[4,12] Νεῖλος ὁ πολὺς πάντα αὐτοῖς γίνεται, καὶ ποταμὸς καὶ γῆ
καὶ θάλασσα καὶ λίμνη. καὶ ἔστι τὸ θέαμα καινόν, ναῦς ὁμοῦ καὶ
δίκελλα, κώπη καὶ ἄροτρον, πηδάλιον καὶ δρέπανον, ναυτῶν ὁμοῦ
καὶ γεωργῶν καταγωγή, ἰχθύων ὁμοῦ καὶ βοῶν. ὃ πέπλευκας, φυτεύεις,
καὶ ὃ φυτεύεις, τοῦτο πέλαγος γεωργούμενον.
ἔχει γὰρ ὁ ποταμὸς ἐπιδημίας· κάθηται δὲ αὐτὸν Αἰγύπτιος ἀναμένων καὶ
ἀριθμῶν αὐτοῦ τὰς ἡμέρας. καὶ ὁ Νεῖλος οὐ ψεύδεται, ἀλλ´ ἔστι ποταμὸς
μετὰ προθεσμίας τὸν χρόνον τηρῶν καὶ τὸ ὕδωρ μετρῶν, ποταμὸς
ἁλῶναι μὴ θέλων ὑπερήμερος.
ἔστι δὲ ἰδεῖν ποταμοῦ καὶ γῆς φιλονεικίαν. ἐρίζετον ἀλλήλοις ἑκάτερος, τὸ μὲν
ὕδωρ τοσαύτην γῆν πελαγῶσαι, ἡ δὲ γῆ τοσαύτην χωρῆσαι γλυκεῖαν θάλασσαν.
καὶ νικῶσι μὲν τὴν ἴσην νίκην οἱ δύο, οὐδαμοῦ δὲ φαίνεται τὸ νικώμενον·
τὸ γὰρ ὕδωρ τῇ γῇ συνεκτείνεται. περὶ δὲ τὰς τῶν βουκόλων
ταύτας νομὰς ἀεὶ πολὺς ἐγκάθηται. ὅταν γὰρ τὴν πᾶσαν γῆν πελαγώσῃ,
καὶ λίμνας ἐνταῦθα ποιεῖ· αἱ δὲ λίμναι, κἂν ὁ Νεῖλος ἀπέλθῃ,
μένουσιν ἧττον τὸ ὕδωρ ἔχουσαι, τὸν δὲ πηλὸν τοῦ ὕδατος.
ἐπὶ ταύτας αὐτοὶ καὶ βαδίζουσι καὶ πλέουσιν, οὐδὲ ναῦς ἑτέρα δύναται
πλέειν, ἀλλ´ ὅσον ἄνθρωπον ἐπιβῆναι· ἀλλὰ πᾶν τὸ ξένον τοῦ τόπου
ὁ πηλὸς ἐμπίπτων κρατεῖ. τοῖς δὲ μικρὰ μὲν καὶ κοῦφα πλοῖα, καὶ
ὀλίγον ὕδωρ αὐτοῖς ἀρκεῖ. εἰ δὲ τέλεον ἄνυδρον εἴη, ἀράμενοι τοῖς
νώτοις οἱ πλωτῆρες τὸ πλοῖον φέρουσιν, ἄχρις ἂν ἐπιτύχωσιν ὕδατος.
ἐν ταύταις δὴ ταῖς λίμναις μέσαι νῆσοί τινές εἰσι σποράδην πεποιημέναι·
αἱ μὲν οἰκοδομημάτων ἔρημοι, παπύροις πεφυτευμέναι.
τῶν δὲ παπύρων διεστᾶσιν αἱ φάλαγγες πεπυκνωμέναι τοσοῦτον ὅσον
παρ´ ἑκάστην ἄνδρα στῆναι μόνον· τὸ μεταξὺ δὲ τοῦτο τῆς πυκνώσεως
αὐτῶν ἄνωθεν ἀναπληροῦσιν αἱ τῶν παπύρων κόμαι.
ὑποτρέχοντες οὖν ἐκεῖ καὶ βουλεύονται καὶ λοχῶσι καὶ λανθάνουσι,
τείχεσι ταῖς παπύροις χρώμενοι. εἰσὶ δὲ τῶν νήσων τινὲς καλύβας
ἔχουσαι, καὶ αὐτοσχέδιον μεμίμηνται πόλιν, ταῖς λίμναις τετειχισμέναι.
βουκόλων αὗται καταγωγαί· τῶν πλησίον οὖν ἦν μία μεγέθει
καὶ καλύβαις πλείοσι διαφέρουσα (ἐκάλουν δὲ αὐτήν, οἶμαι,
Νίκωχιν)· ἐνταῦθα πάντες συνελθόντες ὡς εἰς τόπον ὀχυρώτατον
ἐθάρρουν καὶ πλήθει καὶ τόπῳ· εἷς γὰρ αὐτὴν διεῖργε στενωπὸς τοῦ
μὴ πᾶσαν νῆσον γενέσθαι. ἦν δὲ σταδίου μὲν τὸ μέγεθος, τὸ δὲ
πλάτος ὀργυιῶν δώδεκα. λίμναι δὲ τῇδε κἀκεῖσε τὴν πόλιν περιέρρεον.
| [4,12] Le grand Nil est tout pour les Égyptiens : fleuve,
terre, mer et lac; et c'est un spectacle étrange qu'un
navire à côté d'une houe, une rame près d'une charrue,
un gouvernail près d'un van, et de voir se côtoyer marins
et laboureurs, poissons et boeufs côte à côte. Là où
l'on est passé hier en bateau, aujourd'hui on plante,
et là où l'on plante, c'est la mer que l'on cultive. Car
le fleuve a ses rythmes saisonniers; les Egyptiens
l'attendent tranquillement, en comptant les jours. Et le
Nil ne les déçoit pas, mais c'est un fleuve de parole, qui
respecte le temps et qui mesure son eau, un fleuve qui
se refuse à être convaincu d'irrégularité. Et l'on peut
voir un combat entre le fleuve et la terre. Les deux éléments
luttent l'un contre l'autre, l'eau, pour transformer
en mer cette étendue de terre, et la terre, pour absorber
une aussi immense mer d'eau douce. Et tous deux
remportent également la victoire; d'aucun côté il n'y a de
vaincu, car l'eau et la terre s'étendent aussi loin l'un que l'autre.
Autour des territoires habités de la sorte par les bouviers
il y a toujours beaucoup d'eau stagnante; lorsque
toutes les terres sont recouvertes par le fleuve, il se
forme là des lacs qui, même lorsque le Nil se retire,
n'en persistent pas moins et conservent de l'eau, ainsi
que la boue formée par celle-ci. Et les bouviers vont à
pied à travers ces lacs, ou en bateau, mais il ne peut y
naviguer que des bateaux contenant une seule personne;
car tout bateau étranger au pays s'enlise dans la vase.
Leurs bateaux sont petits et légers et il leur suffit de
peu d'eau; si, finalement, il n'y a plus d'eau du tout,
les bateliers chargent leur bateau sur le dos et le portent
jusqu'à ce qu'ils retrouvent de l'eau. Dans ces lacs se
trouvent, au milieu, quelques îles disséminées. Certaines
n'ont aucune maison, mais sont plantées de papyrus;
les plantations de papyrus sont espacées juste de façon
à laisser entre elles la place d'un homme debout. Pardessus
les faibles intervalles laissés ainsi entre les rangées,
les feuilles de papyrus forment une couverture continue.
Les bouviers s'y réfugient, y préparent leurs coups, s'y
mettent en embuscade et s'y dissimulent, en se servant
de papyrus comme abris. Il existe aussi des îles qui ont
des cabanes et elles ont l'air de villes improvisées proté-
gées par les eaux du lac. Ce sont les refuges des bouviers;
l'une d'entre elles, dans le voisinage, différait des autres
par ses dimensions et le plus grand nombre de ses cabanes
(on l'appelait, je crois, Nicochis); c'est là qu'ils s'étaient
tous rassemblés, comme dans la place la plus forte qu'ils
eussent, et ils étaient pleins de confiance, et dans leur
nombre et dans leur position. Seul un étroit passage
empêchait que celle-ci ne fût tout à fait une île. Cet
isthme était long d'un stade et sa largeur était de douze
brasses. Et, de tous les côtés, des marais entouraient la ville.
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