[7] Ἐπεὶ δὲ ταῦτα αὐτοῦ ἤκουσεν ὁ Σιμωνίδης, εἶπεν· Ἔοικεν,
ἔφη, ὦ Ἱέρων, μέγα τι εἶναι ἡ τιμή, ἧς ὀρεγόμενοι οἱ ἄνθρωποι
πάντα μὲν πόνον ὑποδύονται, πάντα δὲ κίνδυνον
ὑπομένουσι. καὶ ὑμεῖς, ὡς ἔοικε, τοσαῦτα πράγματα
ἐχούσης ὁπόσα λέγεις τῆς τυραννίδος, ὅμως προπετῶς
φέρεσθε εἰς αὐτήν, ὅπως τιμᾶσθε καὶ ὑπηρετῶσι μὲν ὑμῖν
πάντες πάντα τὰ προσταττόμενα ἀπροφασίστως, περιβλέπωσι
δὲ πάντες, ὑπανιστῶνται δ´ ἀπὸ τῶν θάκων ὁδῶν
τε παραχωρῶσι, γεραίρωσι δὲ καὶ λόγοις καὶ ἔργοις πάντες
οἱ παρόντες ἀεὶ ὑμᾶς· τοιαῦτα γὰρ δὴ ποιοῦσι τοῖς τυράννοις
οἱ ἀρχόμενοι καὶ ἄλλον ὅντιν´ ἂν ἀεὶ τιμῶντες τυγχάνωσι.
καὶ γάρ μοι δοκεῖ, ὦ Ἱέρων, τούτῳ διαφέρειν ἀνὴρ τῶν
ἄλλων ζῴων, τῷ τιμῆς ὀρέγεσθαι. ἐπεὶ σιτίοις γε καὶ
ποτοῖς καὶ ὕπνοις καὶ ἀφροδισίοις πάντα ὁμοίως ἥδεσθαι
ἔοικε τὰ ζῷα· ἡ δὲ φιλοτιμία οὔτ´ ἐν τοῖς ἀλόγοις ζῴοις
ἐμφύεται οὔτ´ ἐν ἅπασιν ἀνθρώποις· οἷς δ´ ἂν ἐμφύῃ τιμῆς
τε καὶ ἐπαίνου ἔρως, οὗτοί εἰσιν ἤδη οἱ πλεῖστον μὲν τῶν
βοσκημάτων διαφέροντες, ἄνδρες δὲ καὶ οὐκέτι ἄνθρωποι
μόνον νομιζόμενοι. ὥστε ἐμοὶ μὲν εἰκότως δοκεῖτε ταῦτα
πάντα ὑπομένειν ἃ φέρετε ἐν τῇ τυραννίδι, ἐπείπερ τιμᾶσθε
διαφερόντως τῶν ἄλλων ἀνθρώπων. καὶ γὰρ οὐδεμία ἀνθρωπίνη
ἡδονὴ τοῦ θείου ἐγγυτέρω δοκεῖ εἶναι ἢ ἡ περὶ τὰς
τιμὰς εὐφροσύνη. πρὸς ταῦτα δὴ εἶπεν ὁ Ἱέρων· Ἀλλ´,
ὦ Σιμωνίδη, καὶ αἱ τιμαὶ τῶν τυράννων ὅμοιαι ἐμοὶ δοκοῦσιν
εἶναι οἷάπερ ἐγώ σοι τὰ ἀφροδίσια ὄντα αὐτῶν ἀπέδειξα.
οὔτε γὰρ αἱ μὴ ἐξ ἀντιφιλούντων ὑπουργίαι χάριτες ἡμῖν
ἐδόκουν εἶναι οὔτε τὰ ἀφροδίσια τὰ βίαια ἡδέα ἐφαίνετο.
ὡσαύτως τοίνυν οὐδὲ αἱ ὑπουργίαι αἱ ὑπὸ τῶν φοβουμένων
τιμαί εἰσι. πῶς γὰρ ἂν φαίημεν ἢ τοὺς βίᾳ ἐξανισταμένους
θάκων διὰ τὸ τιμᾶν τοὺς ἀδικοῦντας ἐξανίστασθαι, ἢ τοὺς
ὁδῶν παραχωροῦντας τοῖς κρείττοσι διὰ τὸ τιμᾶν τοὺς
ἀδικοῦντας παραχωρεῖν; καὶ δῶρά γε διδόασιν οἱ πολλοὶ
τούτοις οὓς μισοῦσι, καὶ ταῦτα ὅταν μάλιστα φοβῶνται μή
τι κακὸν ὑπ´ αὐτῶν πάθωσιν. ἀλλὰ ταῦτα μὲν οἶμαι δουλείας
ἔργα εἰκότως ἂν νομίζοιτο· αἱ δὲ τιμαὶ ἔμοιγε δοκοῦσιν ἐκ
τῶν ἐναντίων τούτοις γίγνεσθαι. ὅταν γὰρ ἄνθρωποι ἄνδρα
ἡγησάμενοι εὐεργετεῖν ἱκανὸν εἶναι, καὶ ἀπολαύειν αὐτοῦ
ἀγαθὰ νομίσαντες, ἔπειτα τοῦτον ἀνὰ στόμα τε ἔχωσιν
ἐπαινοῦντες, θεῶνταί τ´ αὐτὸν ὡς οἰκεῖον ἕκαστος ἀγαθόν,
ἑκόντες τε παραχωρῶσι τούτῳ ὁδῶν καὶ θάκων ὑπανιστῶνται
φιλοῦντές τε καὶ μὴ φοβούμενοι, καὶ στεφανῶσι κοινῆς
ἀρετῆς καὶ εὐεργεσίας ἕνεκα, καὶ δωρεῖσθαι ἐθέλωσιν, οἱ αὐτοὶ
οὗτοι ἔμοιγε δοκοῦσι τιμᾶν τε τοῦτον ἀληθῶς οἳ ἂν τοιαῦτα
ὑπουργήσωσι καὶ ὁ τούτων ἀξιούμενος τιμᾶσθαι τῷ ὄντι.
καὶ ἔγωγε τὸν μὲν οὕτω τιμώμενον μακαρίζω· αἰσθάνομαι
γὰρ αὐτὸν οὐκ ἐπιβουλευόμενον ἀλλὰ φροντιζόμενον μή τι
πάθῃ καὶ ἀφόβως καὶ ἀνεπιφθόνως καὶ ἀκινδύνως καὶ
εὐδαιμόνως τὸν βίον διάγοντα· ὁ δὲ τύραννος ὡς ὑπὸ πάντων
ἀνθρώπων κατακεκριμένος δι´ ἀδικίαν ἀποθνῄσκειν,
οὕτως, ὦ Σιμωνίδη, εὖ ἴσθι, καὶ νύκτα καὶ ἡμέραν διάγει.
ἐπεὶ δὲ ταῦτα πάντα διήκουσεν ὁ Σιμωνίδης, Καὶ πῶς, ἔφη,
ὦ Ἱέρων, εἰ οὕτως πονηρόν ἐστι τὸ τυραννεῖν καὶ τοῦτο σὺ
ἔγνωκας, οὐκ ἀπαλλάττῃ οὕτω μεγάλου κακοῦ, ἀλλ´ οὔτε σὺ
οὔτε ἄλλος μὲν δὴ οὐδεὶς πώποτε ἑκὼν εἶναι τυραννίδος
ἀφεῖτο, ὅσπερ {ἂν} ἅπαξ κτήσαιτο; Ὅτι, ἔφη, ὦ Σιμωνίδη,
καὶ ταύτῃ ἀθλιώτατόν ἐστιν ἡ τυραννίς· οὐδὲ γὰρ ἀπαλλαγῆναι
δυνατὸν αὐτῆς ἐστι. πῶς γὰρ ἄν τίς ποτε
ἐξαρκέσειε τύραννος ἢ χρήματα ἐκτίνων ὅσους ἀφείλετο ἢ
δεσμοὺς ἀντιπάσχων ὅσους δὴ ἐδέσμευσεν, ἢ ὅσους κατέκανε
πῶς ἂν ἱκανὰς ψυχὰς ἀντιπαράσχοιτο ἀποθανουμένας; ἀλλ´
εἴπερ τῳ ἄλλῳ, ὦ Σιμωνίδη, λυσιτελεῖ ἀπάγξασθαι, ἴσθι,
ἔφη, ὅτι τυράννῳ ἔγωγε εὑρίσκω μάλιστα τοῦτο λυσιτελοῦν
ποιῆσαι. μόνῳ γὰρ αὐτῷ οὔτε ἔχειν οὔτε καταθέσθαι τὰ
κακὰ λυσιτελεῖ.
| [7] CHAPITRE VII.
Quand Simonide eut entendu ces paroles, il dit : « Il me semble,
Hiéron, que l’honneur est quelque chose d’important, puisque le désir
d’être honoré fait supporter tous les travaux et braver tous les
dangers. Et vous-mêmes, il me semble, quoique la tyrannie comporte
tous les ennuis que tu viens de dire, que vous ne vous en précipitez
pas moins vers elle, afin qu’on vous honore, que tout le monde
exécute sans mot dire toutes vos volontés, que tout le monde ait les
yeux sur vous, qu’on se lève de son siège, qu’on vous cède le pas, que
tous ceux qui paraissent successivement devant vous vous glorifient
par leurs paroles et par leurs actions ; car tels sont les hommages que
leurs sujets rendent aux tyrans et à tout autre qui est le héros du
moment. Pour moi, Hiéron, je pense que ce qui fait la différence de
l’homme aux autres animaux, c’est ce désir de l’honneur ; car pour le
boire et le manger, le sommeil et l’amour, il me semble que ce sont
des jouissances communes à tous les animaux indistinctement ; mais
le désir d’être honoré n’existe ni dans les brutes ni dans tous les
hommes. Ceux à qui la nature a donné l’amour de l’honneur et de la
louange sont ceux qui diffèrent le plus des animaux ; et ils sont
regardés, non plus comme de simples créatures humaines, mais
comme des hommes. Ce n’est donc pas sans raison, à mon avis, que
vous supportez tous ces inconvénients de la tyrannie, puisqu’on vous
honore plus que les autres hommes. Aucun plaisir humain, ce me
semble, ne nous rapproche plus de la divinité que la joie que
procurent les honneurs. »
A ce discours, Hiéron répondit : « Mais, Simonide, les honneurs des
tyrans me semblent être du même genre que leurs plaisirs d’amour,
tels que je te les ai dépeints. Nous avons reconnu que les
complaisances d’amants insensibles n’ont point de charmes et que les
faveurs arrachées par force ne donnent point de plaisir. On peut en
dire autant des hommages dictés par la crainte : ce ne sont pas des
honneurs. Comment en effet pourrions-nous prétendre que ceux qui
se lèvent par force de leur siège le font pour honorer leurs
oppresseurs, ou que ceux qui cèdent le pas à leurs supérieurs le font
pour honorer l’injustice ? Le vulgaire fait des présents à ceux qu’il
déteste, et cela dans le temps où il craint le plus d’en être maltraité ;
mais ces hommages-là, je pense, doivent être regardés comme des
actes serviles ; les honneurs me paraissent, à moi, dériver d’une
source différente. Quand les hommes jugent qu’un homme est
capable de leur rendre service et qu’ils espèrent jouir de ses bienfaits,
lorsque, en conséquence, ils ont toujours son nom à la bouche pour le
louer, qu’ils le regardent chacun comme son bienfaiteur, qu’ils lui
cèdent le pas volontairement et se lèvent devant lui par affection, et
non par crainte, qu’ils le couronnent pour sa vertu patriotique et sa
bienfaisance et veulent lui offrir des présents, c’est alors, à mon avis,
que ceux qui donnent ces marques de respect honorent
véritablement et que celui qu’ils en jugent digne est réellement
honoré. Pour moi, j’estime heureux l’homme ainsi honoré, car je vois
qu’au lieu de comploter contre lui, on appréhende qu’il ne lui arrive
du mal, et qu’à l’abri de la crainte, de l’envie, du danger, il passe sa vie
dans le bonheur, tandis que le tyran, sache-le, Simonide, vit jour et
nuit comme s’il était condamné à mort par tout un peuple, à cause de
son injustice. »
Après avoir écouté toutes ces déclarations, Simonide demanda :
« Comment se fait-il, Hiéron, si la tyrannie est une chose si misérable et
si tu en es convaincu, que ni toi, ni aucun autre n’ait jamais
volontairement abdiqué la tyrannie, dès qu’une fois il en a pris possession ?
— C’est justement là, répondit Hiéron, la plus grande misère de la
tyrannie : on ne peut pas s’en défaire. Comment un tyran pourrait-il
arriver à rembourser ceux qu’il a dépouillés ? Combien d’années de
prison lui faudrait-il faire pour compenser les emprisonnements qu’il
a commandés ? Combien de vies lui faudrait-il avoir pour les rendre à
tous ceux qu’il a tués ? Ah ! Simonide, si quelqu’un a intérêt à se
pendre, apprends que, pour moi, il n’est personne qui ait autant
d’avantage à le faire que le tyran, puisque lui seul ne gagne rien à
garder ni à déposer ses misères. »
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