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[1,0] ΟΔΥΣΣΕΙΑΣ Α.
| [1,0] ODYSSÉE - CHANT PREMIER.
| [1,1] Ἄνδρα μοι ἔννεπε, Μοῦσα, πολύτροπον, ὃς μάλα πολλὰ
πλάγχθη, ἐπεὶ Τροίης ἱερὸν πτολίεθρον ἔπερσε;
πολλῶν δ´ ἀνθρώπων ἴδεν ἄστεα καὶ νόον ἔγνω,
πολλὰ δ´ ὅ γ´ ἐν πόντῳ πάθεν ἄλγεα ὃν κατὰ θυμόν,
ἀρνύμενος ἥν τε ψυχὴν καὶ νόστον ἑταίρων.
ἀλλ´ οὐδ´ ὧς ἑτάρους ἐρρύσατο, ἱέμενός περ;
αὐτῶν γὰρ σφετέρῃσιν ἀτασθαλίῃσιν ὄλοντο,
νήπιοι, οἳ κατὰ βοῦς Ὑπερίονος Ἠελίοιο
ἤσθιον; αὐτὰρ ὁ τοῖσιν ἀφείλετο νόστιμον ἦμαρ.
| [1,1]Muse, chante ce héros fameux par sa prudence, qui,
après avoir détruit les remparts sacrés de Troie, porta de
toutes parts ses pas errants, parcourut les cités de peuples
nombreux, et s'instruisit de leurs moeurs. Sur les mers, en
proie à des soins dévorants, il lutta contre les revers les
plus terribles, aspirant à sauver ses jours, et à ramener ses
compagnons dans sa patrie. Malgré l'ardeur de ce voeu, il ne
put les y conduire ; ils périrent victimes de leur imprudence :
insensés! ils osèrent se nourrir de troupeaux consacrés
au Soleil, qui règne dans la voûte céleste, et ce dieu
irrité n'amena point la journée de leur retour.
| [1,10] τῶν ἁμόθεν γε, θεά, θύγατερ Διός, εἰπὲ καὶ ἡμῖν.
ἔνθ´ ἄλλοι μὲν πάντες, ὅσοι φύγον αἰπὺν ὄλεθρον,
οἴκοι ἔσαν, πόλεμόν τε πεφευγότες ἠδὲ θάλασσαν;
τὸν δ´ οἶον, νόστου κεχρημένον ἠδὲ γυναικός,
νύμφη πότνι´ ἔρυκε Καλυψώ, δῖα θεάων,
ἐν σπέεσι γλαφυροῖσι, λιλαιομένη πόσιν εἶναι.
ἀλλ´ ὅτε δὴ ἔτος ἦλθε περιπλομένων ἐνιαυτῶν,
τῷ οἱ ἐπεκλώσαντο θεοὶ οἶκόνδε νέεσθαι
εἰς Ἰθάκην, οὐδ´ ἔνθα πεφυγμένος ἦεν ἀέθλων
καὶ μετὰ οἷσι φίλοισι; θεοὶ δ´ ἐλέαιρον ἅπαντες
| [1,10] Déesse, fille de Jupiter, que nous entendions de ta bouche
le récit des aventures mémorables de ce héros.
Tous les guerriers échappés à la truelle mort devant les
remparts de Troie étaient rentrés dans leurs demeures, à
l'abri des périls de la guerre et de la mer. Le seul Ulysse
aspirait en vain à revoir son épouse et sa patrie, retenu
dans les grottes profondes de Calypso, nymphe immortelle,
qui désirait se l'attacher par les noeuds de l'hyménée. Et
lorsqu'enfin les ans, dans le cercle continuel de leur cours,
eurent amené le temps que les dieux avait marqué pour son
retour à Ithaque, des périls et des combats l'attendaient encore
au milieu des siens et dans son propre palais. Tous les
immortels étaient touchés de ses peines :
| [1,20] νόσφι Ποσειδάωνος; ὁ δ´ ἀσπερχὲς μενέαινεν
ἀντιθέῳ Ὀδυσῆϊ πάρος ἣν γαῖαν ἱκέσθαι.
ἀλλ´ ὁ μὲν Αἰθίοπας μετεκίαθε τηλόθ´ ἐόντας,
Αἰθίοπας, τοὶ διχθὰ δεδαίαται, ἔσχατοι ἀνδρῶν,
οἱ μὲν δυσομένου Ὑπερίονος, οἱ δ´ ἀνιόντος,
ἀντιόων ταύρων τε καὶ ἀρνειῶν ἑκατόμβης.
ἔνθ´ ὅ γε τέρπετο δαιτὶ παρήμενος; οἱ δὲ δὴ ἄλλοι
Ζηνὸς ἐνὶ μεγάροισιν Ὀλυμπίου ἁθρόοι ἦσαν.
τοῖσι δὲ μύθων ἦρχε πατὴρ ἀνδρῶν τε θεῶν τε;
μνήσατο γὰρ κατὰ θυμὸν ἀμύμονος Αἰγίσθοιο,
| [1,20] Neptune seul le poursuivit avec une haine implacable,
jusqu'au moment où ce héros eut atteint sa terre natale.
Ce dieu s'était rendu à l'extrémité de la terre, chez les
habitants de l'Éthiopie, séparés en deux peuples 1, qui oc-
cupent les bords où descend le Soleil, et ceux d'où il s'élève
à la voûte céleste : là, il jouissait du sacrifice d'une héca-
tombe, et s'associait à leurs festins. Cependant les autres
divinités étaient rassemblées sur le haut de l'Olympe, dans
le palais de Jupiter ; et le père des dieux et des hommes
prend la parole. Il songeait à la destinée de ce mortel orné
de tout l'éclat de la beauté, Égisthe,
| [1,30] τόν ῥ´ Ἀγαμεμνονίδης τηλεκλυτὸς ἔκταν´ Ὀρέστης;
τοῦ ὅ γ´ ἐπιμνησθεὶς ἔπε´ ἀθανάτοισι μετηύδα;
ὢ πόποι, οἷον δή νυ θεοὺς βροτοὶ αἰτιόωνται.
ἐξ ἡμέων γάρ φασι κάκ´ ἔμμεναι; οἱ δὲ καὶ αὐτοὶ
σφῇσιν ἀτασθαλίῃσιν ὑπὲρ μόρον ἄλγε´ ἔχουσιν,
ὡς καὶ νῦν Αἴγισθος ὑπὲρ μόρον Ἀτρεΐδαο
γῆμ´ ἄλοχον μνηστήν, τὸν δ´ ἔκτανε νοστήσαντα,
εἰδὼς αἰπὺν ὄλεθρον, ἐπεὶ πρό οἱ εἴπομεν ἡμεῖς,
Ἑρμείαν πέμψαντες, ἐΰσκοπον Ἀργεϊφόντην,
μήτ´ αὐτὸν κτείνειν μήτε μνάασθαι ἄκοιτιν;
| [1,30] que le fils illustre d'Agamemnon, Oreste, venait d'immoler.
Plein de ses pensées, il s'écrie :
Eh quoi ! les mortels osent accuser les dieux ! C'est nous,
disent-ils, qui leur envoyons les calamités dont ils gémissent.
tandis qu'ils se les attirent eux-mêmes par leur aveugle
folie. Ainsi, contrariant ses heureux destins, Égisthe s'unit.
par un coupable hymen, à la femme d'Agamemnon, et ai:
moment du retour de ce prince, il l'assassine. Il n'ignorait
pas que ces attentats feraient sa propre perte : nous l'en
avions averti nous-même; Mercure, envoyé de notre part,
lui avait dit : N'attente point aux jours de ce roi ;
n'envahis pas sa couche ;
| [1,40] ἐκ γὰρ Ὀρέσταο τίσις ἔσσεται Ἀτρεΐδαο,
ὁππότ´ ἂν ἡβήσῃ τε καὶ ἧς ἱμείρεται αἴης.
ὣς ἔφαθ´ Ἑρμείας, ἀλλ´ οὐ φρένας Αἰγίσθοιο
πεῖθ´ ἀγαθὰ φρονέων; νῦν δ´ ἁθρόα πάντ´ ἀπέτεισε.
τὸν δ´ ἠμείβετ´ ἔπειτα θεὰ γλαυκῶπις Ἀθήνη;
ὦ πάτερ ἡμέτερε Κρονίδη, ὕπατε κρειόντων,
καὶ λίην κεῖνός γε ἐοικότι κεῖται ὀλέθρῳ,
ὡς ἀπόλοιτο καὶ ἄλλος ὅτις τοιαῦτά γε ῥέζοι.
ἀλλά μοι ἀμφ´ Ὀδυσῆϊ δαΐφρονι δαίεται ἦτορ,
δυσμόρῳ, ὃς δὴ δηθὰ φίλων ἄπο πήματα πάσχει
| [1,40] la vengeance partira de la main d'Oreste,
lorsqu'entré dans l'adolescence ses yeux se tourneront vers
l'héritage de ses pères. Ainsi parla Mercure : mais Égisthe
fut sourd à ces avis salutaires. Maintenant il a subi d'un seul
coup les châtiments accumulés de tous ses crimes.
Minerve prend la parole : O fils de Saturne, père des
dieux, dominateur des rois, c'est avec justice que ce coupable
est précipité dans le tombeau : périsse ainsi quiconque
se noircit de tels attentats! Mais mon coeur est touché d'une
vive compassion, lorsque je vois le sort du sage et vaillant
Ulysse. L'infortuné ! il souffre depuis si longtemps des peines cruelles,
| [1,50] νήσῳ ἐν ἀμφιρύτῃ, ὅθι τ´ ὀμφαλός ἐστι θαλάσσης,
νῆσος δενδρήεσσα, θεὰ δ´ ἐν δώματα ναίει,
Ἄτλαντος θυγάτηρ ὀλοόφρονος, ὅς τε θαλάσσης
πάσης βένθεα οἶδεν, ἔχει δέ τε κίονας αὐτὸς
μακράς, αἳ γαῖάν τε καὶ οὐρανὸν ἀμφὶς ἔχουσι.
τοῦ θυγάτηρ δύστηνον ὀδυρόμενον κατερύκει,
αἰεὶ δὲ μαλακοῖσι καὶ αἱμυλίοισι λόγοισι
θέλγει, ὅπως Ἰθάκης ἐπιλήσεται; αὐτὰρ Ὀδυσσεύς,
ἱέμενος καὶ καπνὸν ἀποθρῴσκοντα νοῆσαι
ἧς γαίης, θανέειν ἱμείρεται. οὐδέ νυ σοί περ
| [1,50] captif au milieu de la vaste mer, loin de ses
amis, dans cette île ombragée de forêts qu'habite une déesse,
la fille du savant Atlas, dont les regards perçants sondent
les abîmes des mers, et qui soutient ces immenses colonnes,
l'appui de la voûte céleste, si distante de la terre. Cette
nymphe retient ce prince malheureux, abandonné jour et
nuit à la plus amère douleur. Elle ne cesse de lui adresser
des paroles flatteuses, caressantes, pour lui faire perdre le
souvenir de sa chère Ithaque. Mais Ulysse, ravi s'il voyait
s'élever dans les airs la fumée de sa terre natale, recevrait
ensuite la mort avec joie.
| [1,60] ἐντρέπεται φίλον ἦτορ, Ὀλύμπιε; οὔ νύ τ´ Ὀδυσσεὺς
Ἀργείων παρὰ νηυσὶ χαρίζετο ἱερὰ ῥέζων
Τροίῃ ἐν εὐρείῃ; τί νύ οἱ τόσον ὠδύσαο, Ζεῦ;
τὴν δ´ ἀπαμειβόμενος προσέφη νεφεληγερέτα Ζεύς;
τέκνον ἐμόν, ποῖόν σε ἔπος φύγεν ἕρκος ὀδόντων.
πῶς ἂν ἔπειτ´ Ὀδυσῆος ἐγὼ θείοιο λαθοίμην,
ὃς περὶ μὲν νόον ἐστὶ βροτῶν, περὶ δ´ ἱρὰ θεοῖσιν
ἀθανάτοισιν ἔδωκε, τοὶ οὐρανὸν εὐρὺν ἔχουσιν;
ἀλλὰ Ποσειδάων γαιήοχος ἀσκελὲς αἰὲν
Κύκλωπος κεχόλωται, ὃν ὀφθαλμοῦ ἀλάωσεν,
| [1,60] Et ton coeur, dieu de l'Olympe, n'est pas touché !
N'as-tu pas agréé les sacrifices que ce héros t'offrit sur les rivages
de Troie? Pourquoi donc, ô Jupiter, es-tu animé contre lui de
courroux? Le dieu qui amoncelle les nuées lui répond : Ma fille,
quelle parole a passé tes lèvres 1 Pourrais-je oublier jamais
le grand Ulysse, dont la sagesse est si supérieure à celle
des autres mortels, dont ta piété lui fit offrir tant de victi-
times sur les autels des habitants de l'immense Olympe,
Mais celui qui environne la terre, Neptune, persévère dans
l'inflexible courroux qui l'embrasa, lorsque ce héros priva de la vue
| [1,70] ἀντίθεον Πολύφημον, ὅου κράτος ἐστὶ μέγιστον
πᾶσιν Κυκλώπεσσι; Θόωσα δέ μιν τέκε νύμφη,
Φόρκυνος θυγάτηρ, ἁλὸς ἀτρυγέτοιο μέδοντος,
ἐν σπέεσι γλαφυροῖσι Ποσειδάωνι μιγεῖσα.
ἐκ τοῦ δὴ Ὀδυσῆα Ποσειδάων ἐνοσίχθων
οὔ τι κατακτείνει, πλάζει δ´ ἀπὸ πατρίδος αἴης.
ἀλλ´ ἄγεθ´ ἡμεῖς οἵδε περιφραζώμεθα πάντες
νόστον, ὅπως ἔλθῃσι; Ποσειδάων δὲ μεθήσει
ὃν χόλον; οὐ μὲν γάρ τι δυνήσεται ἀντία πάντων
ἀθανάτων ἀέκητι θεῶν ἐριδαινέμεν οἶος.
| [1,70] son fils Polyphème, qui s'élève comme un dieu parmi
les cyclopes, qui naquit de la fille de Phorcys, l'un des rois
de l'empire désert des eaux, la nymphe Thoosa, à laquelle
Neptune s'unit dans ses grottes profondes. Depuis ce moment
fatal, s'il ne ravit pas le jour au malheureux Ulysse,
il l'écarte de sa patrie. Songeons cependant aux moyens
d'assurer son retour : Neptune doit vaincre sa colère ; s'il
demeure inflexible, en vain il s'efforcera de lutter seul contre
la troupe entière des immortels.
| [1,80] τὸν δ´ ἠμείβετ´ ἔπειτα θεὰ γλαυκῶπις Ἀθήνη;
ὦ πάτερ ἡμέτερε Κρονίδη, ὕπατε κρειόντων,
εἰ μὲν δὴ νῦν τοῦτο φίλον μακάρεσσι θεοῖσι,
νοστῆσαι Ὀδυσῆα πολύφρονα ὅνδε δόμονδε,
Ἑρμείαν μὲν ἔπειτα, διάκτορον Ἀργεϊφόντην,
νῆσον ἐς Ὠγυγίην ὀτρύνομεν, ὄφρα τάχιστα
νύμφῃ ἐϋπλοκάμῳ εἴπῃ νημερτέα βουλήν,
νόστον Ὀδυσσῆος ταλασίφρονος, ὥς κε νέηται.
αὐτὰρ ἐγὼν Ἰθάκηνδε ἐλεύσομαι, ὄφρα οἱ υἱὸν
μᾶλλον ἐποτρύνω καί οἱ μένος ἐν φρεσὶ θείω,
| [1,80] O mon père, toi que respecte l'Olympe, repartit la déesse,
puisqu'il est arrêté dans le séjour fortuné des dieux que le
sage Ulysse rentrera dans sa demeure, ordonne à Mercure,
le héraut céleste, de se rendre promptement dans l'île
d'Ogygie, et d'annoncer à la belle nymphe l'irrévocable
décret des habitants des cieux ; qu'elle ne retienne plus cet
homme intrépide, qu'elle consente à lui laisser reprendre la
route de sa patrie. Cependant je vais moi-même dans
Ithaque enflammer le courage de son fils, animer son coeur
d' une force nouvelle,
| [1,90] εἰς ἀγορὴν καλέσαντα κάρη κομόωντας Ἀχαιοὺς
πᾶσι μνηστήρεσσιν ἀπειπέμεν, οἵ τέ οἱ αἰεὶ
μῆλ´ ἁδινὰ σφάζουσι καὶ εἰλίποδας ἕλικας βοῦς.
πέμψω δ´ ἐς Σπάρτην τε καὶ ἐς Πύλον ἠμαθόεντα
νόστον πευσόμενον πατρὸς φίλου, ἤν που ἀκούσῃ,
ἠδ´ ἵνα μιν κλέος ἐσθλὸν ἐν ἀνθρώποισιν ἔχῃσιν.
ὣς εἰποῦς´ ὑπὸ ποσσὶν ἐδήσατο καλὰ πέδιλα,
ἀμβρόσια χρύσεια, τά μιν φέρον ἠμὲν ἐφ´ ὑγρὴν
ἠδ´ ἐπ´ ἀπείρονα γαῖαν ἅμα πνοιῇς´ ἀνέμοιο.
εἵλετο δ´ ἄλκιμον ἔγχος, ἀκαχμένον ὀξέϊ χαλκῷ,
| [1,90] afin que ce jeune prince convoque l'assemblée des chefs
et du peuple, ose interdire l'entrée de son palais à ces amants
hardis et nombreux de sa mère, qui, faisant ruisseler le sang
de ses troupeaux, y coulent leurs jours dans les festins. Je l'enverrai
ensuite à Sparte et dans la sablonneuse Pylos, pour s'informer du
sort d'un père chéri. Il est temps que sa renommée se répande
parmi les hommes.
A peine a-t-elle parlé qu'elle attache à ses pieds ses ailes
d'un or céleste et éternel, qui la portent avec plus de rapidité
que les vents, à travers l'empire des eaux et l'espace
immense de la terre ; elle saisit sa lance où éclate l'airain acéré,
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