[5,1,1] {ὅσα μὲν δὴ ἐν τῇ ἀναβάσει τῇ μετὰ Κύρου ἔπραξαν οἱ Ἕλληνες, καὶ ἐν τῇ
πορείᾳ τῇ μέχρι ἐπὶ θάλατταν τὴν ἐν τῷ Εὐξείνῳ Πόντῳ, καὶ ὡς εἰς Τραπεζοῦντα
Ἑλληνίδα πόλιν ἀφίκοντο, καὶ ὡς ἀπέθυσαν ἃ εὔξαντο σωτήρια θύειν ἔνθα
πρῶτον εἰς φιλίαν γῆν ἀφίκοντο, ἐν τῷ πρόσθεν λόγῳ δεδήλωται.}
(5.1.2) ἐκ δὲ τούτου ξυνελθόντες ἐβουλεύοντο περὶ τῆς λοιπῆς πορείας· ἀνέστη δὲ
πρῶτος Λέων Θούριος καὶ ἔλεξεν ὧδε.
- ἐγὼ μὲν τοίνυν, ἔφη, ὦ ἄνδρες, ἀπείρηκα ἤδη ξυσκευαζόμενος καὶ βαδίζων καὶ
τρέχων καὶ τὰ ὅπλα φέρων καὶ ἐν τάξει ὢν καὶ φυλακὰς φυλάττων καὶ
μαχόμενος, ἐπιθυμῶ δὲ ἤδη παυσάμενος τούτων τῶν πόνων, ἐπεὶ θάλατταν
ἔχομεν, πλεῖν τὸ λοιπὸν καὶ ἐκταθεὶς ὥσπερ Ὀδυσσεὺς ἀφικέσθαι εἰς τὴν
Ἑλλάδα. (5.1.3) ταῦτα ἀκούσαντες οἱ στρατιῶται ἀνεθορύβησαν ὡς εὖ λέγει· καὶ
ἄλλος ταὔτ᾽ ἔλεγε, καὶ πάντες οἱ παριόντες. ἔπειτα δὲ Χειρίσοφος ἀνέστη καὶ
εἶπεν ὧδε. (5.1.4)
- φίλος μοί ἐστιν, ὦ ἄνδρες, Ἀναξίβιος, ναυαρχῶν δὲ καὶ τυγχάνει. ἢν οὖν
πέμψητέ με, οἴομαι ἂν ἐλθεῖν καὶ τριήρεις ἔχων καὶ πλοῖα τὰ ἡμᾶς ἄξοντα· ὑμεῖς
δὲ εἴπερ πλεῖν βούλεσθε, περιμένετε ἔστ᾽ ἂν ἐγὼ ἔλθω· ἥξω δὲ ταχέως.
ἀκούσαντες ταῦτα οἱ στρατιῶται ἥσθησάν τε καὶ ἐψηφίσαντο πλεῖν αὐτὸν ὡς
τάχιστα. (5.1.5) μετὰ τοῦτον Ξενοφῶν ἀνέστη καὶ ἔλεξεν ὧδε. Χειρίσοφος μὲν δὴ
ἐπὶ πλοῖα στέλλεται, ἡμεῖς δὲ ἀναμενοῦμεν. ὅσα μοι οὖν δοκεῖ καιρὸς εἶναι
ποιεῖν ἐν τῇ μονῇ, ταῦτα ἐρῶ. (5.1.6) πρῶτον μὲν τὰ ἐπιτήδεια δεῖ πορίζεσθαι ἐκ
τῆς πολεμίας· οὔτε γὰρ ἀγορὰ ἔστιν ἱκανὴ οὔτε ὅτου ὠνησόμεθα εὐπορία εἰ μὴ
ὀλίγοις τισίν· ἡ δὲ χώρα πολεμία· κίνδυνος οὖν πολλοὺς ἀπόλλυσθαι, ἢν ἀμελῶς
τε καὶ ἀφυλάκτως πορεύησθε ἐπὶ τὰ ἐπιτήδεια. (5.1.7) ἀλλά μοι δοκεῖ σὺν
προνομαῖς λαμβάνειν τὰ ἐπιτήδεια, ἄλλως δὲ μὴ πλανᾶσθαι, ὡς σᾐζησθε, ἡμᾶς
δὲ τούτων ἐπιμελεῖσθαι. (5.1.8) ἔδοξε ταῦτα.
- ἔτι τοίνυν ἀκούσατε καὶ τάδε. ἐπὶ λείαν γὰρ ὑμῶν ἐκπορεύσονταί τινες. οἴομαι
οὖν βέλτιστον εἶναι ἡμῖν εἰπεῖν τὸν μέλλοντα ἐξιέναι, φράζειν δὲ καὶ ὅποι, ἵνα
καὶ τὸ πλῆθος εἰδῶμεν τῶν ἐξιόντων καὶ τῶν μενόντων καὶ
ξυμπαρασκευάζωμεν, ἐάν τι δέῃ, κἂν βοηθῆσαί τισι καιρὸς ᾖ, εἰδῶμεν ὅποι
δεήσει βοηθεῖν, καὶ ἐάν τις τῶν ἀπειροτέρων ἐγχειρῇ ποι, ξυμβουλεύωμεν
πειρώμενοι εἰδέναι τὴν δύναμιν ἐφ᾽ οὓς ἂν ἴωσιν. (5.1.9) ἔδοξε καὶ ταῦτα.
- ἐννοεῖτε δὴ καὶ τόδε, ἔφη. σχολὴ τοῖς πολεμίοις λῄζεσθαι, καὶ δικαίως ἡμῖν
ἐπιβουλεύουσιν· ἔχομεν γὰρ τὰ ἐκείνων· ὑπερκάθηνται δὲ ἡμῶν. φυλακὰς δή μοι
δοκεῖ δεῖν περὶ τὸ στρατόπεδον εἶναι· ἐὰν οὖν κατὰ μέρος (μερισθέντες)
φυλάττωμεν καὶ σκοπῶμεν, ἧττον ἂν δύναιντο ἡμᾶς θηρᾶν οἱ πολέμιοι. ἔτι
τοίνυν τάδε ὁρᾶτε.
| [5,1,1] Dans les livres précédents on a lu tout ce que firent les Grecs, et pendant
qu'ils marchèrent avec Cyrus, et lorsqu'ils se retirèrent après sa mort,
jusqu'au jour où ils arrivèrent sur les bords de l'Euxin à Trébizonde, ville
grecque. On a raconté comment ils s'acquittèrent envers les dieux des
sacrifices, qu'ils avaient voué de leur faire dès qu'ils seraient en pays ami,
en action de grâces de leur salut.
L'armée s'assembla ensuite, et on délibéra sur la route qui restait à faire.
Antiléon de Thurium se leva le premier, et parla en ces termes : "Je suis las
enfin, mes compagnons, de plier bagage, de marcher, de courir, de porter mes
armes, d'observer mon rang, de monter la garde, de combattre sans cesse. Puisque
nous voilà au bord, de la mer, je veux ne plus essuyer ces fatigues, mais
achever ma route sur un vaisseau, et, étendu de mon long, arriver comme Ulysse
en dormant dans la Grèce." Il s'éleva un grand bruit à ces mots. Tous les
soldats crièrent qu'il avait raison ; un autre Grec parla et fut du même avis :
tout ce qui était présent formait le même vœu. Chirisophe se leva ensuite et dit :
"Grecs, je suis ami d'Anaxibius, et c'est heureusement lui qui commande
maintenant les forces navales des Lacédémoniens. Si vous me députez vers lui, je
reviendrai, je l'espère, avec les galères et les bâtiments de transport
nécessaires pour vous embarquer. Puisque vous voulez continuer votre route par
mer, attendez mon retour, que j'accélérerai et qui ne peut tarder." Ces paroles
comblèrent de joie le soldat, et il fut arrêté que Chririsophe mettrait à la
voile le plus tôt qu'il pourrait.
Après lui Xénophon se leva et tint ce discours :"Nous envoyons Chirisophe nous
chercher une flotte, et nous l'attendrons ici. Je vais donc vous parler de ce
qu'il me paraît important de prévoir pour notre séjour. D'abord il faut nous
fournir de vivres dans le pays ennemi ; car le marché ne suffit pas à nos
besoins. Peu de Grecs ont de l'argent pour y acheter le nécessaire, et nous
sommes en guerre avec les peuples de la contrée qui nous environne ; il est à
craindre que si nous y allons prendre des vivres sans précaution, nous ne
perdions beaucoup de soldats. C'est donc par des excursions en force, si vous
m'en croyez, que nous approvisionnerons notre camp ; mais que personne ne s'en
écarte par d'autres motifs : votre salut en dépend. Chargez les généraux d'y
veiller." Cet avis fut adopté. "Ecoutez encore ceci ; ajouta Xénophon. Plusieurs
de vous iront sans doute à cette maraude. Je pense qu'il faudrait que celui qui
aura le projet de sortir du camp en prévînt les généraux et indiquât où il va :
nous saurons ainsi ce qu'il y aura de soldats absents et ce qui restera au
drapeau. Nous préparerons tout pour les cas urgents ; dès le moment où
quelques-uns de vous auront besoin de secours, nous saurons où il faudra leur en
porter. Si des Grecs peu sensés et sans expérience méditent une entreprise, nous
les aiderons de nos conseils et nous tâcherons de savoir à quelles forces ils
doivent avoir affaire." On approuva et on arrêta ce que proposait Xénophon.
"Faites encore une réflexion, dit ce général, l'ennemi a le loisir de songer à
nous piller aussi, et c'est avec justice qu'il nous tend des embûches ; car nous
nous sommes approprié ses biens. Il est posté sur les hauteurs qui nous dominent
; je crois donc qu'il faut que l'armée soit entourée de grandes gardes. Détachés
par piquets tour à tour, faisons bonne garde et observons d'ennemi ; les Barbares
auront moins de facilité à nous surprendre. Une considération importante encore.
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