Texte grec :
[8,6,20] Ὁ δὲ Κόρινθος ἀφνειὸς μὲν λέγεται διὰ τὸ ἐμπόριον,
ἐπὶ τῷ Ἰσθμῷ κείμενος καὶ δυεῖν λιμένων {ὢν}
κύριος, ὧν ὁ μὲν τῆς Ἀσίας ὁ δὲ τῆς Ἰταλίας ἐγγύς
ἐστι - - - καὶ ῥᾳδίας ποιεῖ τὰς ἑκατέρωθεν ἀμοιβὰς
τῶν φορτίων πρὸς ἀλλήλους τοῖς τοσοῦτον ἀφεστῶσιν.
ἦν δ´ ὥσπερ ὁ πορθμὸς οὐκ εὔπλους ὁ κατὰ τὴν Σικελίαν
τὸ παλαιόν, οὕτω καὶ τὰ πελάγη καὶ μάλιστα τὸ
ὑπὲρ Μαλεῶν διὰ τὰς ἀντιπνοίας· ἀφ´ οὗ καὶ παροιμιάζονται
„Μαλέας δὲ κάμψας ἐπιλάθου τῶν οἴκαδε.“
ἀγαπητὸν οὖν ἑκατέροις ἦν τοῖς τε ἐκ τῆς Ἰταλίας καὶ
ἐκ τῆς Ἀσίας ἐμπόροις, ἀφεῖσι τὸν περὶ Μαλέας πλοῦν,
κατάγεσθαι τὸν φόρτον αὐτόθι· καὶ πεζῇ δὲ τῶν ἐκκομιζομένων
ἐκ τῆς Πελοποννήσου καὶ τῶν εἰσαγομένων
ἔπιπτε τὰ τέλη τοῖς τὰ κλεῖθρα ἔχουσι. διέμεινε δὲ
τοῦτο καὶ εἰς ὕστερον μέχρι παντός· τοῖς δ´ ὕστερον
καὶ πλείω προσεγίνετο πλεονεκτήματα· καὶ γὰρ ὁ
Ἰσθμικὸς ἀγὼν ἐκεῖ συντελούμενος ὄχλους ἐπήγετο,
καὶ οἱ Βακχιάδαι τυραννήσαντες, πλούσιοι καὶ πολλοὶ
καὶ γένος λαμπροί, διακόσια ἔτη σχεδόν τι κατέσχον
τὴν ἀρχὴν καὶ τὸ ἐμπόριον ἀδεῶς ἐκαρπώσαντο· τούτους
δὲ Κύψελος καταλύσας αὐτὸς ἐτυράννησε, καὶ
μέχρι τριγονίας ὁ οἶκος αὐτοῦ συνέμεινε· τοῦ δὲ περὶ
τὸν οἶκον τοῦτον πλούτου μαρτύριον τὸ Ὀλυμπίασιν
ἀνάθημα Κυψέλου, σφυρήλατος χρυσοῦς ἀνδριὰς
εὐμεγέθης {Διός}. Δημάρατός τε, εἷς τῶν ἐν Κορίνθῳ
δυναστευσάντων, φεύγων τὰς ἐκεῖ στάσεις τοσοῦτον
ἠνέγκατο πλοῦτον οἴκοθεν εἰς τὴν Τυρρηνίαν ὥστε
αὐτὸς μὲν ἦρξε τῆς δεξαμένης αὐτὸν πόλεως, ὁ δ´ υἱὸς
αὐτοῦ καὶ Ῥωμαίων κατέστη βασιλεύς.
τό τε τῆς Ἀφροδίτης ἱερὸν οὕτω πλούσιον ὑπῆρξεν ὥστε πλείους
ἢ χιλίας ἱεροδούλους ἐκέκτητο ἑταίρας, ἃς ἀνετίθεσαν τῇ
θεῷ καὶ ἄνδρες καὶ γυναῖκες. καὶ διὰ ταύτας οὖν πολυωχλεῖτο
ἡ πόλις καὶ ἐπλουτίζετο· οἱ γὰρ ναύκληροι
ῥᾳδίως ἐξανηλίσκοντο, καὶ διὰ τοῦτο ἡ παροιμία φησίν
„οὐ παντὸς ἀνδρὸς ἐς Κόρινθόν ἐσθ´ ὁ πλοῦς.“ καὶ
δὴ καὶ μνημονεύεταί τις ἑταίρα πρὸς τὴν ὀνειδίζουσαν,
ὅτι οὐ φιλεργὸς εἴη οὐδ´ ἐρίων ἅπτοιτο, εἰπεῖν „ἐγὼ
„μέντοι ἡ τοιαύτη τρεῖς ἤδη καθεῖλον ἱστοὺς ἐν βραχεῖ
χρόνῳ τούτῳ.“
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Traduction française :
[8,6,20] La qualification d'opulente qu'Homère donne à Corinthe s'explique par l'importance que cette ville
a toujours eue comme emporium ou entrepôt de marchandises. Elle est située dans l'isthme même et
possède deux ports, qui la rapprochant, l'un, de l'Asie, et l'autre, de l'Italie, la mettent à même de
faciliter les échanges entre deux contrées naturellement fort distantes. Or, anciennement, le
navigateur éprouvait de grandes difficultés pour franchir non seulement le détroit de Sicile, mais
encore, à cause des vents contraires, la haute mer au-dessus du cap Malées, c'est ce qu'atteste le
proverbe : «En doublant le cap Malées dis adieu au pays».
Il avait donc été souverainement agréable aux marins d'Asie aussi bien qu'à ceux d'Italie de pouvoir
éviter désormais les dangers du cap Malées en cinglant directement sur Corinthe, où ils débarquaient
leur cargaison. De leur côté, les marchandises suivant la voie de terre ne pouvaient entrer dans le
Péloponnèse ou en sortir sans payer des droits à ceux qui, par le fait, se trouvaient avoir en main la
clef de l'isthme. Ce n'est pas tout, sans perdre ce précieux monopole, Corinthe, avec le temps, acquit
encore de nouveaux avantages. Ainsi, la célébration des jeux isthmiques attirait toujours dans son
sein une multitude d'étrangers. Elle jouit aussi, sous la tyrannie de la riche et illustre famille des
Bacchiades, tyrannie qui se perpétua deux cents ans sans interruption, d'une pleine et entière
sécurité, circonstance singulièrement favorable au développement de son commerce. Puis vint
Cypsélus qui, après avoir renversé les Bacchiades, exerça lui-même la tyrannie, et dont les
descendants se maintinrent au pouvoir trois générations durant. On peut se faire une idée de
l'opulence de cette famille par l'offrande que fit Cypsélus à Olympie d'une statue colossale {de Jupiter}
en or battu. Dans le même temps, Démarate, l'un des membres de la famille déchue, qui avait cru
devoir fuir devant les discordes civiles, se retirait en Tyrrhénie, avec des trésors si considérables
qu'on le vit bientôt exercer une sorte de souveraineté dans la ville qui lui avait donné asile et que son
propre fils devint roi des Romains.
Enfin, le temple de Vénus à Corinthe était si riche, qu'il possédait à
titre de hiérodules ou d'esclaves sacrés plus de mille courtisanes, vouées au culte de la déesse par
des donateurs de l'un et de l'autre sexe ; et naturellement la présence de ces femmes, en attirant une
foule d'hommes dans la ville, contribuait encore à l'enrichir. Les patrons de navires, notamment,
venaient s'y ruiner à plaisir : on connaît le proverbe «Ne va pas qui veut à Corinthe», et cette réponse
d'une courtisane à une femme mariée qui lui avait reproché de ne pas aimer le travail et de ne jamais
toucher une aiguille,
«Je vous ai déjà pourtant, moi qui vous parle, taillé trois patrons, et cela en moins de rien».
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