Texte grec :
[182] (182a) ὅσον δυνάμεθα μὴ ἐρᾶν. οὗτοι γάρ εἰσιν οἱ
καὶ τὸ ὄνειδος πεποιηκότες, ὥστε τινὰς τολμᾷν λέγειν ὡς αἰσχρὸν χαρίζεσθαι
ἐρασταῖς· λέγουσι δὲ εἰς τούτους ἀποβλέποντες, ὁρῶντες αὐτῶν τὴν ἀκαιρίαν καὶ
ἀδικίαν, ἐπεὶ οὐ δή που κοσμίως γε καὶ νομίμως ὁτιοῦν <πρᾶγμα> πραττόμενον
ψόγον ἂν δικαίως φέροι. καὶ δὴ καὶ ὁ περὶ τὸν ἔρωτα νόμος ἐν μὲν ταῖς ἄλλαις
πόλεσι νοῆσαι ῥᾴδιος, ἁπλῶς γὰρ ὥρισται· ὁ δ᾽ ἐνθάδε (182b) καὶ ἐν Λακεδαίμονι
ποικίλος. ἐν Ἤλιδι μὲν γὰρ καὶ ἐν Βοιωτοῖς, καὶ οὗ μὴ σοφοὶ λέγειν, ἁπλῶς
νενομοθέτηται καλὸν τὸ χαρίζεσθαι ἐρασταῖς, καὶ οὐκ ἄν τις εἴποι οὔτε νέος οὔτε
παλαιὸς ὡς αἰσχρόν, ἵνα, οἶμαι, μὴ πράγματ᾽ ἔχωσιν λόγῳ πειρώμενοι πείθειν
τοὺς νέους, ἅτε ἀδύνατοι λέγειν· τῆς δὲ Ἰωνίας καὶ ἄλλοθι πολλαχοῦ αἰσχρὸν
νενόμισται, ὅποι ὑπὸ βαρβάροις οἰκοῦσιν. τοῖς γὰρ βαρβάροις διὰ τὰς τυραννίδας
αἰσχρὸν τοῦτό γε καὶ ἥ γε (182c) φιλοσοφία καὶ ἡ φιλογυμναστία· οὐ γὰρ οἶμαι
συμφέρει τοῖς ἄρχουσι φρονήματα μεγάλα ἐγγίγνεσθαι τῶν ἀρχομένων, οὐδὲ
φιλίας ἰσχυρὰς καὶ κοινωνίας, ὃ δὴ μάλιστα φιλεῖ τά τε ἄλλα πάντα καὶ ὁ ἔρως
ἐμποιεῖν. ἔργῳ δὲ τοῦτῳ ἔμαθον καὶ οἱ ἐνθάδε τύραννοι· ὁ γὰρ Ἀριστογείτονος
ἔρως καὶ ἡ Ἁρμοδίου φιλία βέβαιος γενομένη κατέλυσεν αὐτῶν τὴν ἀρχήν. οὕτως
οὗ μὲν αἰσχρὸν ἐτέθη (182d) χαρίζεσθαι ἐρασταῖς, κακίᾳ τῶν θεμένων κεῖται,
τῶν μὲν ἀρχόντων πλεονεξίᾳ, τῶν δὲ ἀρχομένων ἀνανδρίᾳ· οὗ δὲ καλὸν ἁπλῶς
ἐνομίσθη, διὰ τὴν τῶν θεμένων τῆς ψυχῆς ἀργίαν. ἐνθάδε δὲ πολὺ τούτων
κάλλιον νενομοθέτηται, καὶ ὅπερ εἶπον, οὐ ῥᾴδιον κατανοῆσαι.
X. Ἐνθυμηθέντι γὰρ ὅτι λέγεται κάλλιον τὸ φανερῶς ἐρᾷν τοῦ λάθρᾳ, καὶ
μάλιστα τῶν γενναιοτάτων καὶ ἀρίστων, κἂν αἰσχίους ἄλλων ὦσι, καὶ ὅτι αὖ ἡ
παρακέλευσις τῷ ἐρῶντι παρὰ πάντων θαυμαστή, οὐχ ὥς τι αἰσχρὸν ποιοῦντι,
καὶ ἑλόντι τε καλὸν δοκεῖ εἶναι (182e) καὶ μὴ ἑλόντι αἰσχρόν, καὶ πρὸς τὸ
ἐπιχειρεῖν ἑλεῖν ἐξουσίαν ὁ νόμος δέδωκε τῷ ἐραστῇ θαυμαστὰ ἔργα
ἐργαζομένῳ ἐπαινεῖσθαι, ἃ εἴ τις τολμῴη ποιεῖν ἄλλ᾽ ὁτιοῦν διώκων καὶ
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Traduction française :
[182] Ce sont eux, en effet, qui ont décrié l'amour des garçons, au
point que certaines gens osent dire que c'est une honte de
complaire à un amant; s'ils parlent ainsi, c'est en
voyant les amours déplacées de ces amants malhonnêtes ;
car aucune action conforme à l'ordre et à la loi ne mérite d'être blâmée.
La règle sur laquelle on juge l'amour dans les autres
États est facile à saisir; car elle est simple et précise; ici
au contraire (et à Lacédémone), elle est compliquée;
en Élide, en Béotie et dans les pays où l'on n'est pas
habile à parler, on admet simplement qu'il est bien
d'accorder ses faveurs à son amant, et personne, ni
vieux, ni jeune, ne dirait qu'il y a là de la honte; on
veut, je crois, échapper à l'embarras de gagner les
jeunes garçons par la parole, parce qu'on ne sait pas
parler. En Ionie, au contraire, et dans beaucoup
d'autres pays où dominent les barbares, l'amour des
garçons passe pour honteux; les barbares, en effet,
craignant pour leur tyrannie, attachent de la honte à cet
amour, comme à la philosophie et à la gymnastique : ce
n'est pas, j'imagine, l'affaire des tyrans de laisser se
former parmi leurs sujets de grands courages, ni des
amitiés et des sociétés solides, comme l'amour excelle à
en former. C'est ce que l'expérience apprit aux tyrans
d'Athènes. L'amour d'Aristogiton et l'amitié d'Harmodios
solidement cimentés détruisirent leur domination.
Ainsi là où la coutume s'est établie de tenir pour
honteuses les faveurs qu'on accorde à un amant, elle ne
règne que par la faute de ceux qui l'ont établie, je veux
dire par l'ambition des gouvernants et la lâcheté des
gouvernés; là où la loi les approuve tout simplement,
c'est par la paresse d'esprit de ses auteurs; mais chez
nous la loi repose sur des raisons plus belles et, comme
je le disais, délicates à débrouiller.
- En effet, si l'on fait réflexion que, suivant
l'opinion courante, il est plus beau d'aimer ouvertement
que d'aimer en cachette, et surtout d'aimer les
jeunes gens les plus généreux et les plus vertueux,
fussent-ils moins beaux que les autres; que, d'autre
part, les amoureux reçoivent de tout le monde des
encouragements extraordinaires, comme s'ils ne faisaient
rien que d'honorable ; que le succès leur fait
honneur, l'insuccès honte, et que la loi donne à l'amoureux
qui entreprend une conquête la licence de faire
avec l'approbation publique toutes sortes d'extravagances
qu'on n'oserait pas commettre,
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