Texte grec :
[16d,27] Τοῦ δὲ ποιητοῦ λέγοντος „Αἰθίοπάς θ´ ἱκόμην
„καὶ Σιδονίους καὶ Ἐρεμβούς,“ διαποροῦσι· καὶ περὶ
τῶν Σιδονίων μέν, εἴτε τινὰς χρὴ λέγειν τῶν ἐν τῷ
Περσικῷ κόλπῳ κατοικούντων, ὧν ἄποικοι οἱ παρ´
ἡμῖν Σιδώνιοι, καθάπερ καὶ Τυρίους τινὰς ἐκεῖ νησιώτας
ἱστοροῦσι καὶ Ἀραδίους, ὧν ἀποίκους τοὺς
παρ´ ἡμῖν φασιν, εἴτ´ αὐτοὺς τοὺς Σιδωνίους· ἀλλὰ
μᾶλλον περὶ τῶν Ἐρεμβῶν ἡ ζήτησις, εἴτε τοὺς Τρωγλοδύτας
ὑπονοητέον λέγεσθαι, καθάπερ οἱ τὴν
ἐτυμολογίαν βιαζόμενοι ἀπὸ τοῦ εἰς τὴν ἔραν ἐμβαίνειν,
ὅπερ ἐστὶν εἰς τὴν γῆν, εἴτε τοὺς Ἄραβας. ὁ
μὲν οὖν Ζήνων ὁ ἡμέτερος μεταγράφει οὕτως „καὶ Σιδονίους
Ἄραβάς τε.“ πιθανώτερον δὲ Ποσειδώνιος
γράφει τῷ παρὰ μικρὸν ἀλλάξαι „καὶ Σιδονίους καὶ
Ἀραμβούς,“ ὡς τοῦ ποιητοῦ τοὺς νῦν Ἄραβας οὕτω
καλέσαντος, καθάπερ καὶ ὑπὸ τῶν ἄλλων ὠνομάζοντο
κατ´ αὐτόν. φησὶ δὲ ταῦτα τρία ἔθνη συνεχῆ
ἀλλήλοις ἱδρυμένα ὁμογένειάν τινα ἐμφαίνειν πρὸς
ἄλληλα, καὶ διὰ {τοῦ}το παρακειμένοις ὀνόμασι κεκλῆσθαι,
τοὺς μὲν Ἀρμενίους τοὺς δὲ Ἀραμαίους τοὺς δὲ
Ἀραμβούς· ὥσπερ δὲ ἀπὸ ἔθνους {ἑνὸς} ὑπολαμβάνειν
ἐστὶν εἰς τρία διῃρῆσθαι κατὰ τὰς τῶν κλιμάτων
διαφορὰς ἀεὶ καὶ μᾶλλον ἐξαλλαττομένων, οὕτω καὶ
τοῖς ὀνόμασι χρήσασθαι πλείοσιν ἀνθ´ ἑνός. οὐδ´ οἱ
Ἐρεμνοὺς γράφοντες πιθανοί· τῶν γὰρ Αἰθιόπων
μᾶλλον ἴδιον. λέγει δὲ καὶ τοὺς Ἀρίμους ὁ ποιητής,
οὕς φησι Ποσειδώνιος δέχεσθαι δεῖν μὴ τόπον τινὰ
τῆς Συρίας ἢ τῆς Κιλικίας ἢ ἄλλης τινὸς γῆς, ἀλλὰ
τὴν Συρίαν αὐτήν· Ἀραμαῖοι γὰρ οἱ ἐν αὐτῇ· τάχα δ´
οἱ Ἕλληνες Ἀριμαίους ἐκάλουν ἢ Ἀρίμους. αἱ δὲ τῶν
ὀνομάτων μεταπτώσεις καὶ μάλιστα τῶν βαρβαρικῶν
πολλαί· καθάπερ τὸν Δαριήκην Δαρεῖον ἐκάλεσαν,
τὴν δὲ Φάρζιριν Παρύσατιν, Ἀταργάτιν δὲ τὴν Ἀθάραν·
Δερκετὼ δ´ αὐτὴν Κτησίας καλεῖ.
τῆς δὲ τῶν Ἀράβων εὐδαιμονίας καὶ Ἀλέξανδρον ἄν τις ποιήσαιτο
μάρτυρα τὸν διανοηθέντα, ὥς φασι, καὶ βασίλειον
αὐτὴν ποιήσασθαι μετὰ τὴν ἐξ Ἰνδῶν ἐπάνοδον.
πᾶσαι μὲν οὖν αἱ ἐπιχειρήσεις αὐτοῦ κατελύθησαν
τελευτήσαντος παραχρῆμα τὸν βίον· μία δ´ οὖν καὶ
αὕτη τῶν ἐπιχειρήσεων ἦν, εἰ μὲν ἑκόντες παραδέχοιντο αὐτόν,
εἰ δὲ μή, ὡς πολεμήσοντος· καὶ δὴ ὁρῶν μήτε πρότερον μήθ´ ὕστερον πέμψαντας ὡς αὐτὸν πρέσβεις, παρεσκευάζετο πρὸς τὸν πόλεμον,
ὥσπερ εἰρήκαμεν ἐν τοῖς ἔμπροσθεν.
|
|
Traduction française :
[16d,27] Ce passage d'Homère :
«Puis je visitai encore les Ethiopiens, les Sidoniens, les Erembes» (Od. IV, 84)
offre plus d'une difficulté : d'une part, en ce qui concerne les
Sidoniens, on ne sait pas si le Poète a voulu désigner certain peuple du
même nom établi dans le golfe Persique et dont les Sidoniens de notre mer
Intérieure ne seraient qu'une colonie, comme on prétend que nos Tyriens et
nos Aradiens ne sont que des colons venus de certaines îles du golfe
Persique appelées aussi Tyr et Aradus, ou s'il a entendu désigner les
Sidoniens mêmes de la Phénicie. Encore moins sait-on si sous le nom
d'Erembes il faut reconnaître les Troglodytes, comme font certains
auteurs, qui, recourant à l'étymologie (procédé d'argumentation toujours
un peu violent), dérivent ce nom des mots g-eis g-tên g-eran g-embainein, se
blottir sous terre, ou s'il convient plutôt de l'entendre des Arabes.
C'est à ce dernier parti que se sont rangés et Zénon (notre Zénon) et
Posidonius : mais, tandis que Zénon, changeant hardiment la leçon
consacrée, introduit dans le texte le mot Arabas
g-kai g-Sidonious g-Arabas g-te.
Posidonius, avec plus de vraisemblance, parce qu'il touche à peine au
texte, propose de corriger simplement Erembous en Arambous ; et de voir
dans ce nom ainsi modifié la forme primitive du nom d'Arabes, seule usitée
au temps d'Homère. Il est probable qu'en faisant cela Posidonius avait en
vue ces trois peuples, si proches voisins les uns des autres et si
manifestement frères, à qui, pour cette raison, l'on a donné des noms de
formes si rapprochées, les noms d'Arméniens, d'Araméens, d'Arambes : car,
s'il est aisé de concevoir qu'une nation une à son origine finisse, sous
l'influence des changements de plus en plus marqués que produit dans son
sein la différence des climats, par se diviser en trois rameaux distincts,
il est naturel aussi de penser qu'on n'a pas dû se contenter d'un seul nom
pour désigner ces trois rameaux une fois formés et que chacun a dû
recevoir le sien. Quelques auteurs proposent bien encore de lire dans le
passage d'Homère Eremnous (noirs) au lieu d'Erembous, mais cette leçon
n'est pas admissible, vu le sens du mot qui s'appliquant beaucoup mieux
aux Ethiopiens {ferait par conséquent double emploi}. Enfin {pourquoi
Homère n'eût-il pas parlé des Arabes ?} Il parle bien des Arimes (Il. II, 783),
et il le fait de telle manière que ce nom, chez lui, ainsi que
Posidonius le démontre, ne saurait s'appliquer à aucune localité
particulière, soit de la Syrie, soit de la Cilicie, soit d'ailleurs, mais
désigne évidemment la Syrie elle-même, puisque la Syrie avait pour
habitants les Araméens. Il pourrait se faire seulement que les Grecs
eussent changé ce nom d'Aramaei en celui d'Arimaei, voire en celui d'Arimi
: ils ont toujours aimé, on le sait, à changer les noms, les noms barbares
surtout, à dire par exemple : Darius pour Dariécès, Parysatis pour
Pharziris et Atargatis pour Athara (la Dercéto de Ctésias).
On pourrait au surplus invoquer, comme un sûr garant de la réalité de
cette richesse séculaire des Arabes le témoignage d'Alexandre lui-même,
puisqu'il avait rêvé, dit-on, après son retour de l'Inde, d'établir chez
les Arabes le siège de son empire. On sait qu'il était en plein cours de
projets et de préparatifs, quand sa mort, survenue brusquement, vint tout
mettre à néant. Or un de ses projets favoris était précisément celui-là,
et il était bien décidé à le réaliser, que les Arabes l'appelassent
d'eux-mêmes ou qu'il dût les réduire par la force ; et, comme, ni avant ni
après son retour de l'Inde, il n'avait vu venir la députation qu'il
attendait, c'est au parti de la guerre qu'il s'était arrêté, et il s'y
préparait activement, ainsi qu'on a pu le lire dans ce qui précède.
|
|