[5,8,20] ἐν εὐδίᾳ γὰρ ὁρῶ ὑμᾶς. ὅταν δὲ χειμὼν ᾖ καὶ θάλαττα μεγάλη ἐπιφέρηται,
οὐχ ὁρᾶτε ὅτι καὶ νεύματος μόνον ἕνεκα χαλεπαίνει μὲν πρῳρεὺς τοῖς ἐν πρᾐρᾳ,
χαλεπαίνει δὲ κυβερνήτης τοῖς ἐν πρύμνῃ; ἱκανὰ γὰρ ἐν τῷ τοιούτῳ καὶ μικρὰ ἁμαρτηθέντα
πάντα συνεπιτρῖψαι. (5.8.21) ὅτι δὲ δικαίως ἔπαιον αὐτοὺς καὶ ὑμεῖς
κατεδικάσατε· ἔχοντες ξίφη, οὐ ψήφους, παρέστατε, καὶ ἐξῆν ὑμῖν ἐπικουρεῖν
αὐτοῖς, εἰ ἐβούλεσθε· ἀλλὰ μὰ Δία οὔτε τούτοις ἐπεκουρεῖτε οὔτε σὺν ἐμοὶ τὸν
ἀτακτοῦντα ἐπαίετε. (5.8.22) τοιγαροῦν ἐξουσίαν ἐποιήσατε τοῖς κακοῖς αὐτῶν
ὑβρίζειν ἐῶντες αὐτούς. οἶμαι γάρ, εἰ ἐθέλετε σκοπεῖν, τοὺς αὐτοὺς εὑρήσετε καὶ
τότε κακίστους καὶ νῦν ὑβριστοτάτους. (5.8.23) Βοΐσκος γοῦν ὁ πύκτης ὁ
Θετταλὸς τότε μὲν διεμάχετο ὡς κάμνων ἀσπίδα μὴ φέρειν, νῦν δέ, ὡς ἀκούω,
Κοτυωριτῶν πολλοὺς ἤδη ἀποδέδυκεν. (5.8.24) ἢν οὖν σωφρονῆτε, τοῦτον
τἀναντία ποιήσετε ἢ τοὺς κύνας ποιοῦσι· τοὺς μὲν γὰρ κύνας τοὺς χαλεποὺς τὰς
μὲν ἡμέρας διδέασι, τὰς δὲ νύκτας ἀφιᾶσι, τοῦτον δέ, ἢν σωφρονῆτε, τὴν νύκτα
μὲν δήσετε, τὴν δὲ ἡμέραν ἀφήσετε. (5.8.25) ἀλλὰ γάρ, ἔφη, θαυμάζω ὅτι εἰ μέν
τινι ὑμῶν ἀπηχθόμην, μέμνησθε καὶ οὐ σιωπᾶτε, εἰ δέ τῳ ἢ χειμῶνα ἐπεκούρησα
ἢ πολέμιον ἀπήρυξα ἢ ἀσθενοῦντι ἢ ἀποροῦντι συνεξεπόρισά τι, τούτων δὲ
οὐδεὶς μέμνηται, οὐδ᾽ εἴ τινα καλῶς τι ποιοῦντα ἐπῄνεσα οὐδ᾽ εἴ τινα ἄνδρα ὄντα
ἀγαθὸν ἐτίμησα ὡς ἐδυνάμην, οὐδὲν τούτων μέμνησθε. (5.8.26) ἀλλὰ μὴν καλόν
τε καὶ δίκαιον καὶ ὅσιον καὶ ἥδιον τῶν ἀγαθῶν μᾶλλον ἢ τῶν κακῶν μεμνῆσθαι.
ἐκ τούτου μὲν δὴ ἀνίσταντο καὶ ἀνεμίμνῃσκον. καὶ περιεγένετο ὥστε καλῶς ἔχειν.
| [5,8,20] car je vois qu'un calme heureux a succédé pour vous aux orages ;
mais lorsqu'une tempête agite la mer et soulève
des montagnes de flots, ne voyez-vous pas que, pour un signe de tête, le pilote
se met en colère contre des matelots de la proue, et que le timonier s'exerce un
pouvoir non moins despotique contre ceux de la poupe ? C'est qu'en cet instant
critique la faute la plus légère peut faire engloutir tout l'équipage. Mais
n'avez-vous pas prononcé alors vous-mêmes que c'était avec justice que je
frappais les soldats en faute ? Vous n'aviez point, comme maintenant, de petites
pierres en main pour aller au scrutin ; vous teniez vos armes ; vous nous
entouriez et pouviez secourir ceux que je corrigeais ; mais, par Jupiter, vous
ne preniez pas leur parti, et vous ne m'aidiez pas non plus à châtier celui qui
quittait son rang. Par cette connivence, vous avez enhardi contre moi les plus
mauvais soldats, et avez autorisé les airs de fierté qu'ils se donnent ; car si
vous vouliez le remarquer, vous trouveriez, j'en suis persuadé, que ceux qui ont
témoigné le plus de lâcheté alors, montrent aujourd'hui le plus d'insolence :
Boïscus, cet athlète thessalien, prétendait alors, comme malade, devoir être
dispensé de porter son bouclier ; c'est lui, à ce que j'entends dire, qui vient
de piller beaucoup d'habitants de Cotyore. Si vous prenez un parti sensé sur cet
attentat, vous en userez avec ce voleur tout autrement qu'on en use avec les
chiens : on met à l'attache pendant le jour ceux qui sont méchants, et on ne les
lâche que la nuit. Pour lui, la prudence exige que la nuit vous le teniez dans
les fers, et le laissiez jouir pendant le jour seulement de sa liberté. Mais,
poursuivit Xénophon, j'ai droit de m'étonner de ce que vous ne vous rappelez et
ne citez de moi que ce qui a pu me rendre odieux à quelques-uns d'entre vous.
S'il en est, au contraire, à qui j'aie porté des secours contre la rigueur du
froid, que j'aie défendu contre l'ennemi, à qui j'aie été utile dans leurs
détresses et dans leurs maladies, personne n'en rappelle la mémoire. Si j'ai
loué ceux qui faisaient une belle action, et honoré, autant qu'il était en moi,
les braves, on ne s'en souvient pas davantage. Il est beau cependant, il est
juste, que dis-je ! c'est un devoir sacré et agréable de conserver le souvenir
des bienfaits plutôt que celui des injures."
Tous les Grecs se levèrent à ces mots ; ils se rappelèrent les uns aux autres ce
qu'ils devaient à Xénophon, et la recherche qu'on avait faite de sa conduite
finit ainsi par tourner à sa gloire.
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