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[1,23] 23. Ὁ δὲ Γράκχος καὶ ὁδοὺς ἔτεμνεν ἀνὰ τὴν Ἰταλίαν μακράς, πλῆθος
ἐργολάβων καὶ χειροτεχνῶν ὑφ' ἑαυτῷ ποιούμενος, ἑτοίμων ἐς ὅ τι
κελεύοι, καὶ ἀποικίας ἐσηγεῖτο πολλάς. Καὶ τοὺς Λατίνους ἐπὶ πάντα
ἐκάλει τὰ Ῥωμαίων, ὡς οὐκ εὐπρεπῶς συγγενέσι τῆς βουλῆς ἀντιστῆναι
δυναμένης· τῶν τε ἑτέρων συμμάχων, οἷς οὐκ ἐξῆν ψῆφον ἐν ταῖς
Ῥωμαίων χειροτονίαις φέρειν, ἐδίδου φέρειν ἀπὸ τοῦδε ἐπὶ τῷ ἔχειν καὶ
τούσδε ἐν ταῖς χειροτονίαις τῶν νόμων αὑτῷ συντελοῦντας. Ἐφ' ᾧ δὴ
μάλιστα ἡ βουλὴ διαταραχθεῖσα τοὺς ὑπάτους ἐκέλευσε προγράψαι
μηδένα τῶν οὐ φερόντων ψῆφον ἐπιδημεῖν τῇ πόλει μηδὲ
προσπελάζειν ἀπὸ τεσσαράκοντα σταδίων παρὰ τὴν ἐσομένην περὶ
τῶνδε τῶν νόμων χειροτονίαν. Λίβιόν τε Δροῦσον, ἕτερον δήμαρχον,
ἔπεισε κωλῦσαι τοὺς Γράκχου νόμους, οὐκ ἐπιλέγοντα τῷ δήμῳ τὰς
αἰτίας· δέδοται δὲ τῷ κωλύοντι μηδ' ἐπιλέγειν. Ἔδωκαν δ' αὐτῷ καὶ
φιλανθρωπεύσασθαι τὸν δῆμον δώδεκα ἀποικίαις· ᾧ δὴ καὶ μάλιστα ὁ
δῆμος ἡσθεὶς τῶν Γράκχου νόμων κατεφρόνησεν.
| [1,23] 23. Cependant Gracchus fit tracer de grandes routes en Italie et mit
ainsi dans ses intérêts des multitudes d'ouvriers et de travailleurs de
tout genre, prêts à faire tout ce qu'il voudrait. Il voulut faire décréter
l'établissement de plusieurs colonies, faire admettre les Latins aux
mêmes droits politiques que les citoyens de Rome, sans que le sénat
pût décemment refuser cette prérogative à des citoyens qui avaient
pour eux les liens de consanguinité. Ceux des autres alliés qui
n'avaient pas le droit de suffrage dans les élections aux magistratures,
il songeait à leur faire accorder pour l'avenir, dans la vue d'augmenter
par là le nombre de ses propres auxiliaires en faveur des lois qu'il
présenterait. Cette dernière mesure excita particulièrement la
sollicitude du sénat. Il ordonna aux consuls de faire une proclamation
pour empêcher qu'aucun de ceux qui n'avaient pas le droit de suffrage
ne se rendit à Rome ; et pour leur défendre même de s'en approcher
en deçà de quarante stades, les jours de comices qui auraient lieu sur
les projets de loi en question. D'un autre côté, il détermina Livus
Drusus, l'un des tribuns, à se déclarer contre les projets de loi de
Gracchus, sans en rendre d'ailleurs aucune raison au peuple ; car, en
pareil cas, le tribun qui émettait son veto pouvait, d'après la loi, se
dispenser de rien dire. On suggéra au même tribun de proposer
l'établissement de douze nouvelles colonies, afin de se concilier le
peuple avec d'autant plus de succès : et, en effet, le peuple reçut cette
dernière proposition avec tant de joie, qu'il ne prit plus aucun intérêt
aux projets de loi de Gracchus.
| [1,24] 24. Ὁ δὲ τοῦ δημοκοπήματος ἐκπεσὼν ἐς Λιβύην ἅμα Φουλβίῳ
Φλάκκῳ, κἀκείνῳ μεθ' ὑπατείαν διὰ τάδε δημαρχεῖν ἑλομένῳ,
διέπλευσεν, ἐψηφισμένης κατὰ δόξαν εὐκαρπίας ἐς Λιβύην ἀποικίας καὶ
τῶνδε αὐτῶν οἰκιστῶν ἐπίτηδες ἡἡρημένων, ἵνα μικρὸν ἀποδημούντων
ἀναπαύσαιτο ἡ βουλὴ τῆς δημοκοπίας. Οἱ δὲ τῇ ἀποικίᾳ τὴν πόλιν
διέγραφον, ἔνθα ποτὲ ἦν ἡ Καρχηδονίων, οὐδὲν φροντίσαντες, ὅτι
Σκιπίων αὐτήν, ὅτε κατέσκαπτεν, ἐπηράσατο ἐς ἀεὶ μηλόβοτον εἶναι.
Διέγραφον δ' ἐς ἑξακισχιλίους ἀντὶ ἐλαττόνων τῶν ὄντων ἐν τῷ νόμῳ,
ὡς καὶ τῷδε τὸν δῆμον ὑπαξόμενοι. Ἐπανελθόντες τε ἐς Ῥώμην
συνεκάλουν ἐξ ὅλης Ἰταλίας τοὺς ἑξακισχιλίους. Ἐπιστειλάντων δὲ τῶν
ἐν Λιβύῃ τὴν πόλιν ἔτι διαγραφόντων, ὅτι λύκοι τοὺς ὅρους Γράκχου τε
καὶ Φουλβίου διέρριψαν ἀνασπάσαντες, καὶ τῶν μάντεων τὴν ἀποικίαν
ἡγουμένων ἀπαίσιον, ἡ μὲν βουλὴ προέγραφεν ἐκκλησίαν, ἐν ᾗ τὸν
νόμον ἔμελλε τὸν περὶ τῆσδε τῆς ἀποικίας λύσειν· ὁ δὲ Γράκχος καὶ ὁ
Φούλβιος, ἐπεὶ καὶ τοῦδε ἐξέπιπτον, μεμηνόσιν ἐοικότες ἐψεῦσθαι τὴν
βουλὴν ἔφασκον περὶ τῶν λύκων. Οἵ τε θρασύτατοι τῶν δημοτῶν
αὐτοῖς συνελάμβανον, ἐγχειρίδια φέροντες ἐς τὸ Καπιτώλιον, οὗ περὶ
τῆς ἀποικίας ἐκκλησιάσειν ἔμελλον.
| [1,24] 24. Caius déchu de sa popularité s'embarqua pour la Libye avec
Fulvius Flaccus, qui, après son consulat, lui avait été donné à cet effet
pour collègue. La réputation de fertilité de cette contrée lui avait fait
assigner une colonie ; et on les avait chargés l'un et l'autre d'aller
organiser cet établissement, tout exprès pour les éloigner de Rome
pendant quelque temps, et afin que leur absence, apaisant la
fermentation populaire, le sénat eût quelque relâche. Gracchus et
Fulvius tracèrent l'enceinte de la ville destinée à la colonie sur le même
terrain où était autrefois Carthage. Ils n'eurent aucun égard à ce que
Scipion, lorsqu'il avait ruiné cette dernière cité, avait condamné son sol
à ne plus servir que de pâturage. Ils la disposèrent pour six mille
colons, au lieu du nombre inférieur réglé par la loi, afin de se concilier
le peuple d'autant. De retour à Rome, ils composèrent leur six mille
hommes de citoyens romains de toutes les parties de l'Italie.
Cependant les commissaires qui avaient été chargés dans la Libye de
continuer la circonscription de la ville, ayant donné pour nouvelle que
des loups avaient arraché et dispersé les bornes plantées par
Gracchus et par Fulvius, les augures consultés répondirent qu'une
colonie ne pouvait être fondée dans cette contrée. En conséquence, le
sénat convoqua une assemblée du peuple, pour y proposer une loi
tendant à abroger celle qui avait déterminé l'établissement de cette
colonie. Gracchus et Fulvius, que cet événement faisait déchoir de
leurs fonctions, semblables à des énergumènes, répandirent que ce
que le sénat avait annoncé du ravage des loups n'était qu'un
mensonge. Les plus audacieux des plébéiens se mirent de leur parti ;
et, armés de petits glaives, ils se rendirent dans le Capitole, où l'on
devait s'assembler pour prononcer sur le sort de la colonie.
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