[7,9] Ἐν τούτῳ δὲ ὁ Κλεινίας, θορύβου πολλοῦ κατὰ τὸ δικαστήριον
ὄντος, ἀνελθών, "Κἀμοί τινα λόγον," εἶπε, "συγχωρήσατε· περὶ γὰρ
ψυχῆς ἀνδρὸς ὁ ἀγών." ὡς δὲ ἔλαβε, δακρύων γεμισθείς, "Ἄνδρες,"
εἶπεν, "Ἐφέσιοι, μὴ προπετῶς καταγνῶτε θάνατον ἀνδρὸς
ἐπιθυμοῦντος ἀποθανεῖν, ὅπερ φύσει τῶν ἀτυχούντων ἐστὶ φάρμακον·
κατέψευσται γὰρ ἑαυτοῦ τὴν τῶν ἀδικούντων αἰτίαν, ἵνα πάθῃ τὴν
τῶν δυστυχούντων τιμωρίαν. ἃ δὲ ἠτύχησε διὰ βραχέων ἐρῶ.
ἐρωμένην εἶχεν, ὡς εἶπεν. τοῦτο γὰρ οὐκ ἐψεύσατο· καὶ ὅτι λῃσταὶ
ταύτην ἥρπασαν, καὶ τὰ περὶ Σωσθένους, καὶ πάνθ´ ὅσα πρὸ τοῦ
φόνου διηγήσατο, πέπρακται τὸν τρόπον τοῦτον. αὕτη γέγονεν
ἐξαίφνης ἀφανής, οὐκ οἶδ´ ὅπως, οὔτ´ εἴ τις ἀπέκτεινεν αὐτήν, οὔτ´
εἰ ζῇ κλαπεῖσα· πλὴν ἓν τοῦτο οἶδα μόνον, τὸν Σωσθένην αὐτῆς
ἐρῶντα καὶ αἰκισάμενον βασάνοις πολλαῖς ἐφ´ οἷς οὐκ ἐτύγχανε, καὶ
φίλους ἔχοντα λῃστάς. οὗτος οὖν ἀνῃρῆσθαι δοκῶν τὴν γυναῖκα ζῆν
οὐκέτι θέλει καὶ διὰ τοῦτο ἑαυτοῦ φόνον κατεψεύσατο. ὅτι μὲν
γὰρ ἐπιθυμεῖ θανάτου καὶ αὐτὸς ὡμολόγησε, καὶ ὅτι διὰ λύπην τὴν
ἐπὶ γυναικί. σκοπεῖτε δὲ εἴ τις ἀποκτείνας τινὰ ἀληθῶς ἐπαποθανεῖν
αὐτῷ θέλει καὶ ζῆν δι´ ὀδύνην οὐ φέρει. τίς οὕτω φιλόστοργος
φονεύς, ἢ ποῖον μῖσός ἐστιν οὕτω φιλούμενον; μή, πρὸς θεῶν, μὴ
πιστεύσητε, μηδὲ ἀποκτείνητε ἄνθρωπον ἐλέου μᾶλλον ἢ τιμωρίας
δεόμενον. εἰ δὲ αὐτὸς ἐπεβούλευσεν, ὡς λέγει, τὸν φόνον, εἰπάτω
τίς ἐστιν ὁ μεμισθωμένος, δειξάτω τὴν ἀνῃρημένην. εἰ δὲ μήθ´ ὁ
ἀποκτείνας ἐστὶ μήθ´ ἡ ἀνῃρημένη, τίς ἤκουσέ ποτε τοιοῦτον φόνον;
‘Ἤρων,’ φησί, ‘Μελίτης· διὰ τοῦτο Λευκίππην ἀπέκτεινα.’ πῶς οὖν
Μελίτης φόνον κατηγορεῖ, ἧς ἤρα, διὰ Λευκίππην δὲ ἀποθανεῖν ἐθέλει
νῦν, ἣν ἀπέκτεινεν; οὕτω γὰρ ἄν τις καὶ μισοῖ τὸ φιλούμενον
καὶ φιλοῖ τὸ μισούμενον; ἆρ´ οὖν οὐ πολὺ μᾶλλον ἂν καὶ ἐλεγχόμενος
ἠρνήσατο τὸν φόνον, ἵνα καὶ σώσῃ τὴν ἐρωμένην καὶ ὑπὲρ τῆς
ἀνῃρημένης μὴ μάτην ἀποθάνῃ; διὰ τί οὖν Μελίτης κατηγόρησεν,
εἰ μηδὲν αὐτῇ τοιοῦτο πέπρακται; ἐγὼ καὶ τοῦτο πρὸς ὑμᾶς ἐρῶ,
καὶ πρὸς τῶν θεῶν μή με νομίσητε διαβάλλειν θέλοντα τὴν γυναῖκα
ποιήσασθαι τὸν λόγον, ἀλλ´ ὡς τὸ πᾶν ἐγένετο. Μελίτη μὲν
ἐπεπόνθει τι πρὸς τοῦτον ἐρωτικὸν καὶ περὶ τοῦ γάμου διείλεκτο,
πρὶν ὁ θαλάττιος οὗτος ἀνεβίω νεκρός· ὁ δὲ οὐκ εἶχεν οὕτως, ἀλλὰ
καὶ πάνυ ἐρρωμένως τὸν γάμον ἀπεκρούετο, κἀν τούτῳ τὴν ἐρωμένην
εὑρών, ὡς ἔφη, παρὰ τῷ Σωσθένει ζῶσαν, ἣν ᾤετο νεκράν,
πολὺ μᾶλλον πρὸς τὴν Μελίτην εἶχεν ἀλλοτριώτερον. ἡ δὲ πρὶν
μαθεῖν ἐρωμένην οὖσαν αὐτῷ τὴν παρὰ τῷ Σωσθένει, ταύτην ἠλέησέ
τε καὶ ἔλυσε τῶν δεσμῶν, οἷς ἦν ὑπὸ τοῦ Σωσθένους δεδεμένη, καὶ
εἰς τὴν οἰκίαν τε εἰσεδέξατο καὶ τὰ ἄλλα ὡς πρὸς ἐλευθέραν δυστυχήσασαν
ἐφιλοτιμήσατο. ἐπειδὴ δὲ ἔμαθεν, ἔπεμψεν εἰς τοὺς ἀγροὺς
διακονησομένην αὐτῇ· καὶ μετὰ ταῦτά φασιν ἀφανῆ γεγονέναι. καὶ
ὅτι ταῦτα οὐ ψεύδομαι, ἡ Μελίτη συνομολογήσει καὶ θεράπαιναι δύο,
μεθ´ ὧν αὐτὴν ἐπὶ τοὺς ἀγροὺς ἐξέπεμψεν. ἓν μὲν δὴ τοῦτο πρὸς
ὑπόνοιαν ἤγαγε τοῦτον, μὴ ἄρα φονεύσασα εἴη τὴν Λευκίππην διὰ
ζηλοτυπίαν αὕτη· ἕτερον δέ τι αὐτῷ πρὸς τὴν τῆς ὑπονοίας βεβαίωσιν
ἐν τῷ δεσμωτηρίῳ συμβὰν καὶ καθ´ αὑτοῦ καὶ κατὰ τῆς Μελίτης ἐξηγρίανε.
τῶν δεσμωτῶν τις ὀδυρόμενος ἑαυτοῦ τὴν συμφορὰν
ἔλεγεν ἐν ὁδῷ τινι κεκοινωνηκέναι κατὰ ἄγνοιαν ἀνδρὶ φονεῖ,
δεδρακέναι δὲ ἐκεῖνον γυναικὸς φόνον ἐπὶ μισθῷ. καὶ τὸ ὄνομα ἔλεγε·
Μελίτην μὲν εἶναι τὴν μισθωσαμένην, Λευκίππην δὲ τὴν ἀνῃρημένην.
εἰ δὲ ταῦτα γέγονεν οὕτως, ἐγὼ μὲν οὐκ οἶδα, μαθεῖν δὲ ὑμᾶς
ἐξέσται. ἔχετε τὸν δεδεμένον· εἰσὶν αἱ θεράπαιναι· ἔστιν ὁ Σωσθένης.
ὁ μὲν ἐρεῖ πόθεν ἔσχε τὴν Λευκίππην δούλην, αἱ δὲ πῶς
γέγονεν ἀφανής· ὁ δὲ περὶ τοῦ μισθωτοῦ καταγορεύσει. πρὶν δὲ
μάθητε τούτων ἕκαστον, οὔτε ὅσιον οὔτε εὐσεβὲς νεανίσκον ἄθλιον
ἀνελεῖν, πιστεύσαντας μανίας λόγοις. μαίνεται γὰρ ὑπὸ λύπης."
| [7,9] Sur ces entrefaites, Clinias, au milieu de la confusion
qui régnait dans le tribunal, s'approcha et dit :
« Moi aussi, je vous demande la parole; car il s'agit de
la vie d'un homme. » On lui donna la parole. Les larmes
aux yeux, il commença : « Hommes d'Ephèse, ne vous
hâtez pas de condamner à mort un homme qui désire
mourir — remède offert par la Nature aux malheureux.
Car il s'accuse mensongèrement lui-même du crime
commis par les coupables, afin de subir le sort des déshérités.
Les malheurs qu'il a subis, les voici brièvement.
Il était amoureux d'une femme, comme il vous l'a dit;
sur ce point, il n'a pas menti. Que des pirates l'aient
enlevée, et ce qui concerne Sosthénès et ce qu'il vous a
dit jusqu'au meurtre exclusivement, tout cela s'est bien
passé de cette façon. La jeune fille a soudain disparu,
je ne sais pas comment, ni si quelqu'un l'a tuée, ni si
on l'a enlevée vivante. A part cela, ce que je sais, c'est
que Sosthénès était amoureux d'elle, qu'il lui avait infligé
plusieurs supplices, sans parvenir pourtant à ses fins,
et qu'il est en relations d'amitié avec des pirates. L'accusé
que voici, croyant que sa bien-aimée a péri, refuse de
vivre plus longtemps et c'est la raison pour laquelle il
s'est accusé de meurtre. Il désire la mort, il l'a reconnu
lui-même, et cela, à cause du chagrin qu'il éprouve
pour cette femme. Réfléchissez, demandez-vous si
quelqu'un qui en a tué un autre désire réellement le
rejoindre dans la mort et ne peut plus supporter de
vivre tant il souffre. Y a-t-il jamais eu meurtrier si tendre?
Quelle haine a-t-elle jamais été si pleine d'amour?
Non, par tous les dieux, ne le croyez pas, ne tuez pas un
homme qui mérite plutôt la pitié que le châtiment.
S'il a lui-même préparé le meurtre, comme il le dit,
qu'il nous dise quel est cet assassin qu'il a loué, qu'il
nous montre le cadavre de la morte! Mais s'il n'y a ni
meurtrier ni victime, a-t-on jamais entendu parler d'un
meurtre pareil? « J'étais amoureux, dit-il, de Mélitté.
C'est pour cela que j'ai tué Leucippé. » Pourquoi,
alors, accuse-t-il de meurtre cette Mélitté qu'il aimait,
alors qu'il veut maintenant mourir pour Leucippé, qu'il
a tuée? Est-il possible que l'on puisse ainsi haïr ce que
l'on aime et aimer ce que l'on hait? N'est-il pas plus
vraisemblable que, si on l'avait accusé du meurtre, il se
serait défendu, à la fois pour sauver celle qu'il aurait
aimée et ne pas mourir pour rien, à cause de celle qu'il
aurait supprimée?
Pourquoi, alors, a-t-il accusé Mélitté, si elle n'a rien
fait? Je vais vous le dire, et, au nom des dieux, ne pensez
pas que je veuille, par mes paroles, faire tomber le blâme
sur cette femme, sachez bien que je raconte seulement
ce qui est arrivé. Mélitté était devenue amoureuse de
l'accusé, et il avait été question de mariage avant que
ne ressuscite le noyé que voici. Mais Clitophon n'était
pas consentant; au contraire, il refusait très énergiquement
de se marier, et, sur ces entrefaites, ayant retrouvé,
comme il l'a dit, vivante et en la possession de Sosthénès,
sa bien-aimée qu'il croyait morte, il se sentait moins
que jamais porté vers Mélitté. Et celle-ci, avant même
de savoir que l'esclave de Sosthénès était sa bien-aimée,
prit celle-ci en pitié, la délivra des entraves que lui avaient
mises Sosthénès, l'accueillit chez elle et la traita avec
tous les égards que l'on a pour une femme de condition
libre tombée dans le malheur. Lorsqu'elle apprit qui elle
était, elle l'envoya à sa propriété de campagne pour
faire une commission; et c'est après cela, dit-on, qu'elle
devint introuvable. Pour garantir la vérité de ce que je
dis, j'invoque le témoignage de Mélitté et de deux
servantes, que celle-ci avait envoyées avec la jeune fille
à la propriété. C'est ce seul fait qui a fait naître dans l'esprit
de Clitophon le soupçon que Mélitté avait tué
Leucippé par jalousie; et il s'est produit, dans la prison
un autre événement propre à confirmer ses soupçons
et qui l'a rempli de haine contre lui-même et contre
Mélitté. L'un des prisonniers, se plaignant de son sort,
raconta qu'alors qu'il voyageait, il avait rencontré sans le
connaître un homme qui était un meurtrier, et que cet
homme avait tué une femme moyennant un salaire; il
donna les noms : Mélitté était celle qui avait engagé le
meurtrier, et Leucippé la victime. Si les choses se sont
bien passées ainsi, je l'ignore, mais vous, vous pouvez
le savoir. Vous avez le prisonnier en question, il y a les
servantes, il y a Sosthénès. Ils vous diront, celui-ci où il
s'est procuré Leucippé comme esclave; elles, comment elle
a disparu; le prisonnier, de son côté, vous donnera des
détails sur l'assassin à gages. Mais, tant que vous n'aurez
pas fait la lumière sur chacun de ces points, il ne sera
ni juste ni pieux de condamner à mort ce jeune homme,
sur la foi des paroles qu'il dit dans sa folie, car il est fou,
à force de douleur».
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