Texte grec :
[9b,2] Ἔφορος δὲ καὶ ταύτῃ κρείττω τὴν Βοιωτίαν ἀποφαίνει τῶν ὁμόρων ἐθνῶν
καὶ ὅτι μόνη τριθάλαττός ἐστι καὶ λιμένων εὐπορεῖ πλειόνων, ἐπὶ μὲν τῷ
Κρισαίῳ κόλπῳ καὶ τῷ Κορινθιακῷ τὰ ἐκ τῆς Ἰταλίας καὶ Σικελίας καὶ Λιβύης
δεχομένη, ἐπὶ δὲ τῶν πρὸς Εὔβοιαν μερῶν ἐφ´ ἑκάτερα τοῦ Εὐρίπου σχιζομένης
τῆς παραλίας τῇ μὲν ἐπὶ τὴν Αὐλίδα καὶ τὴν Ταναγρικὴν τῇ δ´ ἐπὶ τὸν Σαλγανέα
καὶ τὴν Ἀνθηδόνα, τῇ μὲν εἶναι συνεχῆ τὴν κατ´ Αἴγυπτον καὶ Κύπρον καὶ τὰς
νήσους θάλατταν τῇ δὲ τὴν κατὰ Μακεδόνας καὶ τὴν Προποντίδα καὶ τὸν
Ἑλλήσποντον. προστίθησι δὲ ὅτι καὶ τὴν Εὔβοιαν τρόπον τινὰ μέρος αὐτῆς
πεποίηκεν ὁ Εὔριπος οὕτω στενὸς ὢν καὶ γεφύρᾳ συνεζευγμένος πρὸς αὐτὴν
διπλέθρῳ. τὴν μὲν οὖν χώραν ἐπαινεῖ διὰ ταῦτα, καί φησι πρὸς ἡγεμονίαν
εὐφυῶς ἔχειν, ἀγωγῇ δὲ καὶ παιδείᾳ μὴ χρησαμένους ἐπεὶ μηδὲ τοὺς ἀεὶ
προϊσταμένους αὐτῆς, εἰ καί {τί} ποτε κατώρθωσαν, ἐπὶ μικρὸν τὸν χρόνον
συμμεῖναι, καθάπερ Ἐπαμεινώνδας ἔδειξε· τελευτήσαντος γὰρ ἐκείνου τὴν
ἡγεμονίαν ἀποβαλεῖν εὐθὺς τοὺς Θηβαίους γευσαμένους αὐτῆς μόνον· αἴτιον δὲ
εἶναι τὸ λόγων καὶ ὁμιλίας τῆς πρὸς ἀνθρώπους ὀλιγωρῆσαι, μόνης δ´
ἐπιμεληθῆναι τῆς κατὰ πόλεμον ἀρετῆς. ἔδει δὲ προσθεῖναι διότι τοῦτο πρὸς
Ἕλληνας μάλιστα χρήσιμόν ἐστιν, ἐπεὶ πρός γε τοὺς βαρβάρους βία λόγου
κρείττων ἐστί. καὶ Ῥωμαῖοι δὲ τὸ παλαιὸν μὲν ἀγριωτέροις ἔθνεσι πολεμοῦντες
οὐδὲν ἐδέοντο τῶν τοιούτων παιδευμάτων, ἀφ´ οὗ δὲ ἤρξαντο πρὸς ἡμερώτερα
ἔθνη καὶ φῦλα τὴν πραγματείαν ἔχειν, ἐπέθεντο καὶ ταύτῃ τῇ ἀγωγῇ καὶ
κατέστησαν πάντων κύριοι.
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Traduction française :
[9b,2] Ephore signale encore, comme un grand avantage de la Béotie sur les
contrées qui l'avoisinent, cette double circonstance qu'elle est seule à
être baignée par trois mers à la fois, seule aussi à posséder tant de
ports. Et le fait est qu'en même temps qu'elle reçoit par les golfes de
Crissa et de Corinthe les marchandises venant d'Italie, de Sicile et de
Libye, à l'opposite, c'est-à-dire vers l'Eubée, où son littoral au-dessus
et au-dessous de l'Euripe présente en réalité deux côtes distinctes (celle
d'Aulis et de Tanagra d'une part, celle de Salganée et d'Anthédon de
l'autre), elle se trouve toucher à la fois à la mer qui baigne l'Egypte,
Chypre et les îles, et à cette autre mer qui forme sur les côtes de la
Macédoine la Propontide et l'Hellespont. Ephore ajoute que l'Eubée, par
suite du peu de largeur de l'Euripe, qui a permis de jeter d'un bord à
l'autre ce pont de deux plèthres, peut être considérée comme faisant
partie de la Béotie. Placée dans des conditions si éminemment favorables,
la Béotie, au jugement d'Ephore, semblait naturellement appelée à exercer
l'hégémonie sur la Grèce entière, mais, faute d'une culture et d'une
éducation philosophique suffisante, les chefs qu'elle se donna
successivement ne purent, malgré quelques succès signalés, assurer d'une
manière durable sa prépondérance politique. On le vit bien par l'exemple
d'Epaminondas, car à peine ce grand homme eut-il succombé, que les
Thébains, qui commençaient à goûter les douceurs de l'hégémonie, en furent
dépouillés pour jamais. Leur tort avait été (c'est toujours Ephore qui
parle), de négliger les belles-lettres et les autres agréments de la vie
sociale, pour ne s'attacher qu'aux vertus guerrières. Ephore aurait dû
ajouter qu'ici la culture de l'esprit était d'autant plus nécessaire qu'il
s'agissait de dominer sur des peuples grecs et non sur des barbares,
toujours plus sensibles, on le sait, à la supériorité de la force qu'à
celle de l'intelligence. Et c'est ce que les Romains ont bien compris :
tant qu'ils n'ont eu à combattre que des peuples plus sauvages qu'eux, ils
ont cru pouvoir se passer de ces exercices de l'esprit ; mais quand ils
ont commencé à avoir affaire à des nations, à des races plus civilisées,
ils se sont appliqués à acquérir aussi la culture intellectuelle, et ont
pu prétendre alors à l'empire du monde.
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