Texte grec :
[2,14] Ἐν τούτῳ δὲ τοῦ πολέμου περιστάντος καὶ τῆς παιδὸς εἰς
ἡμᾶς ἐκκειμένης μεμαθήκει μὲν ἕκαστα τούτων, οὐδὲν δὲ ἧττον τῆς
ἐπιβουλῆς εἴχετο. καὶ τοιοῦτό τι αὐτῷ συνήργησε. χρησμὸν ἴσχουσιν
οἱ Βυζάντιοι τοιόνδε· Νῆσός τις πόλις ἐστὶ φυτώνυμον αἷμα λαχοῦσα,
ἰσθμὸν ὁμοῦ καὶ πορθμὸν ἐπ´ ἠπείροιο φέρουσα,
ἔνθ´ Ἥφαιστος ἔχων χαίρει γλαυκῶπιν Ἀθήνην·
κεῖθι θυηπολίην σε φέρειν κέλομαι Ἡρακλεῖ.
ἀπορούντων δὲ αὐτῶν τί λέγει τὸ μάντευμα, Σώστρατος (τοῦ
πολέμου γάρ, ὡς ἔφην, στρατηγὸς ἦν οὗτος), "Ὥρα πέμπειν ἡμᾶς
θυσίαν εἰς Τύρον," εἶπεν, "Ἡρακλεῖ· τὰ μὲν γὰρ τοῦ χρησμοῦ ἔστι
πάντα ἐνταῦθα. φυτώνυμον γὰρ ὁ θεὸς εἶπεν αὐτήν, ἐπεὶ Φοινίκων
ἡ νῆσος· ὁ δὲ φοῖνιξ φυτόν. ἐρίζει δὲ περὶ ταύτης γῆ καὶ θάλασσα.
ἕλκει μὲν ἡ θάλασσα, ἕλκει δὲ ἡ γῆ, ἡ δὲ εἰς ἀμφότερα αὑτὴν ἥρμοσε.
καὶ γὰρ ἐν θαλάσσῃ κάθηται καὶ οὐκ ἀφῆκε τὴν γῆν·
συνδεῖ γὰρ αὐτὴν πρὸς τὴν ἤπειρον στενὸς αὐχήν, καὶ ἔστιν ὥσπερ
τῆς νήσου τράχηλος. οὐκ ἐρρίζωται δὲ κατὰ τῆς θαλάσσης, ἀλλὰ
τὸ ὕδωρ ὑπορρεῖ κάτωθεν. ὑπόκειται δὲ πορθμὸς κάτωθεν ἰσθμῷ· καὶ
γίνεται τὸ θέαμα καινόν, πόλις ἐν θαλάσσῃ καὶ νῆσος ἐν γῇ.
Ἀθηνᾶν δὲ Ἥφαιστον ἔχειν· εἰς τὴν ἐλαίαν ᾐνίξατο καὶ τὸ πῦρ, ἃ παρ´
ἡμῖν ἀλλήλοις συνοικεῖ. τὸ δὲ χωρίον ἱερὸν ἐν περιβόλῳ· ἐλαία μὲν
ἀναθάλλει φαιδροῖς τοῖς κλάδοις, πεφύτευται δὲ σὺν αὐτῇ τὸ πῦρ καὶ
ἀνάπτει περὶ τοὺς πτόρθους πολλὴν τὴν φλόγα· ἡ δὲ τοῦ πυρὸς
αἰθάλη τὸ φυτὸν γεωργεῖ. αὕτη πυρὸς φιλία καὶ φυτοῦ· οὕτως
οὐ φεύγει τὸν Ἥφαιστον Ἀθηνᾶ." καὶ ὁ Χαιρεφῶν συστράτηγος ὢν
τοῦ Σωστράτου μείζων, ἐπεὶ πατρόθεν ἦν Τύριος, ἐκθειάζων αὐτόν,
"Πάντα μὲν τὸν χρησμόν," εἶπεν, "ἐξηγήσω καλῶς· μὴ μέντοι
θαύμαζε τὴν τοῦ πυρὸς μόνον, ἀλλὰ καὶ τὴν τοῦ ὕδατος φύσιν.
ἐθεασάμην γὰρ ἐγὼ τοιαῦτα μυστήρια. τὸ γοῦν τῆς Σικελικῆς
πηγῆς ὕδωρ κεκερασμένον ἔχει πῦρ· καὶ φλόγα μὲν ὄψει κάτωθεν
ἀπ´ αὐτῆς ἁλλομένην ἄνω· θιγόντι δέ σοι τὸ ὕδωρ ψυχρόν ἐστιν
οἷόνπερ χιών, καὶ οὔτε τὸ πῦρ ὑπὸ τοῦ ὕδατος κατασβέννυται οὔτε
τὸ ὕδωρ ὑπὸ τοῦ πυρὸς φλέγεται, ἀλλ´ ὕδατός εἰσιν ἐν τῇ κρήνῃ
καὶ πυρὸς σπονδαί.
ἐπεὶ καὶ ποταμὸς Ἰβηρικός, εἰ μὲν ἴδοις
αὐτὸν εὐθύς, οὐδὲν ἄλλου κρείττων ἐστὶ ποταμοῦ· ἢν δὲ ἀκοῦσαι
θέλῃς τοῦ ὕδατος λαλοῦντος, μικρὸν ἀνάμεινον ἐκπετάσας τὰ ὦτα.
ἐὰν γὰρ ὀλίγος ἄνεμος εἰς τὰς δίνας ἐμπέσῃ, τὸ μὲν ὕδωρ ὡς χορδὴ
κρούεται, τὸ δὲ πνεῦμα τοῦ ὕδατος πλῆκτρον γίνεται, τὸ ῥεῦμα δὲ
ὡς κιθάρα λαλεῖ. ἀλλὰ καὶ λίμνη Λιβυκὴ μιμεῖται γῆν Ἰνδικήν,
καὶ ἴσασιν αὐτῆς τὸ ἀπόρρητον αἱ Λιβύων παρθένοι, ὅτι τὸ ὕδωρ
ἔχει πλούσιον. ὁ δὲ πλοῦτος ταύτῃ κάτω τεταμίευται τῇ τῶν ὑδάτων
ἰλύϊ δεδεμένος, καὶ ἔστιν ἐκεῖ χρυσοῦ πηγή. κοντὸν οὖν εἰς τὸ ὕδωρ
βαπτίζουσι πίσσῃ πεφαρμαγμένον ἀνοίγουσί τε τοῦ ποταμοῦ τὰ
κλεῖθρα. ὁ δὲ κοντὸς πρὸς τὸν χρυσὸν οἷον πρὸς ἰχθὺν ἄγκιστρον
γίνεται, ἀγρεύει γὰρ αὐτόν· ἡ δὲ πίσσα δέλεαρ γίνεται τῆς ἄγρας·
ὅ τι γὰρ ἂν εἰς αὐτὴν ἐμπέσῃ τῆς τοῦ χρυσοῦ γονῆς, τὸ μὲν προσήψατο
μόνον, ἡ πίσσα δὲ εἰς τὴν ἤπειρον ἥρπασε τὴν ἄγραν. οὕτως
ἐκ ποταμοῦ Λιβυκοῦ χρυσὸς ἁλιεύεται."
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Traduction française :
[2,14] Les Byzantins, ayant consulté les dieux sur la conduite qu'ils
devaient tenir pour remporter la victoire, l'oracle leur répondit
en ces termes : Près des bords dont le nom dérive d'une plante,
S'élève une île surprenante, Ile qui, par des droits aussi rares que beaux,
Tient à la terre ferme et nage dans les flots : Heureux séjour, où Pallas
attendrie Avec l'ardent Vulcain s'unit et se marie !
Byzantins, dans ce lieu riant et plein d'appas, Offrez un sacrifice au
redoutable Hercule, Et que pour lui votre encens brûle :
La victoire suivra vos pas.
On n'entendit pas d'abord à Byzance quelle était l'île que l'oracle
désignait. Enfin, Sostrate, qui était l'un des généraux de l'armée,
s'étant levé au milieu de l'assemblée du peuple, dit à haute voix :
"Les dieux nous ordonnent par ces paroles mystérieuses d'envoyer
faire un sacrifice à Hercule dans les murs de Tyr.
Toutes les particularités que cite l'oracle conviennent à cette ville :
elle dépend d'un pays dont le nom dérive d'une plante, car c'est
une île de Phénicie, et Phénix, comme vous ne l'ignorez pas, signifie
en grec un palmier ; la terre et la mer se disputent l'honneur de la
posséder ; la mer, en lavant de trois côtés ses superbes remparts,
lui paye un tribut de ses ondes ; du quatrième côté, elle communique
avec la terre par un isthme étroit qui la lie au continent. Ce qui est
encore plus admirable, c'est que cet isthme ne pénètre pas
jusqu'au fond des abîmes de Neptune, et qu'il est soutenu par l'eau
qui coule sous lui, de sorte que l'oeil voit avec surprise, dans le même
objet, une ville qui nage dans la mer et une île qui tient à la terre ferme.
Pour ce qui regarde la jonction de Vulcain et de Pallas, continua Sostrate,
il faut entendre par cette figure allégorique le feu et l'olivier qui
s'unissent chez les Tyriens, car ces peuples ont un lieu sacré
où s'élève un olivier fertile qui surpasse toutes les autres plantes de
son espèce par l'étendue de son ombrage. Près des racines de cet arbre
divin, germe un feu miraculeux dont la flamme voltige perpétuellement
autour de ses branches sans leur nuire. Les cendres qui en proviennent
augmentent sa verdure et l'enrichissent d'une beauté toujours nouvelle,
en rendant féconde la terre qui le nourrit. Par ce moyen, le feu et
l'olivier paraissent amoureux l'un de l'autre, et c'est l'alliance de
Minerve avec Vulcain. »
Ainsi parlait Sostrate. Le petit peuple de Byzance semblait refuser
d'ajouter foi à ses discours. Chéréphon, qui était le collègue de mon
oncle, prit la parole. « L'illustre Sostrate, dit-il, a parfaitement expliqué
la volonté des dieux. Vous avez tort de mesurer les forces de la
nature sur celles de votre esprit. Ce que vous venez d'entendre sur le
feu qui respecte l'olivier, n'est que le récit fidèle d'une chose qu'on
voit tous les jours dans la ville de Tyr. Et ne croyez pas que cette
flamme merveilleuse soit dans l'univers le seul phénomène digne
d'admiration : l'eau a ses miracles, mes yeux en ont été témoins.
On trouve en Sicile une fontaine aussi froide que la glace, et cependant
elle renferme dans son sein un feu qui, du fond de la source, s'élève
en pétillant jusqu'à la superficie. L'eau n'éteint point le feu, le feu
n'échauffe point l'eau ; ces deux éléments, partout ailleurs incompatibles,
font en cet endroit trêve d'inimitié. En Espagne on voit un fleuve qui,
au premier aspect, n'offre à l'oeil aucune propriété qui le distingue ;
mais, pour peu qu'on s'arrête sur ses bords, et qu'on y garde le silence,
les flots, doucement agités par un agréable zéphyr, rendent un son
mélodieux qui charme l'oreille et qui ressemble aux accords d'un
instrument de musique. L'eau, dans ce concert, tient la place d'un luth
ou d'une guitare, et le vent sert d'archet. En Afrique, la nature a
creusé un lac dont le sable ne cède en rien à celui du Gange, car du
fond de l'un de ses gouffres jaillit une fontaine d'or qui répand
des richesses immenses. Ce prodige est connu des habitants du pays ;
la principale occupation de leurs femmes est de pêcher les grains
et les filaments d'or qui se mêlent avec le limon du lac.
Pour cet effet, elles se servent de longues perches enduites de bitume
par le bout ; elles les enfoncent dans l'eau, les agitent et les promènent
de tous côtés. En ceci, la perche est au métal précieux ce que
la ligne est au poisson : le bitume tient lieu d'amorce , les pailles d'or
s'y attachent, on les tire sur le rivage, et par ce moyen les hommes
jouissent des présents de cette admirable fontaine. »
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