[6] Καὶ μὴν τὰ περὶ τὰς ἁρπαγὰς τῶν γυναικῶν
ἡμαρτημένα Θησεῖ μὲν εὐσχήμονος ἐνδεᾶ προφάσεως γέγονε.
πρῶτον μὲν ὅτι πολλάκις· ἥρπασε γὰρ Ἀριάδνην
καὶ Ἀντιόπην καὶ Ἀναξὼ τὴν Τροιζηνίαν, ἐπὶ πάσαις
δὲ τὴν Ἑλένην, παρηκμακὼς οὐκ ἀκμάζουσαν, ἀλλὰ νηπίαν
καὶ ἄωρον αὐτὸς ὥραν ἔχων ἤδη γάμων πεπαῦσθαι
καὶ νομίμων· ἔπειτα διὰ τὴν αἰτίαν· οὐ γὰρ ἀξιώτεραί
γε παιδοποιοὶ τῶν Ἀθήνησιν Ἐρεχθηίδων καὶ Κεκροπίδων
αἱ Τροιζηνίων καὶ Λακώνων καὶ Ἀμαζόνων
ἀνέγγυοι θυγατέρες ἦσαν, ἀλλὰ ταῦτα μὲν ὑποψίαν ἔχει
πρὸς ὕβριν καὶ καθ´ ἡδονὴν πεπρᾶχθαι. Ῥωμύλος δὲ
πρῶτον μὲν ὀκτακοσίων ὀλίγον ἀριθμῷ δεούσας ἁρπάσας,
οὐ πάσας, ἀλλὰ μίαν ὥς φασιν Ἑρσιλίαν ἔλαβε, τὰς
δ´ ἄλλας διένειμε τοῖς ἀγάμοις τῶν πολιτῶν· ἔπειτα τῇ
μετὰ ταῦτα τιμῇ καὶ ἀγαπήσει καὶ δικαιοσύνῃ περὶ τὰς
γυναῖκας ἀπέδειξε τὴν βίαν ἐκείνην καὶ τὴν ἀδικίαν κάλλιστον
ἔργον καὶ πολιτικώτατον εἰς κοινωνίαν γενομένην.
οὕτω συνέμειξεν ἀλλήλοις καὶ συνέπηξε τὰ γένη, καὶ
παρέσχε πηγὴν τῆς εἰς αὖθις εὐροίας καὶ δυνάμεως τοῖς
πράγμασιν. αἰδοῦς δὲ καὶ φιλίας καὶ βεβαιότητος, ἣν
εἰργάσατο περὶ τοὺς γάμους, ὁ χρόνος ἐστὶ μάρτυς. ἐν
γὰρ ἔτεσι τριάκοντα καὶ διακοσίοις οὔτ´ ἀνὴρ ἐτόλμησε
γυναικὸς οὔτε γυνὴ κοινωνίαν ἀνδρὸς ἐγκαταλιπεῖν,
ἀλλ´ ὥσπερ ἐν Ἕλλησιν οἱ σφόδρα περιττοὶ τὸν πρῶτον
ἔχουσιν εἰπεῖν πατροκτόνον ἢ μητροφόνον, οὕτω Ῥωμαῖοι
πάντες ἴσασιν, ὅτι Καρβίλιος Σπόριος ἀπεπέμψατο
γυναῖκα πρῶτος, ἀπαιδίαν αἰτιασάμενος. τῷ δὲ τοσούτῳ
χρόνῳ συμμαρτυρεῖ καὶ τὰ ἔργα. καὶ γὰρ ἀρχῆς ἐκοινώνησαν
οἱ βασιλεῖς καὶ πολιτείας τὰ γένη διὰ τὴν ἐπιγαμίαν
ἐκείνην· ἀπὸ δὲ τῶν Θησέως γάμων Ἀθηναίοις φιλικὸν
μὲν οὐδὲν οὐδὲ κοινωνικὸν ὑπῆρξε πρὸς οὐδένα συμβόλαιον,
ἔχθραι δὲ καὶ πόλεμοι καὶ φόνοι πολιτῶν καὶ
τέλος Ἀφίδνας ἀπολέσαι 〈καὶ〉 μόλις ὑπ´ οἴκτου τῶν
πολεμίων, προσκυνήσαντας καὶ θεοὺς ἀνειπόντας, 〈μὴ〉
παθεῖν ἃ Τρῶες ἔπαθον δι´ Ἀλέξανδρον. ἡ μέντοι μήτηρ
ἡ Θησέως οὐκ ἐκινδύνευσεν, ἀλλ´ ἔπαθε τὰ τῆς Ἑκάβης,
ἐγκαταλιπόντος καὶ προεμένου τοῦ παιδός, εἴγε μὴ πέπλασται
τὰ τῆς αἰχμαλωσίας, ὡς ἔδει γε καὶ τοῦτο
ψεῦδος εἶναι καὶ τὰ πλεῖστα τῶν ἄλλων. ἐπεὶ καὶ τὰ
περὶ τοῦ θείου μυθολογούμενα πολλὴν ποιεῖ διαφοράν.
Ῥωμύλῳ μὲν γὰρ ἡ σωτηρία μετὰ πολλῆς ὑπῆρξε θεῶν
εὐμενείας, ὁ δ´ Αἰγεῖ δοθεὶς χρησμός, ἀπέχεσθαι γυναικὸς
ἐπὶ ξένης, ἔοικεν ἀποφαίνειν παρὰ γνώμην θεῶν
γεγονέναι τὴν Θησέως τέκνωσιν.
| [6] (1) La faute qu'ils commirent en enlevant des femmes n'eut chez Thésée aucun
prétexte plausible. Premièrement, il s'en rendit coupable plusieurs fois; il enleva Ariane,
Antiope, Anaxo de Trézène; et après toutes celles-là, Hélène, qui n'était pas encore nubile, et
lorsqu'il avait lui-même passé l'âge de contracter même un mariage légitime. En second lieu,
on ne peut pas l'excuser sur le motif: car, ni les filles de Trézène, ni celles de Sparte, ni les
Amazones, qu'il prenait même sans fiançailles, n'étaient pas plus dignes ou plus capables de
lui donner des enfants que les femmes d'Athènes, qui descendaient d'Érechthée et de
Cécrops.(2) On peut donc le soupçonner de n'avoir suivi en cela que le goût de la violence et
l'attrait du plaisir. Romulus, qui enleva près de huit cents femmes, ne prit pour lui qu'Hersilie,
et laissa les autres aux citoyens qui n'avaient pas d'épouses. Dans la suite, les Romains, par
l'estime, l'affection et l'équité qu'ils leur témoignèrent, firent de cet acte de violence et
d'injustice l'action la plus sage et la plus politique. (3) Il unit par là et lia intimement les deux
peuples, procurant ainsi à l'État la source de sa prospérité et de sa puissance. Le temps est un
témoin sûr de la pudeur, de l'amour et de la constance qu'il mit dans les mariages. (4) En effet,
dans l'espace de deux cent trente ans, on ne vit pas un seul mari qui osât quitter sa femme, ni
une femme son mari; et comme, chez les Grecs, les gens très érudits peuvent nommer le
premier homme qui tua son père ou sa mère, de même tous les Romains savent que Spurius
Carbilius fut le premier qui répudia sa femme; encore en donna-t-il pour raison sa stérilité. (5)
Ce témoignage d'une si longue suite d'années est confirmé par les événements qui suivirent.
Un premier effet de ces unions fut le partage égal de l'autorité souveraine entre les deux rois,
et l'égalité de droits pour tous les citoyens. Au contraire les mariages de Thésée, loin de
procurer aux Athéniens des alliés ou des amis, leur attirèrent des haines, des guerres et des
meurtres, enfin la perte de la ville d'Aphidna. Ils eurent eux-mêmes bien de la peine à se
sauver, et ne durent qu'à la compassion de leurs ennemis, qu'ils furent obligés d'adorer comme
des dieux, de ne pas éprouver les malheurs qu'Alexandre attira depuis sur les Troyens. (6) La
mère même de Thésée n'en fut pas quitte pour le danger: elle eut le même sort qu'Hécube, et,
traînée en captivité, elle fut abandonnée et presque trahie par son fils, à moins que cette
captivité ne soit une fable, comme il serait à désirer qu'elle le fût, ainsi que tant d'autres traits
de la vie de Thésée. (7) Enfin, ce que l'on raconte de l'intervention de la divinité à leur égard
met entre eux une grande différence. Romulus, à sa naissance, fut sauvé par une protection
singulière des dieux, tandis que l'oracle qui défendait à Égée d'approcher d'aucune femme
dans une terre étrangère semblerait prouver que Thésée vint au monde contre leur volonté.
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