τετράγωνον ἔχειν τέτταρας ὀρθάς, φανερὸν ὡς αἴτιον τούτου τὸ δύο ὀρθὰς ἔχειν τὸ τρίγωνον. Εἰ δέ γε μεταβάλλει τὸ τρίγωνον, ἀνάγκη (35) καὶ τὸ τετράγωνον μεταβάλλειν, οἷον εἰ τρεῖς, ἕξ, εἰ δὲ τέτταρες, ὀκτώ. Κἂν εἰ μὴ μεταβάλλοι, τοιοῦτον δ᾽ ἐστί, κακεῖνο τοιοῦτον ἀναγκαῖον εἶναι. 7 Δῆλον δ᾽ ὃ ἐπιχειροῦμεν ὅτι ἀναγκαῖον, ἐκ τῶν ἀναλυτικῶν· 8 νῦν δ᾽ οὔτε μὴ λέγειν οὔτε λέγειν ἀκριβῶς οἷόν τε, πλὴν τοσοῦτον. Εἰ γὰρ μηθὲν ἄλλο αἴτιον (40) τοῦ τὸ τρίγωνον οὕτως ἔχειν, ἀρχή τις ἂν εἴη τοῦτο καὶ αἴτιον τῶν ὕστερον.
9 Ὥστ᾽ εἴπερ ἐστὶν ἔνια τῶν ὄντων ἐνδεχόμενα ἐναντίως ἔχειν, ἀνάγκη καὶ τὰς ἀρχὰς αὐτῶν εἶναι τοιαύτας. (1223a) Ἐκ γὰρ τῶν ἐξ ἀνάγκης ἀναγκαῖον τὸ συμβαῖνον ἐστί, τὰ δέ γε ἐντεῦθεν ἐνδέχεται γενέσθαι τἀναντία, καὶ ὃ ἐφ᾽ αὑτοῖς ἐστι τοῖς ἀνθρώποις, πολλὰ τῶν τοιούτων, καὶ ἀρχαὶ τῶν τοιούτων εἰσὶν αὐτοί. 10 Ὥστε ὅσων πράξεων ὁ ἄνθρωπός ἐστιν (5) ἀρχὴ καὶ κύριος, φανερὸν ὅτι ἐνδέχεται καὶ γίνεσθαι καὶ μή, καὶ ὅτι ἐφ᾽ αὑτῷ ταῦτ᾽ ἐστι γίνεσθαι καὶ μή, ὧν γε κύριός ἐστι τοῦ εἶναι καὶ τοῦ μὴ εἶναι. Ὅσα δ᾽ ἐφ᾽ αὑτῷ ἐστι ποιεῖν ἢ μὴ ποιεῖν, αἴτιος τούτων αὐτὸς ἐστίν· καὶ ὅσων αἴτιος, ἐφ᾽ αὑτῷ. 11 Ἐπεὶ δ᾽ ἥ τε ἀρετὴ καὶ ἡ κακία καὶ τὰ ἀπ᾽ (10) αὐτῶν ἔργα τὰ μὲν ἐπαινετὰ τὰ δὲ ψεκτά -248;ψέγεται γὰρ καὶ ἐπαινεῖται οὐ διὰ τὰ ἐξ ἀνάγκης ἢ τύχης ἢ φύσεως ὑπάρχοντα, ἀλλ᾽ ὅσων αὐτοὶ αἴτιοι ἐσμέν· ὅσων γὰρ ἄλλος αἴτιος, ἐκεῖνος καὶ τὸν ψόγον καὶ τὸν ἔπαινον ἔχει-247;, δῆλον ὅτι καὶ ἡ ἀρετὴ καὶ ἡ κακία περὶ ταῦτ᾽ ἐστιν ὧν αὐτὸς (15) αἴτιος καὶ ἀρχὴ πράξεων. 12 Ληπτέον ἄρα ποίων αὐτὸς αἴτιος καὶ ἀρχὴ πράξεων. Πάντες μὲν δὴ ὁμολογοῦμεν, ὅσα μὲν ἑκούσια καὶ κατὰ προαίρεσιν τὴν ἑκάστου, ἐκεῖνον αἴτιον εἶναι, ὅσα δ᾽ ἀκούσια, οὐκ αὐτὸν αἴτιον. Πάντα δ᾽ ὅσα προελόμενος, καὶ ἑκὼν δῆλον ὅτι. Δῆλον τοίνυν ὅτι καὶ ἡ ἀρετὴ καὶ ἡ (20) κακία τῶν ἑκουσίων ἂν εἴησαν.
| [2,6] CHAPITRE VI.
1 (15) Prenons maintenant un autre principe pour l'étude qui va suivre, et ce principe le voici : Toutes les substances selon leur nature sont des principes d'une certaine espèce ; et c'est là ce qui fait que chacune d'elles peut engendrer beaucoup d'autres substances semblables ; comme, par exemple, l'homme engendre des hommes ; l'animal engendre généralement des animaux ; et la plante, des plantes. 2 Mais outre cet avantage, l'homme a le privilège spécial (20) parmi les animaux d'être le principe et la cause de certains actes ; car on ne peut pas dire d'aucun autre animal que lui, qu'il agisse réellement. 3 Entre les principes, ceux-là sont éminemment des principes, qui sont l'origine primordiale des mouvements; et c'est à juste titre qu'on donne surtout le nom de principes à ceux dont les effets ne peuvent être autrement qu'ils ne sont. Dieu seul peut-être est un principe de ce dernier genre. 4 Quand il s'agit de causes et de principes immobiles, comme sont les principes des mathématiques, il n'y a pas là de causes à proprement parler. Mais on les appelle (25) encore des causes et des principes par une sorte d'assimilation ; car là aussi, pour peu qu'on renverse le principe, toutes les démonstrations dont il est la source, quelque solides quelles soient, sont renversées avec lui, tandis que les démonstrations elles-mêmes ne peuvent point changer, l'une détruisant l'autre, à moins qu'on ne détruise l'hypothèse primitive et qu'on eût fait la démonstration par cette hypothèse première. 5 L'homme au contraire est le principe d'un certain mouvement, (30) puisque l'action qui lui est permise est un mouvement d'un certain ordre. Mais comme ici, tout de même qu'ailleurs, le principe est cause de ce qui existe ou se produit par lui et à sa suite, il faut bien se dire qu'il en est du mouvement dans l'homme comme pour les démonstrations. 6 Si, par exemple, le triangle ayant ses angles égaux à deux droits, il s'en suit nécessairement que le quadrilatère a les siens égaux à quatre angles droits, il est évident que la cause de cette conclusion, c'est que le triangles a ses angles égaux à deux angles droits. Si la propriété du triangle vient à changer, il faut (35) que le quadrilatère change aussi ; et si le triangle, par impossible, avait ses angles égaux à trois, le quadrilatère aura les siens égaux à six; si le triangle en avait quatre, le quadrilatère en aurait huit. Mais si la propriété du triangle ne change pas, et qu'elle reste telle qu'elle est, la propriété du quadrilatère doit également rester telle qu'on vient de le dire. 7 Il a été démontré avec pleine évidence, dans les Analytiques, que ce résultat que nous ne faisons qu'indiquer, est absolument nécessaire. 8 Mais ici nous ne pouvions, ni le passer entièrement sous silence, ni en parler avec plus de détails que nous ne le faisons; car s'il n'y a pas moyen de remonter à une autre cause (40) qui fasse que le triangle ait cette propriété, c'est que nous sommes arrivés au principe même, et à la cause de toutes les conséquences qui en sortent.
9 Mais comme il y a des choses qui peuvent être contrairement à ce qu'elles sont, il faut aussi que les principes de ces choses soient également variables ; (1223b) car tout ce qui résulte de choses nécessaires est nécessaire comme elles. Mais les choses qui viennent de cette autre cause signalée par nous, peuvent être autrement qu'elles ne sont. C'est souvent le cas pour ce qui dépend de l'homme et ne relève que de lui ; et voilà comment l'homme se trouve être cause et principe d'une foule de choses de cet ordre. 10 Une conséquence de ceci, c'est que pour toutes les actions dont l'homme est (5) cause et souverain maître, il est clair qu'elles peuvent être et ne pas être, et qu'il ne dépend que de lui que ces choses arrivent ou n'arrivent pas, puisqu'il est le maître qu'elles soient ou ne soient point. Il est donc la cause responsable de toutes les choses qu'il dépend de lui de faire ou de ne pas faire ; et toutes les choses dont il est cause, ne dépendent que de lui seul. 11 D'autre part, la vertu et le vice, ainsi que les actes (10) qui en dérivent, sont les uns dignes de louange et les autres dignes de blâme. Or, on ne loue et l'on ne blâme jamais les choses qui sont le résultat de la nécessité, de la nature, ou du hasard ; on ne loue et l'on ne blâme que celles dont nous sommes les causes ; car toutes les fois qu'un autre que nous est cause, c'est à lui que revient et la louange et le blâme. Il est donc bien évident que la vertu et le vice, ne concernent jamais que des choses où l'on est soi-même (15) cause et principe de certains actes. 12 Nous aurons donc à rechercher de quels actes l'homme est réellement la cause responsable et le principe. Mais nous convenons tous unanimement que, dans les choses qui sont volontaires et qui résultent du libre arbitre, chacun est cause et responsable, et que, dans les choses involontaires on n'est pas la vraie cause de ce qui arrive. Or, évidemment on a fait volontairement toutes celles qu'on a faites après une délibération et un choix préalables ; et par suite, il est tout aussi évident que la vertu et le (20) vice doivent être classés parmi les actes volontaires de l'homme.
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