Texte grec :
[24] προαισθόμενος δ' ἐκεῖνος εἰς Κέρκυραν διεπέρασεν,
οὔσης αὐτῷ πρὸς τὴν πόλιν εὐεργεσίας. Γενόμενος γὰρ αὐτῶν
κριτὴς πρὸς Κορινθίους ἐχόντων διαφοράν, ἔλυσε τὴν ἔχθραν
εἴκοσι τάλαντα κρίνας τοὺς Κορινθίους καταβαλεῖν καὶ
Λευκάδα κοινῇ νέμειν ἀμφοτέρων ἄποικον. ἐκεῖθεν δ' εἰς
Ἤπειρον ἔφυγε· καὶ διωκόμενος ὑπὸ τῶν Ἀθηναίων καὶ τῶν
Λακεδαιμονίων ἔρριψεν αὑτὸν εἰς ἐλπίδας χαλεπὰς καὶ
ἀπόρους καταφυγὼν πρὸς Ἄδμητον, (2) ὃς βασιλεὺς μὲν ἦν
Μολοττῶν, δεηθεὶς δέ τι τῶν Ἀθηναίων καὶ προπηλακισθεὶς
ὑπὸ τοῦ Θεμιστοκλέους, ὅτ' ἤκμαζεν ἐν τῇ πολιτείᾳ, δι' ὀργῆς
εἶχεν αὐτὸν ἀεὶ καὶ δῆλος ἦν, εἰ λάβοι, τιμωρησόμενος. ἐν δὲ τῇ
τότε τύχῃ μᾶλλον ὁ Θεμιστοκλῆς φοβηθεὶς συγγενῆ καὶ
πρόσφατον φθόνον ὀργῆς παλαιᾶς καὶ βασιλικῆς, ταύτῃ φέρων
ὑπέθηκεν ἑαυτόν, ἱκέτης τοῦ Ἀδμήτου καταστὰς ἴδιόν τινα καὶ
παρηλλαγμένον τρόπον. (3) ἔχων γὰρ αὐτοῦ τὸν υἱὸν ὄντα
παῖδα πρὸς τὴν ἑστίαν προσέπεσε, ταύτην μεγίστην καὶ μόνην
σχεδὸν ἀναντίρρητον ἡγουμένων ἱκεσίαν τῶν Μολοσσῶν. ἔνιοι
μὲν οὖν Φθίαν τὴν γυναῖκα τοῦ βασιλέως λέγουσιν ὑποθέσθαι
τῷ Θεμιστοκλεῖ τὸ ἱκέτευμα τοῦτο καὶ τὸν υἱὸν ἐπὶ τὴν ἑστίαν
καθίσαι μετ' αὐτοῦ· τινὲς δ' αὐτὸν τὸν Ἄδμητον, ὡς
ἀφοσιώσαιτο πρὸς τοὺς διώκοντας τὴν ἀνάγκην, δι' ἣν οὐκ
ἐκδίδωσι τὸν ἄνδρα, διαθεῖναι καὶ συντραγῳδῆσαι τὴν ἱκεσίαν.
(4) ἐκεῖ δ' αὐτῷ τὴν γυναῖκα καὶ τοὺς παῖδας ἐκκλέψας ἐκ τῶν
Ἀθηνῶν Ἐπικράτης ὁ Ἀχαρνεὺς ἀπέστειλεν· ὃν ἐπὶ τούτῳ
Κίμων ὕστερον κρίνας ἐθανάτωσεν, ὡς ἱστορεῖ Στησίμβροτος.
εἶτ' οὐκ οἶδ' ὅπως ἐπιλαθόμενος τούτων ἢ τὸν Θεμιστοκλέα
ποιῶν ἐπιλαθόμενον πλεῦσαί φησιν εἰς Σικελίαν καὶ παρ'
Ἱέρωνος αἰτεῖν τοῦ τυράννου τὴν θυγατέρα πρὸς γάμον,
ὑπισχνούμενον αὐτῷ τοὺς Ἕλληνας ὑπηκόους ποιήσειν·
ἀποτριψαμένου δὲ τοῦ Ἱέρωνος, οὕτως εἰς τὴν Ἀσίαν ἀπᾶραι.
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Traduction française :
[24] (1) Thémistocle, prévenu, passa à Corcyre, cité dont il était le bienfaiteur. Il avait
en effet été juge dans un différend entre Corcyre et les Corinthiens et avait dénoué le
conflit en arrêtant que les Corinthiens paieraient vingt talents et que les deux cités
administreraient conjointement Leucade, leur colonie à toutes deux. (2) De Corcyre, il
s'enfuit en Épire. Poursuivi par les Athéniens et les Lacédémoniens, il se jeta dans
une aventure sans guère d'espoir et sans issue: il se réfugia chez Admète, roi des
Molosses, lequel avait un jour sollicité les Athéniens et avait été débouté avec mépris
par Thémistocle alors au faîte de son influence politique. Admète éprouvait toujours
de la colère à son endroit et il était clair que, s'il se saisissait de lui, il saurait se
venger. (3) Mais dans son infortune du moment, Thémistocle redoutait davantage la
jalousie toute récente des siens qu'une vieille colère, fût-elle royale; aussi se rendit-il
lui-même à merci en se présentant chez Admète en personnage de suppliant, d'une
façon en quelque sorte particulière et sans exemple. (4) Tenant contre lui le fils
d'Admète, un enfant, il se laissa choir devant le foyer -- les Molosses considèrent
cette supplication comme la plus grande et presque la seule à être irrécusable. (5)
D'après certains, c'est Phthias, la femme du roi, qui suggéra à Thémistocle cette
supplication-là et installa son propre fils avec lui devant le foyer; mais selon d'autres,
ce fut Admète lui-même: pour rendre sacrée aux yeux de Thémistocle l'obligation où
il était de ne pas livrer celui-ci, il arrangea et interpréta avec lui, telle une scène
tragique, cette supplication. (6) C'est là qu'Épicratès d'Acharnes envoya à
Thémistocle sa femme et ses enfants, qu'il avait clandestinement soustraits au peuple
d'Athènes. Pour cette raison, Cimon fit plus tard juger et mettre à mort Épicratès,
comme le relate Stésimbrote. (7) Ensuite, Stésimbrote affirme, je ne sais comment --
oubliant ces faits ou les faisant oublier à Thémistocle --, que ce dernier fit voile vers la
Sicile et qu'il demanda en mariage la fille du tyran Hiéron, en promettant à celui-ci
de faire des Grecs ses sujets; mais Hiéron repoussa la proposition, et c'est ainsi que
Thémistocle partit pour l'Asie.
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