Texte grec :
[19] γενόμενος δ' ἀπὸ τῶν πράξεων ἐκείνων εὐθὺς ἐπεχείρει
τὴν πόλιν ἀνοικοδομεῖν καὶ τειχίζειν, ὡς μὲν ἱστορεῖ
Θεόπομπος, χρήμασι πείσας μὴ ἐναντιωθῆναι τοὺς ἐφόρους, ὡς
δ' οἱ πλεῖστοι, παρακρουσάμενος. ἧκε μὲν γὰρ εἰς Σπάρτην
ὄνομα πρεσβείας ἐπιγραψάμενος· ἐγκαλούντων δὲ τῶν
Σπαρτιατῶν, ὅτι τειχίζουσι τὸ ἄστυ, καὶ Πολυάρχου
κατηγοροῦντος ἐπίτηδες ἐξ Αἰγίνης ἀποσταλέντος, (2) ἠρνεῖτο
καὶ πέμπειν ἐκέλευεν εἰς Ἀθήνας τοὺς κατοψομένους, ἅμα μὲν
ἐμβάλλων τῷ τειχισμῷ χρόνον ἐκ τῆς διατριβῆς, ἅμα δὲ
βουλόμενος ἀντ' αὐτοῦ τοὺς πεμπομένους ὑπάρχειν τοῖς
Ἀθηναίοις. ὃ καὶ συνέβη· γνόντες γὰρ οἱ Λακεδαιμόνιοι τὸ
ἀληθὲς οὐκ ἠδίκησαν αὐτόν, ἀλλ' ἀδήλως χαλεπαίνοντες
ἀπέπεμψαν.
ἐκ δὲ τούτου τὸν Πειραιᾶ κατεσκεύαζε, τὴν τῶν λιμένων
εὐφυΐαν κατανοήσας καὶ τὴν πόλιν ὅλην ἁρμοττόμενος πρὸς
τὴν θάλατταν, καὶ τρόπον τινὰ τοῖς παλαιοῖς βασιλεῦσι τῶν
Ἀθηναίων ἀντιπολιτευόμενος. (3) ἐκεῖνοι μὲν γάρ, ὡς λέγεται,
πραγματευόμενοι τοὺς πολίτας ἀποσπάσαι τῆς θαλάττης καὶ
συνεθίσαι ζῆν μὴ πλέοντας, ἀλλὰ τὴν χώραν φυτεύοντας, τὸν
περὶ τῆς Ἀθηνᾶς διέδοσαν λόγον, ὡς ἐρίσαντα περὶ τῆς χώρας
τὸν Ποσειδῶ δείξασα τὴν μορίαν τοῖς δικασταῖς ἐνίκησε.
Θεμιστοκλῆς δ' οὐχ, ὡς Ἀριστοφάνης ὁ κωμικὸς λέγει, τῇ πόλει
τὸν Πειραιᾶ προσέμαξεν, ἀλλὰ τὴν πόλιν ἐξῆψε (4) τοῦ
Πειραιῶς καὶ τὴν γῆν τῆς θαλάττης· ὅθεν καὶ τὸν δῆμον ηὔξησε
κατὰ τῶν ἀρίστων καὶ θράσους ἐνέπλησεν, εἰς ναύτας καὶ
κελευστὰς καὶ κυβερνήτας τῆς δυνάμεως ἀφικομένης. διὸ καὶ
τὸ βῆμα τὸ ἐν Πνυκὶ πεποιημένον ὥστ' ἀποβλέπειν πρὸς τὴν
θάλασσαν ὕστερον οἱ τριάκοντα πρὸς τὴν χώραν ἀπέστρεψαν,
οἰόμενοι τὴν μὲν κατὰ θάλατταν ἀρχὴν γένεσιν εἶναι
δημοκρατίας, ὀλιγαρχίᾳ δ' ἧττον δυσχεραίνειν τοὺς
γεωργοῦντας.
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Traduction française :
[19] (1) Après ces hauts faits, il se met tout de suite à reconstruire et à fortifier la ville;
comme le relate Théopompe, il achète les éphores pour ne pas être contré par eux
(mais la très grande majorité des historiens disent qu'il les dupa). (2) Il vint à Sparte
en s'étant fait inscrire au titre d'ambassadeur. Comme les Spartiates reprochaient aux
Athéniens de fortifier leur ville, Polyarchos fut dépêché tout exprès d'Égine pour en
accuser Thémistocle; lui niait et invitait les Lacédémoniens à envoyer à Athènes leurs
observateurs. C'est qu'il voulait tirer parti de ce retard: à la fois gagner du temps
pour la construction des remparts et mettre aux mains des Athéniens les délégués
spartiates en contrepartie de sa propre personne. (3) C'est effectivement ce qui arriva;
quand ils connurent la vérité, les Lacédémoniens ne lui infligèrent nul dommage
mais, bien que secrètement furieux, ils le renvoyèrent. Après cela, il aménagea le
Pirée, parce qu'il avait repéré l'excellente qualité de ses ports et qu'il s'efforçait de
relier tout l'ensemble urbain à la mer -- c'était là, d'une certaine façon, une politique
opposée à celle des anciens rois d'Athènes. (4) Ces derniers, à ce qu'on dit, se sont
employés à détourner les citoyens de la mer, pour les accoutumer à vivre, non de la
navigation mais de l'agriculture, et ils ont diffusé le récit d'après lequel Athéna, qui
disputait le pays à Poséidon, avait triomphé en montrant aux juges l'olivier sacré.
Quant à Thémistocle, contrairement à ce que dit Aristophane le Comique, il n'a pas
«pétri le Pirée» avec la ville, mais il a attaché la ville au Pirée et la terre, à la mer. (5) Il
a ainsi renforcé le peuple contre les nobles et l'a rempli d'audace, une fois le pouvoir
dévolu aux marins, aux commandants de la chiourme et aux pilotes. (6) C'est
exactement pour cette raison que, plus tard, les Trente firent retourner en direction
de la terre la tribune construite sur la Pnyx avec orientation vers la mer; ils croyaient
que l'empire maritime est générateur de démocratie, tandis que les agriculteurs
s'accommodent moins mal de l'oligarchie.
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