[4,8] Ὡς οὖν ταῦτα ὁ Μενέλαος ἐλθὼν ἀπαγγέλλει μοι, πρὸς τοῦτο
ἀνεβόησα, ὡς θᾶττον ἂν ἀποθάνοιμι ἢ περιΐδω Λευκίππης φίλημα
ἀλλοτριούμενον. "Οὗ τί γάρ," ἔφην, "ἐστὶ γλυκύτερον;
τὸ μὲν γὰρ ἔργον τῆς Ἀφροδίτης καὶ ὅρον ἔχει καὶ κόρον, καὶ οὐδέν ἐστιν,
ἐὰν ἐξέλῃς αὐτοῦ τὰ φιλήματα· φίλημα δὲ καὶ ἀόριστόν ἐστι καὶ
ἀκόρεστον καὶ καινὸν ἀεί. τρία γὰρ τὰ κάλλιστα ἀπὸ τοῦ στόματος
ἄνεισιν, ἀναπνοὴ καὶ φωνὴ καὶ φίλημα·
τοῖς μὲν γὰρ χείλεσιν ἀλλήλους φιλοῦμεν, ἀπὸ δὲ τῆς ψυχῆς ἡ τῆς ἡδονῆς
ἐστι πηγή. πίστευσόν μοι λέγοντι, Μενέλαε (ἐν γὰρ τοῖς κακοῖς ἐξορχήσομαι
τὰ μυστήρια), ταῦτα μόνα παρὰ Λευκίππης ἔχω κἀγώ. ἔτι μένει
παρθένος· μέχρι μόνων τῶν φιλημάτων ἐστί μου γυνή.
εἰ δέ τις ἁρπάσει μου καὶ ταῦτα, οὐ φέρω τὴν φθοράν· οὐ μοιχεύσεταί μου
τὰ φιλήματα." "Οὐκοῦν," ἔφη ὁ Μενέλαος, "βουλῆς ἡμῖν ἀρίστης
δεῖ καὶ ταχίστης.
ἐρῶν γάρ τις, εἰς ὅσον μὲν ἔχει τὴν ἐλπίδα τοῦ τυχεῖν, φέρει, ὡς εἰς αὐτὸ τὸ
τυχεῖν ἀποτεινόμενος. ἐὰν δὲ ἀπογνῷ, τὸ ἐπιθυμοῦν μεταβαλὼν ἀντιλυπῆσαι
μέχρι τοῦ δυνατοῦ τολμᾷ τὸ κωλῦον.
ἔστω δὲ καὶ ἰσχύς, ὥστε τι δρᾶσαι μετὰ τοῦ μὴ παθεῖν·
τοῦτο δὲ τῆς ψυχῆς τὸ μὴ φοβούμενον ἀγριαίνει μᾶλλον τὸ θυμούμενον.
καὶ γὰρ ὁ καιρὸς ἐπείγει τῶν πραγμάτων τὸ ἄπορον."
| [4,8] Lorsque Ménélas revint vers moi et me raconta
tout ceci, je m'écriai que je préférerais mourir plutôt que
de voir Leucippé embrassée par quelqu'un d'autre.
« Que peut-il y avoir, disais-je, de plus suave que son
baiser ? L'actte d'amour a une fin, on s'en rassasie, et
ce n'est rien, si l'on en enlève le baiser; car le baiser n'a
pas de terme, ni de satiété; il est toujours nouveau. Il
est trois choses délicieuses qui viennent de la bouche :
l'haleine, la parole et le baiser. Ce sont les lèvres qui
donnent le baiser, mais c'est l'âme qui est la source de
notre plaisir. Crois bien ce que je te dis, Ménélas (car,
dans notre malheur, je vais te révéler tous mes secrets),
les baisers sont toutes les faveurs que j'ai eues moi-même
de Leucippé; elle est encore vierge; elle n'est ma
femme que jusqu'aux baisers. Si quelqu'un m'ôte
même cela, je ne pourrai supporter ce larcin, et ses baisers
qui m'appartiennent ne commettront pas l'adultère.
— Alors, dit Ménélas, il nous faut trouver un bon stratagème,
et vite, car un amoureux, aussi longtemps qu'il
conserve l'espoir d'arriver à ses fins, a de la patience
et s'efforce d'obtenir ce qu'il désire; mais s'il désespère,
sa passion se transforme et le pousse à faire tout le mal
possible à ce qui l'empêche de se satisfaire. Et s'il a, en
outre, le pouvoir de faire mal sans en souffrir lui-même,
alors le fait que son âme est dépourvue de crainte a seulement
pour effet d'exciter sa passion. Et la circonstance
ne fait que rendre plus difficile notre problème. »
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