Texte grec :
[3,64] Πόπλιος δὲ περὶ τὰς αὐτὰς ἡμέρας τὸν Πάδον
ποταμὸν ἤδη πεπεραιωμένος, τὸν δὲ Τίκινον κρίνων
εἰς τοὔμπροσθεν διαβαίνειν, τοῖς μὲν ἐπιτηδείοις
γεφυροποιεῖν παρήγγειλε, τὰς δὲ λοιπὰς δυνάμεις
συναγαγὼν παρεκάλει. τὰ μὲν οὖν πολλὰ
τῶν λεγομένων ἦν περί τε τοῦ τῆς πατρίδος ἀξιώματος
καὶ τῶν προγονικῶν πράξεων, τὰ δὲ τοῦ
παρεστῶτος καιροῦ τοιάδε. ἔφη γὰρ δεῖν καὶ μηδεμίαν
μὲν εἰληφότας πεῖραν ἐπὶ τοῦ παρόντος τῶν
ὑπεναντίων, αὐτὸ δὲ τοῦτο γινώσκοντας ὅτι μέλλουσι
πρὸς Καρχηδονίους κινδυνεύειν, ἀναμφισβήτητον
ἔχειν τὴν τοῦ νικᾶν ἐλπίδα, καὶ καθόλου
δεινὸν ἡγεῖσθαι καὶ παράλογον, εἰ τολμῶσι Καρχηδόνιοι
Ῥωμαίοις ἀντοφθαλμεῖν, πολλάκις μὲν ὑπ´
αὐτῶν ἡττημένοι, πολλοὺς δ´ ἐξενηνοχότες φόρους,
μόνον δ´ οὐχὶ δουλεύοντες αὐτοῖς ἤδη τοσούτους
χρόνους. ὅταν δέ, χωρὶς τῶν προειρημένων, καὶ τῶν
νῦν παρόντων ἀνδρῶν ἔχωμεν ἐπὶ ποσὸν πεῖραν
ὅτι μόνον οὐ τολμῶσι κατὰ πρόσωπον ἰδεῖν ἡμᾶς,
τίνα χρὴ διάληψιν ποιεῖσθαι περὶ τοῦ μέλλοντος
τοὺς ὀρθῶς λογιζομένους; καὶ μὴν οὔτε τοὺς ἱππεῖς
συμπεσόντας τοῖς παρ´ αὑτῶν ἱππεῦσι περὶ τὸν
Ῥοδανὸν ποταμὸν ἀπαλλάξαι καλῶς, ἀλλὰ πολλοὺς
ἀποβαλόντας αὑτῶν φυγεῖν αἰσχρῶς μέχρι τῆς ἰδίας
παρεμβολῆς, τόν τε στρατηγὸν αὐτῶν καὶ τὴν σύμπασαν
δύναμιν ἐπιγνόντας τὴν παρουσίαν τῶν
ἡμετέρων στρατιωτῶν φυγῇ παραπλησίαν ποιήσασθαι
τὴν ἀποχώρησιν καὶ παρὰ τὴν αὑτῶν προαίρεσιν
διὰ τὸν φόβον κεχρῆσθαι τῇ διὰ τῶν Ἄλπεων
πορείᾳ. παρεῖναι δὲ καὶ νῦν ἔφη τὸν Ἀννίβαν,
κατεφθαρκότα μὲν τὸ πλεῖστον μέρος τῆς δυνάμεως,
τὸ δὲ περιλειπόμενον ἀδύνατον καὶ δύσχρηστον
ἔχοντα διὰ τὴν κακουχίαν, ὁμοίως δὲ καὶ τῶν ἵππων
τοὺς μὲν πλείστους ἀπολωλεκότα, τοὺς δὲ λοιποὺς
ἠχρειωκότα διὰ τὸ μῆκος καὶ τὴν δυσχέρειαν
τῆς ὁδοῦ. δι´ ὧν ἐπιδεικνύειν ἐπειρᾶτο διότι μόνον
ἐπιφανῆναι δεῖ τοῖς πολεμίοις. μάλιστα δ´ ἠξίου
θαρρεῖν αὐτοὺς βλέποντας εἰς τὴν αὑτοῦ παρουσίαν·
οὐδέποτε γὰρ ἂν ἀπολιπὼν τὸν στόλον καὶ
τὰς ἐν Ἰβηρίᾳ πράξεις, ἐφ´ ἃς ἀπεστάλη, δεῦρο
μετὰ τοιαύτης ἐλθεῖν σπουδῆς, εἰ μὴ καὶ λίαν ἐκ
τῶν κατὰ λόγον ἑώρα τὴν πρᾶξιν ταύτην ἀναγκαίαν
μὲν οὖσαν τῇ πατρίδι, πρόδηλον δ´ ἐν αὐτῇ τὴν
νίκην ὑπάρχουσαν. πάντων δὲ καὶ διὰ τὴν τοῦ
λέγοντος πίστιν καὶ διὰ τὴν τῶν λεγομένων ἀλήθειαν
ἐκθύμως ἐχόντων πρὸς τὸ κινδυνεύειν, ἀποδεξάμενος
αὐτῶν τὴν ὁρμὴν διαφῆκε, προσπαρακαλέσας
ἑτοίμους εἶναι πρὸς τὸ παραγγελλόμενον.
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Traduction française :
[3,64] Scipion, qui à ce moment avait déjà franchi le Pô,
décida de passer le Tessin pour continuer
sa marche en avant ; il donna donc à ses pontonniers
l'ordre de jeter un pont sur la rivière, convoqua pendant
ce temps le reste de ses troupes et les harangua.
Il leur parla surtout de la grandeur de leur patrie et
des exploits de leurs ancêtres, puis il en vint aux circonstances
présentes. Bien qu'ils n'eussent pas encore
pris contact avec l'ennemi, ils ne devaient pas oublier
qu'ils avaient affaire à des Carthaginois, car alors ils
ne douteraient plus de la victoire ; c'était une chose
indigne, inimaginable, que les Carthaginois, tant de
fois vaincus par les Romains, depuis si longtemps
contraints à leur payer un tribut et presque réduits
par eux en esclavage, eussent l'audace de se révolter
contre eux. « En outre, ajoutait-il, nous commençons
à connaître assez bien nos adversaires actuels, nous
voyons qu'ils n'osent pas nous regarder en face : quelles
doivent être, si nous savons raisonner, nos prévisions
pour l'avenir ? » Il rappelait alors la rencontre des
cavaliers romains avec ceux de l'ennemi sur les bords
du Rhône ; elle n'avait pas mal tourné, mais on avait
tué un grand nombre d'hommes et forcé les survivants
à s'enfuir jusque dans leurs retranchements. Quand
leur général avait appris que les troupes romaines
étaient proches, il avait levé le camp avec toute son
armée, et sa retraite ressemblait fort à une déroute ;
c'était la crainte qui l'avait contraint, malgré sa
volonté, à affronter la traversée des Alpes. On se retrouvait
en présence d'Hannibal, mais il avait perdu
la plus grande partie de son armée et ce qui en restait,
épuisé par les privations, était sans aucune valeur ;
il avait perdu également la plupart de ses chevaux
et ceux qu'il avait encore, exténués par la longueur
et les difficultés de la route, ne pouvaient lui être
d'aucun service. Il essayait ainsi de persuader ses
soldats qu'ils n'avaient qu'à se montrer pour vaincre
l'ennemi. Ce qui devait surtout leur donner de la
confiance, c'était sa présence au milieu d'eux : aurait-il
jamais abandonné sa flotte et la mission dont il était
chargé en Espagne pour revenir avec une telle hâte,
s'il n'avait eu les raisons les plus sérieuses de croire
son retour indispensable à la patrie et s'il n'avait
considéré la victoire comme certaine ? L'autorité de
l'orateur et l'exactitude des faits qu'il alléguait inspira
à tous les soldats un vif désir de combattre ; le consul
les félicita de leur ardeur et les congédia, en leur donnant
l'ordre d'être prêts à se mettre en mouvement
au premier signal.
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