Texte grec :
[44] (1) Μάλιστα δ´ ἄν τις εὐδαιμονίσειε τοῦ τέλους
Λεύκολλον, ὅτι πρὸ τῆς μεταβολῆς, ἣν ἤδη κατὰ τῆς
πολιτείας ἐτεκταίνετο τοῖς ἐμφυλίοις πολέμοις τὸ πεπρωμένον,
ἔφθη προαποθανὼν καὶ καταλύσας ἐν νοσούσῃ
μέν, ἔτι δ´ ἐλευθέρᾳ τῇ πατρίδι τὸν βίον. καὶ τοῦτό γε
πάντων αὐτῷ πρὸς Κίμωνα κοινότατόν ἐστι. καὶ γὰρ
ἐκεῖνος οὔπω συντεταραγμένων τῶν Ἑλληνικῶν, ἀλλ´ ἀκμὴν
ἐχόντων ἐτελεύτησεν, ἐπὶ στρατοπέδου μέντοι καὶ
στρατηγῶν, οὐκ ἀπειρηκὼς οὐδ´ ἀλύων, οὐδὲ τῶν ὅπλων
καὶ τῶν στρατηγιῶν καὶ τῶν τροπαίων ἔπαθλον ποιούμενος
εὐωχίας καὶ πότους, ὥσπερ Πλάτων (res publ.
363c) ἐπισκώπτει τοὺς περὶ τὸν Ὀρφέα, τοῖς εὖ βεβιωκόσι
φάσκοντας ἀποκεῖσθαι γέρας ἐν Ἅιδου μέθην αἰώνιον.
σχολὴ μὲν οὖν καὶ ἡσυχία καὶ διατριβὴ περὶ λόγους
ἡδονήν τινα καὶ θεωρίαν ἔχοντας εὐπρεπέστατον ἀνδρὶ
πρεσβύτῃ καὶ πεπαυμένῳ πολέμων καὶ πολιτείας παραμύθιον·
τὸ δ´ ἐφ´ ἡδονὴν ὡς τέλος καταστρέψαντα τὰς
καλὰς πράξεις ἤδη λοιπὸν Ἀφροδίσια τῶν πολέμων καὶ
στρατηγιῶν ἄγοντα παίζειν καὶ τρυφᾶν οὐκ ἄξιον τῆς
καλῆς Ἀκαδημείας, οὐδὲ τὸν Ξενοκράτη ζηλοῦντος, ἀλλ´
ἐγκεκλικότος πρὸς τὸν Ἐπίκουρον. ὃ καὶ θαυμαστόν
ἐστιν· ὑπεναντίως γὰρ ἡ νεότης τοῦ μὲν ἐπίψογος καὶ
ἀκόλαστος γεγονέναι δοκεῖ, τοῦ δὲ πεπαιδευμένη καὶ
σώφρων. βελτίων οὖν ᾧ πρὸς τὸ βέλτιον ἡ μεταβολή·
χρηστοτέρα γὰρ ἡ φύσις ἐν ᾗ γηρᾷ μὲν τὸ χεῖρον, ἐπακμάζει
δὲ τὸ ἄμεινον.
Καὶ μὴν ὁμοίως γε πλουτήσαντες οὐχ ὁμοίως διέθεντο
τὸν πλοῦτον. οὐ γὰρ ἄξιον ὁμοιῶσαι τῷ νοτίῳ
τείχει τῆς ἀκροπόλεως, ὃ τοῖς ὑπὸ Κίμωνος κομισθεῖσιν
ἐτελέσθη χρήμασι, τοὺς ἐν Νέᾳ πόλει θαλάμους καὶ
τὰς περικλύστους ἀπόψεις, ἃς Λεύκολλος ἀπὸ τῶν βαρβαρικῶν
ἐξῳκοδόμει λαφύρων· οὐδέ γε τῇ Κίμωνος τραπέζῃ
τὴν Λευκόλλου παραβαλεῖν, τῇ δημοκρατικῇ καὶ
φιλανθρώπῳ τὴν πολυτελῆ καὶ σατραπικήν. ἡ μὲν γὰρ
ἀπὸ μικρᾶς δαπάνης πολλοὺς καθ´ ἡμέραν διέτρεφεν, ἡ
δ´ εἰς ὀλίγους τρυφῶντας ἀπὸ πολλῶν παρεσκευάζετο
χρημάτων. εἰ μὴ νὴ Δία τῶν πραγμάτων ἐποίει διαφορὰν
ὁ χρόνος· ἄδηλον γὰρ εἰ καὶ Κίμων ἀπὸ τῶν πράξεων
καὶ στρατηγιῶν εἰς ἀπόλεμον καὶ ἀπολίτευτον γῆρας
ἀφεὶς αὑτόν, ἔτι μᾶλλον ἂν ἐχρήσατο σοβαρᾷ καὶ πρὸς
ἡδονὴν ἀνειμένῃ διαίτῃ· καὶ γὰρ φιλοπότης καὶ πανηγυρικὸς
καὶ τὰ πρὸς γυναῖκας ὡς προείρηται διαβεβλημένος.
αἱ δὲ περὶ τὰς πράξεις καὶ τοὺς ἀγῶνας κατορθώσεις,
ἡδονὰς ἑτέρας ἔχουσαι, τῶν χειρόνων ἐπιθυμιῶν
ἀσχολίαν ποιοῦσι καὶ λήθην ταῖς πολιτικαῖς καὶ φιλοτίμοις
φύσεσιν. εἰ γοῦν καὶ Λεύκολλος ἐτελεύτησεν ἀγωνιζόμενος
καὶ στρατηγῶν, οὐδ´ ἂν ὁ ψογερώτατος καὶ
φιλομεμφότατος εὑρεῖν μοι δοκεῖ διαβολὴν ἐπ´ αὐτόν.
καὶ ταῦτα μὲν περὶ τῆς διαίτης.
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Traduction française :
[44] PARALLÈLE ENTRE CIMON ET LUCULLUS
1. On pourrait juger Lucullus heureux surtout à cause
de sa fin. Déjà le destin préparait la révolution, suite
des guerres civiles, quand il prit les devants par sa mort
et termina sa vie dans une patrie déjà atteinte, mais
encore libre. Et c'est le principal trait qu'il ait en commun
avec Cimon. Celui-ci mourut, en effet, quand la Grèce
n'était pas encore dans le désordre, et, au contraire, à
son apogée. Cependant il mourut à l'armée, général en
chef, sans avoir renoncé à rien, sans avoir perdu sa lucidité,
sans avoir fait du prix des armes, des commandements
et des trophées, une occasion de bonne chère et
de boisson. Il ne mérita pas la raillerie de Platon
à l'égard des disciples d'Orphée, qui affirment
que la récompense réservée dans l'Hadès aux gens de
bonne vie et moeurs est une ivresse éternelle. Le plaisir,
le calme, la conversation sur des sujets agréables ou
élevés sont la consolation qui convient le mieux à un
vieillard revenu des grandeurs de la guerre et de la politique.
Mais détourner le cours de ses belles actions vers
la volupté, dont on se fait un but, célébrer désormais des
fêtes d'Aphrodite en l'honneur de ses campagnes guerrières,
vivre dans le plaisir et le luxe, ce ne sont pas là
des pratiques dignes de la belle Académie, ni d'un disciple
de Xénocrate, mais d'un homme qui penche vers
Épicure. Ce qui est encore étonnant, c'est que la jeunesse
du premier paraît avoir été blâmable et déréglée; celle
de l'autre, instruite et sérieuse. Or mieux vaut la transformation
qui se fait dans le sens du mieux; car plus
vertueuse est la nature chez qui le vice décline, et la
vertu mûrit. En outre, étant pareillement riches, ils
n'employèrent pas pareillement leur richesse. Car il
ne serait pas juste d'assimiler au mur du sud de l'Acropole,
que l'on acheva grâce à l'argent rapporté par Cimon,
les appartements de Naples et les galeries qui avaient
vue de tous côtés sur la mer, bâties par Lucullus des
dépouilles barbares; ni de comparer à la table de Cimon
celle de Lucullus, la première démocratique et humaine,
la seconde magnifique et digne d'un satrape. Car l'une,
à peu de frais, nourrissait bien des gens chaque jour;
et l'autre, apprêtée pour un petit nombre de voluptueux,
coûtait beaucoup d'argent. A moins, évidemment, que
le temps ne fît la différence des attitudes; car on ne sait
pas si même Cimon, se laissant aller, après ses exploits
et ses campagnes, à une vieillesse dépourvue d'activité
guerrière ou politique, n'aurait pas mené une vie encore
plus scandaleuse et plus abandonnée au plaisir. En effet,
il aimait la boisson, les fêtes, et, comme je l'ai dit, sa
conduite envers les femmes a été fort attaquée. Mais les
succès dans l'action militaire et la lutte politique, comportant
un autre genre de plaisir, entraînent l'abstention
et l'oubli des passions mauvaises pour les tempéraments
d'hommes d'État et d'ambitieux. En tout cas, si Lucullus
était mort dans sa période de combats et de commandement,
même l'esprit le plus enclin au blâme et au dénigrement
n'aurait pas, il me semble, trouvé moyen de
l'attaquer. Voilà pour la vie privée.
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