Texte grec :
[17a,3] Ἐρατοσθένης μὲν οὖν οὕτως. δεῖ δὲ ἐπὶ πλέον εἰπεῖν
καὶ πρῶτον τὰ περὶ τὴν Αἴγυπτον, ὅπως ἀπὸ τῶν
γνωριμωτέρων ἐπὶ τὰ ἑξῆς προΐωμεν. κοινὰ μὲν γάρ
τινα καὶ ταύτῃ τῇ χώρᾳ καὶ τῇ συνεχεῖ καὶ ὑπὲρ αὐτὴν
τῇ τῶν Αἰθιόπων ὁ Νεῖλος παρασκευάζει, ποτίζων τε
αὐτὰς κατὰ τὰς ἀναβάσεις καὶ τοῦτ´ οἰκήσιμον αὐτῶν
τὸ μέρος ἀπολείπων μόνον τὸ καλυπτόμενον ἐν ταῖς
πλημμυρίσι, τὸ δ´ ὑπερδέξιον καὶ μετεωρότερον τοῦ
ῥεύματος πᾶν ἀοίκητον διεξιὼν ἑκατέρωθεν καὶ ἔρημον
διὰ τὴν αὐτὴν ἀνυδρίαν. ἀλλὰ τὴν μὲν Αἰθιοπίαν
οὔτε πᾶσαν διέξεισιν ὁ Νεῖλος οὔτε μόνος οὔτ´ ἐπ´ εὐθείας
οὔτ´ οἰκουμένην καλῶς· τὴν δὲ Αἴγυπτον καὶ
μόνος καὶ πᾶσαν καὶ ἐπ´ εὐθείας ἀπὸ τοῦ μικροῦ καταράκτου
ὑπὲρ Συήνης καὶ Ἐλεφαντίνης ἀρξάμενος,
οἵπερ εἰσὶν ὅροι τῆς Αἰγύπτου καὶ τῆς Αἰθιοπίας, ἕως
τῶν ἐπὶ θάλατταν ἐκβολῶν. καὶ μὴν οἵ γε Αἰθίοπες τὸ
πλέον νομαδικῶς ζῶσι καὶ ἀπόρως διά τε τὴν λυπρότητα
τῆς χώρας καὶ τὴν τῶν ἀέρων ἀσυμμετρίαν καὶ
τὸν ἀφ´ ἡμῶν ἐκτοπισμόν, τοῖς δ´ Αἰγυπτίοις ἅπαντα
τἀναντία συμβέβηκε· καὶ γὰρ πολιτικῶς καὶ ἡμέρως
ἐξ ἀρχῆς ζῶσι καὶ ἐν γνωρίμοις ἵδρυνται τόποις, ὥστε
καὶ αἱ διατάξεις αὐτῶν μνημονεύονται· καὶ ἐπαινοῦνταί
γε δοκοῦντες ἀξίως χρήσασθαι τῇ τῆς χώρας εὐδαιμονίᾳ,
μερίσαντές τε εὖ καὶ ἐπιμεληθέντες. βασιλέα
γὰρ ἀποδείξαντες τριχῆ τὸ πλῆθος διεῖλον καὶ τοὺς
μὲν στρατιώτας ἐκάλεσαν τοὺς δὲ γεωργοὺς τοὺς δὲ
ἱερέας· καὶ τοὺς μὲν τῶν ἱερῶν ἐπιμελητὰς τοὺς δ´
ἄλλους τῶν περὶ τὸν ἄνθρωπον· καὶ τοὺς μὲν {τὰ} ἐν
τῷ πολέμῳ τοὺς δ´ ὅσα ἐν εἰρήνῃ, γῆν τε καὶ τέχνας
ἐργαζομένων· ἀφ´ ὧνπερ καὶ αἱ πρόσοδοι συνήγοντο
τῷ βασιλεῖ. οἱ δ´ ἱερεῖς καὶ φιλοσοφίαν ἤσκουν καὶ
ἀστρονομίαν, ὁμιληταί τε τῶν βασιλέων ἦσαν. ἡ δὲ
χώρα τὴν μὲν πρώτην διαίρεσιν εἰς νομοὺς ἔσχε, δέκα
μὲν ἡ Θηβαΐς, δέκα δ´ ἡ ἐν τῷ Δέλτα, ἑκκαίδεκα δ´ ἡ
μεταξύ· ὡς δέ τινες, τοσοῦτοι ἦσαν οἱ σύμπαντες νομοὶ
ὅσαι αἱ ἐν τῷ λαβυρίνθῳ αὐλαί· αὗται δ´ ἐλάττους
τῶν τριάκοντα {καὶ ἕξ}· πάλιν δ´ οἱ νομοὶ τομὰς
ἄλλας ἔσχον· εἰς γὰρ τοπαρχίας οἱ πλεῖστοι διῄρηντο,
καὶ αὗται δ´ εἰς ἄλλας τομάς· ἐλάχισται δ´ αἱ ἄρουραι
μερίδες. ἐδέησε δὲ τῆς ἐπ´ ἀκριβὲς καὶ κατὰ λεπτὸν διαιρέσεως
διὰ τὰς συνεχεῖς τῶν ὅρων συγχύσεις ἃς ὁ Νεῖλος
ἀπεργάζεται κατὰ τὰς αὐξήσεις, ἀφαιρῶν καὶ προστιθεὶς
καὶ ἐναλλάττων τὰ σχήματα καὶ τἆλλα σημεῖα
ἀποκρύπτων οἷς διακρίνεται τό τε ἀλλότριον καὶ τὸ
ἴδιον· ἀνάγκη δὴ ἀναμετρεῖσθαι πάλιν καὶ πάλιν. ἐντεῦθεν
δὲ καὶ τὴν γεωμετρίαν συστῆναί φασιν, ὡς τὴν
λογιστικὴν καὶ ἀριθμητικὴν παρὰ Φοινίκων διὰ τὰς
ἐμπορίας. τριχῆ δὲ διῄρητο ὥσπερ τὸ σύμπαν καὶ τὸ
ἐν ἑκάστῳ τῷ νομῷ πλῆθος, εἰς τρία ἴσα μερισθείσης
τῆς χώρας. ἡ δὲ περὶ τὸν ποταμὸν πραγματεία διαφέρει
τοσοῦτον ὅσον τῇ ἐπιμελείᾳ νικᾶν τὴν φύσιν. φύσει
γὰρ πλείονα φέρει καρπὸν καὶ ποτισθεῖσα μᾶλλον
φύσει δὲ καὶ ἡ μείζων ἀνάβασις τοῦ ποταμοῦ πλείω
ποτίζει γῆν, ἀλλ´ ἡ ἐπιμέλεια πολλάκις καὶ τῆς φύσεως
ἐξίσχυσεν ἐπιλιπούσης, ὥστε καὶ κατὰ τὰς ἐλάττους
ἀναβάσεις τοσαύτην ποτισθῆναι γῆν ὅσην ἐν ταῖς μείζοσι,
διά τε τῶν διωρύγων καὶ τῶν παραχωμάτων·
ἐπὶ γοῦν τῶν πρὸ Πετρωνίου χρόνων ἡ μεγίστη μὲν
ἦν φορὰ καὶ ἀνάβασις, ἡνίκα ἐπὶ τεσσαρεσκαίδεκα πήχεις
ἀνέβαινεν ὁ Νεῖλος, ἡνίκα δ´ ἐπ´ ὀκτώ, συνέβαινε
λιμός· ἐπ´ ἐκείνου δὲ ἄρξαντος τῆς χώρας καὶ δώδεκα
μόνον πληρώσαντος πήχεις τοῦ Νείλου μέτρου, μεγίστη
ἦν ἡ φορά, καὶ ὀκτώ ποτε μόνον πληρώσαντος
λιμοῦ οὐδεὶς ᾔσθετο. τοιαύτη μὲν ἡ διάταξις· τὰ δ´
ἑξῆς λέγωμεν νυνί.
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Traduction française :
[17a,3] Eratosthène se borne à ces renseignements généraux ; mais nous sommes
tenu, nous, à donner plus de détails, et c'est ce que nous allons faire en
commençant par l'Egypte. Nous partirons ainsi de ce qui nous est le mieux
connu, {comme d'une base sûre,} pour nous avancer ensuite de proche en
proche. Il y a d'ailleurs entre l'Egypte et la contrée que les Ethiopiens
habitent dans son voisinage immédiat et juste au-dessus d'elle certains
traits ou caractères communs dus au régime du Nil, qui, dans ses crues
périodiques, les inonde l'une et l'autre de telle sorte qu'il ne s'y
trouve à proprement parler d'habitable que la partie que ses débordements
ont couverte, tandis que le reste des terres situées sur ses deux rives,
trop loin et trop au-dessus du niveau de ses eaux, demeurent complètement
inhabitées et à l'état de désert, faute d'eau précisément pour les
fertiliser. En revanche, tandis que l'Egypte n'a qu'un seul et unique
cours d'eau, le Nil, qui l'arrose tout entière et en ligne droite depuis
la petite cataracte sise au-dessus de Syène et d'Eléphantine, bornes
respectives de l'Egypte et de l'Ethiopie, jusqu'aux bouches par lesquelles
il se déverse dans la mer, le Nil ne traverse pas l'Ethiopie tout entière,
il n'est pas seul à l'arroser, il n'y coule pas en ligne droite et n'y
rencontre pas de ces grands centres de population. Ajoutons que les
Ethiopiens vivent en général à la façon des peuples nomades, c'est-à-dire
pauvrement, à cause de la stérilité du sol de l'Ethiopie et de
l'intempérie de son climat, à cause aussi de l'extrême éloignement où ils
sont de nous, tandis que pour les Egyptiens les conditions de la vie sont
absolument différentes. Dès le principe, en effet, les Egyptiens, établis
dans une contrée parfaitement connue, forment un Etat régulier et civilisé
au point que ses institutions sont universellement citées et proposées
comme modèle, et l'on se plaît à reconnaître que, par leur sage division
{des personnes et des terres,} par leur administration vigilante, ils ont
su tirer en somme des richesses naturelles du pays qu'ils habitent le
meilleur parti possible. On sait en effet que les Egyptiens, après s'être
donné un roi, se partagèrent en trois classes : la classe des guerriers,
la classe des cultivateurs et la classe des prêtres, celle-ci étant
chargée naturellement de tout ce qui a rapport au culte divin, tandis que
les deux autres avaient mission de veiller aux intérêts purement humains,
la classe des guerriers en temps de guerre, et la troisième classe en
temps de paix par les travaux de l'agriculture et des autres arts, ces
deux dernières classes étant tenues en outre de constituer aux rois des
revenus réguliers par leurs contributions, tandis que les prêtres, en plus
de leurs fonctions, ne faisaient rien qu'étudier la philosophie et
l'astronomie et que converser avec les rois. Lors de sa première division,
l'Egypte fut partagée en nomes : dix pour la Thébaïde, dix pour le Delta,
et seize pour la région intermédiaire. Quelques auteurs prétendent que
l'on en comptait en tout juste autant qu'il y avait de chambres dans le
labyrinthe ; mais ils oublient que le nombre des chambres dont se
composait le labyrinthe était bien inférieur à 3{6}. A leur tour, les
nomes avaient été soumis à différentes coupures ou subdivisions, le plus
grand nombre avait été partagé en toparchies, les toparchies elles-mêmes
s'étaient fractionnées, et l'on était descendu ainsi de subdivision en
subdivision jusqu'à l'aroure, la dernière des coupures et la plus petite
de toutes. Et qui est-ce qui avait nécessité une division aussi exacte,
aussi minutieuse ? la confusion, la perpétuelle confusion que les
débordements du Nil jetaient dans le bornage des propriétés, retranchant,
ajoutant à l'étendue de celles-ci, changeant leur forme et faisant
disparaître les différentes marques employées par chaque propriétaire pour
distinguer son bien du bien d'autrui, de sorte qu'il fallait recommencer,
et toujours et toujours, le mesurage ou arpentage des champs. On veut même
que ce soit là l'origine de la géométrie, tout comme le calcul et
l'arithmétique paraissent être nés chez les Phéniciens des nécessités du
commerce maritime. La division générale de la population en trois classes
se retrouvait naturellement dans chaque nome en particulier et y
correspondait à une division du territoire en trois parties égales. Telle
est, maintenant, l'excellence des dispositions prises à l'égard du Nil
qu'on peut bien dire qu'à force de soins et d'art les Egyptiens ont vaincu
la nature. Dans l'ordre naturel des choses, en effet, l'abondance des
récoltes est en raison directe de l'abondance de l'inondation ; plus le
niveau de l'inondation est élevé, plus naturellement est grande l'étendue
de terres recouverte par les eaux, et, cependant, il est arrivé plus d'une
fois que l'art ait suppléé aux défaillances de la nature et qu'il soit
parvenu, au moyen de canaux et de digues, à faire que, dans les moindres
crues, il y eût autant de terres couvertes par les eaux qu'il y en a dans
les plus grandes. Autrefois, dans les temps antérieurs à l'administration
de Pétrone, quand les eaux du Nil montaient à 14 coudées, la crue était
censée avoir atteint son maximum, et l'on croyait pouvoir compter sur la
plus abondante récolte ; quand les eaux, en revanche, ne montaient qu'à 8
coudées, il y avait infailliblement disette ; mais, avec l'administration
de Pétrone, tout changea de face, et, pour peu que la crue eût monté à 12
coudées, on fut assuré d'obtenir le maximum de la récolte ; il arriva
même, une année que la crue n'avait point dépassé 8 coudées, que personne
dans le pays ne s'aperçut qu'il y eût disette. Voilà ce que peut une sage
et prévoyante administration. Mais continuons.
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