Texte grec :
[3,53] ἐν ᾧ καιρῷ πάντας ἄρδην ἀπολέσθαι συνέβη τοὺς
περὶ τὸν Ἀννίβαν, εἰ μὴ δεδιότες ἀκμὴν ἐπὶ ποσὸν καὶ
προορώμενοι τὸ μέλλον τὰ μὲν σκευοφόρα καὶ τοὺς ἱππεῖς
εἶχον ἐν τῇ πρωτοπορείᾳ, τοὺς δ´ ὁπλίτας ἐπὶ τῆς οὐραγίας.
τούτων δ´ ἐφεδρευόντων ἔλαττον συνέβη γενέσθαι
τὸ πάθος· οὗτοι γὰρ ἔστεξαν τὴν ἐπιφορὰν τῶν βαρβάρων.
οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ τούτου συγκυρήσαντος
πολύ τι πλῆθος καὶ τῶν ἀνδρῶν καὶ τῶν ὑποζυγίων
καὶ τῶν ἵππων διεφθάρη. τῶν γὰρ τόπων ὑπερδεξίων
ὄντων τοῖς πολεμίοις, ἀντιπαράγοντες οἱ
βάρβαροι ταῖς παρωρείαις καὶ τοῖς μὲν τὰς πέτρας
ἐπικυλίοντες τοὺς δ´ ἐκ χειρὸς τοῖς λίθοις τύπτοντες
εἰς ὁλοσχερῆ διατροπὴν καὶ κίνδυνον ἦγον, οὕτως
ὥστ´ ἀναγκασθῆναι τὸν Ἀννίβαν μετὰ τῆς ἡμισείας
δυνάμεως νυκτερεῦσαι περί τι λευκόπετρον ὀχυρὸν
χωρὶς τῶν ἵππων καὶ τῶν ὑποζυγίων, ἐφεδρεύοντα
τούτοις, ἕως ἐν ὅλῃ τῇ νυκτὶ ταῦτα μόλις ἐξεμηρύσατο
τῆς χαράδρας. τῇ δ´ ἐπαύριον τῶν πολεμίων
χωρισθέντων, συνάψας τοῖς ἱππεῦσι καὶ τοῖς ὑποζυγίοις
προῆγε πρὸς τὰς ὑπερβολὰς τὰς ἀνωτάτω τῶν
Ἄλπεων, ὁλοσχερεῖ μὲν οὐδενὶ περιπίπτων ἔτι συστήματι
τῶν βαρβάρων, κατὰ μέρη δὲ καὶ κατὰ τόπους
παρενοχλούμενος ὑπ´ αὐτῶν· ὧν οἱ μὲν ἀπὸ
τῆς οὐραγίας, οἱ δ´ ἀπὸ τῆς πρωτοπορείας ἀπέσπων
τῶν σκευοφόρων ἔνια, προσπίπτοντες εὐκαίρως.
μεγίστην δ´ αὐτῷ παρείχετο χρείαν τὰ θηρία· καθ´
ὃν γὰρ ἂν τόπον ὑπάρχοι τῆς πορείας ταῦτα, πρὸς
τοῦτο τὸ μέρος οὐκ ἐτόλμων οἱ πολέμιοι προσιέναι,
τὸ παράδοξον ἐκπληττόμενοι τῆς τῶν ζῴων φαντασίας.
ἐναταῖος δὲ διανύσας εἰς τὰς ὑπερβολὰς αὐτοῦ
κατεστρατοπέδευσε καὶ δύ´ ἡμέρας προσέμεινε, βουλόμενος
ἅμα μὲν ἀναπαῦσαι τοὺς διασῳζομένους,
ἅμα δὲ προσδέξασθαι τοὺς ἀπολειπομένους. ἐν ᾧ
καιρῷ συνέβη πολλοὺς μὲν ἵππους τῶν ἀπεπτοημένων,
πολλὰ δ´ ὑποζύγια τῶν ἀπερριφότων τὰ φορτία
παραδόξως ἀναδραμεῖν τοῖς στίβοις ἑπόμενα
καὶ συνάψαι πρὸς τὴν παρεμβολήν.
|
|
Traduction française :
[3,53] Toute l'armée aurait été anéantie dans cette
rencontre, si Hannibal, qui avait conservé malgré
tout quelque méfiance et appréhendé ce qui arrivait,
n'avait eu la prudence de placer en tête les bagages
avec la cavalerie et l'infanterie lourde à l'arrière-garde.
Ce fut elle qui soutint le choc de l'ennemi et lui opposa
un rempart, sans lequel le désastre aurait été complet.
Néanmoins, on perdit là beaucoup d'hommes, de bêtes
de charge et de chevaux de selle ; car les barbares
avaient l'avantage de la position : à mesure que les
Carthaginois avançaient, ils les suivaient sur le flanc
de la montagne, d'où ils les dominaient et faisaient
rouler ou jetaient sur eux des pierres qui leur firent
beaucoup de mal et répandirent la confusion dans leurs
rangs. Hannibal fut obligé de se tenir toute la nuit,
avec la moitié de son armée, sur un rocher nu et escarpé,
d'où il surveillait et protégeait le passage des
chevaux et des bêtes de somme ; leur défilé dura la
nuit entière, et ce temps leur suffit à peine pour sortir
de la gorge. Le lendemain, les ennemis s'étaient éloignés;
Hannibal rejoignit sa cavalerie et ses convoyeurs,
et continua sa route vers la cime des Alpes; il n'eut
plus à essuyer aucune attaque générale des barbares,
mais il fut encore harcelé, sur tel ou tel point, par quelques
détachements : ils saisissaient le moment favorable
et tantôt fondaient sur l'arrière-garde, tantôt
enlevaient quelques bagages à l'avant-garde. Les
éléphants, surtout, lui furent d'un grand secours ; car
à quelque endroit de la colonne qu'ils fussent placés,
l'ennemi, effrayé par l'aspect fantastique de ces
animaux, n'osait pas en approcher. Au bout de neuf
jours, Hannibal atteignit la crête et y campa ; il
demeura là pendant deux jours, tant pour laisser
reposer ceux de ses soldats qui étaient arrivés sains
et saufs que pour laisser aux traînards le temps de le
rejoindre. On eut alors la surprise de voir reparaître
un grand nombre de chevaux, qui s'étaient égarés
dans leur affolement, et de bêtes de somme, qui s'étaient
délivrées de leur fardeau ; ces animaux avaient
suivi les traces de l'armée et rallié ainsi le campement.
|
|