Texte grec :
[19] (1) Ἐνταῦθα δ´ αὐτοὺς ὥσπερ ἐξ
ὑπαρχῆς μάχεσθαι παρασκευαζομένους ἐπέσχε δεινὸν ἰδεῖν θέαμα καὶ λόγου κρείττων
ὄψις. (2) αἱ γὰρ ἡρπασμέναι θυγατέρες τῶν Σαβίνων ὤφθησαν ἀλλαχόθεν ἄλλαι μετὰ βοῆς
καὶ ἀλαλαγμοῦ διὰ τῶν ὅπλων φερόμεναι καὶ τῶν νεκρῶν ὥσπερ ἐκ θεοῦ κάτοχοι, πρός
τε τοὺς ἄνδρας αὑτῶν καὶ τοὺς πατέρας, αἱ μὲν παιδία κομίζουσαι νήπια πρὸς ταῖς
ἀγκάλαις, αἱ δὲ τὴν κόμην προϊσχόμεναι λελυμένην, πᾶσαι δ´ ἀνακαλούμεναι τοῖς
φιλτάτοις ὀνόμασι ποτὲ μὲν τοὺς Σαβίνους, ποτὲ δὲ τοὺς Ῥωμαίους. (3) ἐπεκλάσθησαν
οὖν ἀμφότεροι, καὶ διέσχον αὐταῖς ἐν μέσῳ καταστῆναι τῆς παρατάξεως, καὶ
κλαυθμὸς ἅμα διὰ πάντων ἐχώρει, καὶ πολὺς οἶκτος ἦν πρός τε τὴν ὄψιν καὶ τοὺς
λόγους ἔτι μᾶλλον, εἰς ἱκεσίαν καὶ δέησιν ἐκ δικαιολογίας καὶ παρρησίας
τελευτῶντας. (4) "τί γάρ, ἔφασαν, ὑμᾶς δεινὸν ἢ λυπηρὸν ἐργασάμεναι, τὰ μὲν ἤδη
πεπόνθαμεν, τὰ δὲ πάσχομεν τῶν σχετλίων κακῶν; ἡρπάσθημεν ὑπὸ τῶν νῦν ἐχόντων
βίᾳ καὶ παρανόμως, ἁρπασθεῖσαι δ´ ἠμελήθημεν ὑπ´ ἀδελφῶν καὶ πατέρων καὶ οἰκείων
χρόνον τοσοῦτον, ὅσος ἡμᾶς πρὸς τὰ ἔχθιστα κεράσας ταῖς μεγίσταις ἀνάγκαις
πεποίηκε νῦν ὑπὲρ τῶν βιασαμένων καὶ παρανομησάντων δεδιέναι μαχομένων καὶ
κλαίειν θνῃσκόντων. (5) οὐ γὰρ ἤλθετε τιμωρήσοντες ἡμῖν παρθένοις οὔσαις ἐπὶ τοὺς
ἀδικοῦντας, ἀλλὰ νῦν ἀνδρῶν ἀποσπᾶτε γαμετὰς καὶ τέκνων μητέρας, οἰκτροτέραν
βοήθειαν ἐκείνης τῆς ἀμελείας καὶ προδοσίας βοηθοῦντες ἡμῖν ταῖς ἀθλίαις.
(6) τοιαῦτα μὲν ἠγαπήθημεν ὑπὸ τούτων, τοιαῦτα δ´ ὑφ´ ὑμῶν ἐλεούμεθα. καὶ γὰρ εἰ δι´
ἄλλην αἰτίαν ἐμάχεσθε, παύσασθαι δι´ ἡμᾶς πενθεροὺς γεγονότας καὶ πάππους καὶ
οἰκείους ὄντας ἐχρῆν. (7) εἰ δ´ ὑπὲρ ἡμῶν ὁ πόλεμός ἐστι, κομίσασθε ἡμᾶς μετὰ
γαμβρῶν καὶ τέκνων, καὶ ἀπόδοτε ἡμῖν πατέρας καὶ οἰκείους, μηδ´ ἀφέλησθε παῖδας
καὶ ἄνδρας. ἱκετεύομεν ὑμᾶς μὴ πάλιν αἰχμάλωτοι γενέσθαι." τοιαῦτα πολλὰ τῆς
Ἑρσιλίας προαγορευούσης καὶ τῶν ἄλλων δεομένων, ἐσπείσθησαν ἀνοχαί, καὶ συνῆλθον
εἰς λόγους οἱ ἡγεμόνες. (8) αἱ δὲ γυναῖκες ἐν τούτῳ τοῖς πατράσι καὶ τοῖς ἀδελφοῖς
τοὺς ἄνδρας προσῆγον καὶ τὰ τέκνα, προσέφερόν τε τροφὴν καὶ ποτὸν τοῖς
δεομένοις, καὶ τοὺς τετρωμένους ἐθεράπευον οἴκαδε κομίζουσαι, καὶ παρεῖχον ὁρᾶν
ἀρχούσας μὲν αὑτὰς τοῦ οἴκου, προσέχοντας δὲ τοὺς ἄνδρας αὐταῖς καὶ μετ´ εὐνοίας
τιμὴν ἅπασαν νέμοντας. (9) ἐκ τούτου συντίθενται, τῶν μὲν γυναικῶν τὰς βουλομένας
συνοικεῖν τοῖς ἔχουσιν, ὥσπερ εἴρηται παντὸς ἔργου καὶ πάσης λατρείας πλὴν
ταλασίας ἀφειμένας, οἰκεῖν δὲ κοινῇ τὴν πόλιν Ῥωμαίους καὶ Σαβίνους, καὶ
καλεῖσθαι μὲν Ῥώμην ἐπὶ Ῥωμύλῳ τὴν πόλιν, Κυρίτας δὲ Ῥωμαίους ἅπαντας ἐπὶ τῇ
Τατίου πατρίδι, βασιλεύειν δὲ κοινῇ καὶ στρατηγεῖν ἀμφοτέρους. (10) ὅπου δὲ ταῦτα
συνέθεντο, μέχρι νῦν Κομίτιον καλεῖται· κομῖρε γὰρ Ῥωμαῖοι τὸ συνελθεῖν καλοῦσι.
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Traduction française :
[19] (1) Comme ils se préparaient de part et d'autre à recommencer le combat, ils sont arrêtés
par le spectacle le plus étonnant et le plus difficile à exprimer en paroles. (2) Les Sabines qui
avaient été enlevées, accourant de tous côtés avec de grands cris, et comme poussées par une
fureur divine, se précipitent au travers des armes et des monceaux de morts, se présentent à
leurs maris et à leurs pères, les unes avec leurs enfants dans les bras, les autres les cheveux
épars; et toutes ensemble, adressant la parole tantôt aux Sabins, tantôt aux Romains, leur
donnent les noms les plus tendres. (3) Les deux partis, également, touchés de ce spectacle, les
reçoivent au milieu d'eux. Alors leurs cris percèrent jusqu'aux derniers rangs, et leur état
remplit tous les coeurs d'un sentiment de pitié qui devint encore plus vif lorsque, après des
remontrances aussi libres que justes, elles finirent par les prières les plus pressantes (4) «
Qu'avons-nous fait? leur dirent-elles; et par quelle offense avons-nous mérité et les maux que
nous avons déjà soufferts, et ceux que nous souffrirons encore? Enlevées par force, et contre
toute justice, par les hommes à qui nous appartenons maintenant; longtemps négligées, après
un tel outrage, par nos frères, nos pères et nos proches, nous avons eu le temps de nous
attacher à ces Romains qui étaient l'objet de toute notre haine, et de former avec eux des liens
si intimes, que nous sommes forcées aujourd'hui de craindre pour ceux de nos ravisseurs qui
ont encore les armes à la main, et de pleurer ceux d'entre eux qui sont morts. (5) Vous n'êtes
pas venus nous venger de cette injustice pendant que nous étions encore filles, et vous venez
aujourd'hui arracher des femmes à leurs maris et des mères à leurs enfants! L'abandon et
l'oubli dans lequel vous nous avez laissées alors ont été moins déplorables que les secours que
vous nous donnez maintenant. Malheureuses que nous sommes! (6) voilà les marques de
tendresse que nous avons reçues de nos ennemis; voilà les marques de pitié que vous nous
avez données. Si vous vous faites la guerre pour d'autres motifs qui nous soient inconnus, du
moins devez-vous poser les armes par égard pour nous, qui vous avons unis par les titres de
beaux-pères, d'aïeux et d'alliés, avec ceux que vous traitez en ennemis (7) mais si c'est pour
nous que vous combattez, emmenez-nous avec vos gendres et vos petits-fils; rendez-nous nos
pères et nos proches, sans nous priver de nos maris et de nos enfants. Nous vous en conjurons,
épargnez-nous un second esclavage. » Ce discours d'Hersilie, soutenu par les prières des
autres, amena une suspension d'armes, et les généraux entrèrent en pourparlers. (8) Cependant
les femmes mènent leurs maris et leurs enfants à leurs pères et à leurs frères; elles apportent
des provisions à ceux qui en manquent, font transporter chez elles les blessés, les pansent avec
soin, leur font voir qu'elles sont maîtresses dans leurs maisons; que leurs maris, pleins de
respect pour elles, les traitent avec toutes sortes d'égards et de bienveillance. (9) D'après cela,
le traité fut bientôt conclu, aux conditions suivantes Que les femmes qui voudraient rester
avec leurs maris ne seraient, comme nous l'avons déjà dit, assujetties à d'autre travail ni à
d'autre service que de filer de la laine; que les Romains et les Sabins habiteraient la ville en
commun; qu'elle serait appelée Rome du nom de Romulus, et que les Romains prendraient
celui de Quirites, du nom de Cures, patrie de Tatius; enfin, que Romulus et Tatius régneraient
ensemble, et partageraient le commandement des armées. (10) Le lieu où le traité fut fait
s'appelle encore à présent le Comitium, du mot latin "comire", s'assembler.
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