Texte grec :
[14e,2] Πρῶτον τοίνυν ἐστὶ τῶν Κιλίκων φρούριον τὸ
Κορακήσιον ἱδρυμένον ἐπὶ πέτρας ἀπορρῶγος, ᾧ ἐχρήσατο
Διόδοτος ὁ Τρύφων προσαγορευθεὶς ὁρμητηρίῳ
καθ´ ὃν καιρὸν ἀπέστησε τὴν Συρίαν τῶν βασιλέων
καὶ διεπολέμει πρὸς ἐκείνους, τοτὲ μὲν κατορθῶν τοτὲ
δὲ πταίων. τοῦτον μὲν οὖν Ἀντίοχος ὁ Δημητρίου κατακλείσας
εἴς τι χωρίον ἠνάγκασε διεργάσασθαι τὸ
σῶμα· τοῖς δὲ Κίλιξιν ἀρχὴν τοῦ τὰ πειρατικὰ συνίστασθαι
Τρύφων αἴτιος κατέστη καὶ ἡ τῶν βασιλέων
οὐδένεια τῶν τότε ἐκ διαδοχῆς ἐπιστατούντων τῆς
Συρίας ἅμα καὶ τῆς Κιλικίας· τῷ γὰρ ἐκείνου νεωτερισμῷ συνενεωτέρισαν καὶ ἄλλοι, διχοστατοῦντές τε
ἀδελφοὶ πρὸς ἀλλήλους ὑποχείριον ἐποίουν τὴν χώραν
τοῖς ἐπιτιθεμένοις. ἡ δὲ τῶν ἀνδραπόδων ἐξαγωγὴ
προὐκαλεῖτο μάλιστα εἰς τὰς κακουργίας ἐπικερδεστάτη
γενομένη· καὶ γὰρ ἡλίσκοντο ῥᾳδίως, καὶ τὸ ἐμπόριον
οὐ παντελῶς ἄπωθεν ἦν μέγα καὶ πολυχρήματον, ἡ
Δῆλος, δυναμένη μυριάδας ἀνδραπόδων αὐθημερὸν
καὶ δέξασθαι καὶ ἀποπέμψαι, ὥστε καὶ παροιμίαν γενέσθαι
διὰ τοῦτο „ἔμπορε, κατάπλευσον, ἐξελοῦ, πάντα
„πέπραται.“ αἴτιον δ´ ὅτι πλούσιοι γενόμενοι Ῥωμαῖοι
μετὰ τὴν Καρχηδόνος καὶ Κορίνθου κατασκαφὴν οἰκετείαις
ἐχρῶντο πολλαῖς· ὁρῶντες δὲ τὴν εὐπέτειαν οἱ
λῃσταὶ ταύτην ἐξήνθησαν ἀθρόως, αὐτοὶ καὶ λῃζόμενοι
καὶ σωματεμποροῦντες. συνήργουν δ´ εἰς ταῦτα καὶ
οἱ τῆς Κύπρου καὶ οἱ τῆς Αἰγύπτου βασιλεῖς ἐχθροὶ
τοῖς Σύροις ὄντες· οὐδ´ οἱ Ῥόδιοι δὲ φίλοι ἦσαν αὐτοῖς
ὥστ´ οὐδὲν ἐβοήθουν· ἅμα δὲ καὶ οἱ λῃσταὶ προσποιούμενοι σωματεμπορεῖν ἄλυτον τὴν κακουργίαν εἶχον.
ἀλλ´ οὐδὲ Ῥωμαῖοί πω τοσοῦτον ἐφρόντιζον τῶν ἔξω
τοῦ Ταύρου, ἀλλ´ ἔπεμψαν μὲν καὶ Σκιπίωνα τὸν Αἰμιλιανὸν ἐπισκεψόμενον τὰ ἔθνη καὶ τὰς πόλεις καὶ
πάλιν ἄλλους τινάς, ἔγνωσαν δὲ κακίᾳ τῶν ἀρχόντων
συμβαῖνον τοῦτο, εἰ καὶ τὴν κατὰ γένος διαδοχὴν τὴν
ἀπὸ Σελεύκου τοῦ Νικάτορος αὐτοὶ κεκυρωκότες
ᾐδοῦντο ἀφαιρεῖσθαι. τοῦτο δὲ συμβὰν τῆς μὲν χώρας
ἐποίησε κυρίους Παρθυαίους, οἳ τὰ πέραν τοῦ Εὐφράτου κατέσχον,
τὸ τελευταῖον δὲ καὶ Ἀρμενίους, οἳ καὶ
τὴν ἐκτὸς τοῦ Ταύρου προσέλαβον μέχρι καὶ Φοινίκης,
καὶ τοὺς βασιλέας κατέλυσαν εἰς δύναμιν καὶ τὸ γένος
αὐτῶν σύμπαν, τὴν δὲ θάλατταν τοῖς Κίλιξι παρέδωκαν.
εἶτ´ αὐξηθέντας ἠναγκάσθησαν καταλύειν Ῥωμαῖοι πολέμῳ
καὶ μετὰ στρατιᾶς οὓς αὐξομένους οὐκ
ἐκώλυσαν. ὀλιγωρίαν μὲν οὖν αὐτῶν χαλεπὸν καταγνῶναι·
πρὸς ἑτέροις δὲ ὄντες τοῖς ἐγγυτέρω καὶ
κατὰ χεῖρα μᾶλλον οὐχ οἷοί τε ἦσαν τὰ ἀπωτέρω σκοπεῖν.
ταῦτα μὲν οὖν ἔδοξεν ἡμῖν ἐν παρεκβάσει διὰ βραχέων εἰπεῖν.
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Traduction française :
[14e,2] C'est Coracésium qui marque l'entrée de la Cilicie Trachée. Bâti sur
une espèce de promontoire rocheux et escarpé, Coracésium servit de place
d'armes à Diodote, quand ce chef (plus connu sous le nom de Tryphon),
après avoir soulevé la Syrie contre les rois {Séleucides}, engagea contre
eux une de ces guerres interminables, heureuses un jour, malheureuses le
lendemain. Mais Antiochus, fils de Démétrius, réussit à l'enfermer dans
une de ses forteresses, et il fut réduit à mettre fin lui-même à ses
jours. C'est du reste autant à l'exemple donné par Tryphon qu'à
l'incapacité absolue de cette suite de rois appelés alors à présider aux
destinées communes de la Syrie et de la Cilicie, qu'on peut attribuer
l'origine des associations de pirates formées par les Ciliciens. Il est
constant, en effet, que l'insurrection de Tryphon donna à d'autres l'idée
de s'insurger aussi, et que dans le même temps les luttes de frère à frère
{au sein de la famille des Séleucides} livraient le pays sans défense aux
attaques du premier ennemi venu. Mais ce fut surtout le commerce des
esclaves qui, par l'appât de ses énormes profits, jeta les Ciliciens dans
cette vie de crimes et de brigandages. Il leur était facile de se procurer
des prisonniers de guerre, et tout aussi facile de les vendre, car à
proximité de leurs côtes ils trouvaient un grand et riche marché, celui de
Délos, qui pouvait en un jour recevoir et écouler plusieurs myriades
d'esclaves, d'où le proverbe si souvent cité : «Allons, vite, marchand,
aborde, décharge, tout est vendu». Et d'où venait le développement de ce
commerce ? De ce que les Romains, enrichis par la destruction de Carthage
et de Corinthe, s'étaient vite habitués à se servir d'un très grand nombre
d'esclaves. Les pirates virent bien le parti qu'ils pouvaient tirer de
cette circonstance, et, conciliant les deux métiers, le métier de brigands
et celui de marchands d'esclaves, ils en vinrent proprement à pulluler.
Ajoutons que les rois de Cypre, aussi bien que les rois d'Egypte,
semblaient travailler pour eux en entretenant de perpétuelles hostilités
contre les Syriens que les Rhodiens de leur côté n'aimaient pas assez pour
leur venir en aide. Le commerce d'esclaves devint ainsi un prétexte, à
l'abri duquel les pirates purent exercer avec impunité et continuité leurs
criminelles déprédations. Ajoutons qu'à cette époque les Romains ne
prenaient pas encore aux affaires de l'Asie exôtaurique autant d'intérêt
qu'ils en prirent par la suite. Ils s'étaient contentés d'envoyer sur les
lieux, pour étudier les populations et les institutions qui les
régissaient, Scipion Emilien et après lui plus d'un commissaire encore, et
ils avaient acquis ainsi la certitude que tout le mal provenait de la
lâcheté des souverains du pays ; mais, comme ils avaient garanti eux-mêmes
la transmission du pouvoir par voie de succession dans la famille de
Séleucos Nicator, ils se faisaient scrupule de priver les descendants de
ce prince de leurs droits. Malheureusement, cet état de choses, en se
prolongeant, livra le pays aux étrangers, aux Parthes d'abord qui
occupaient déjà en maîtres toutes les provinces d'au-delà de l'Euphrate,
et, en dernier lieu, aux Arméniens qui poussèrent même leurs conquêtes
dans la région exotaurique jusqu'aux limites de la Phénicie, ruinèrent la
puissance des rois de Syrie, exterminèrent toute leur famille et livrèrent
aux Ciliciens l'empire de la mer. De nouveaux accroissements de la marine
cilicienne finirent cependant par attirer l'attention des Romains, qui
reconnurent alors la nécessité de détruire par la force des armes et par
une guerre en règle cette puissance dont ils n'avaient pas cru devoir
gêner le développement. Il serait difficile, au reste, d'accuser en cette
occasion les Romains de négligence ; car, occupés alors d'ennemis plus
proches et plus à portée de leurs coups, ils n'étaient vraiment pas en
état de surveiller ce qui se passait dans les contrées plus éloignées.
Nous avions à coeur de nous expliquer à ce sujet, et telle est la raison
de la courte digression que nous avons introduite ici.
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