Texte grec :
[13] (1) Ὅθεν οὐκ οἶδ´ ὅπως παρέστη Θεοπόμπῳ
λέγειν, αὐτὸν ἀβέβαιον τῷ τρόπῳ γεγονέναι καὶ
μήτε πράγμασι μήτ´ ἀνθρώποις πολὺν χρόνον τοῖς αὐτοῖς
ἐπιμένειν δυνάμενον. (2) φαίνεται γάρ, εἰς ἣν ἀπ´ ἀρχῆς τῶν
πραγμάτων μερίδα καὶ τάξιν αὑτὸν ἐν τῇ πολιτείᾳ κατέστησε,
ταύτην ἄχρι τέλους διαφυλάξας καὶ οὐ μόνον ἐν
τῷ βίῳ μὴ μεταβαλόμενος, ἀλλὰ καὶ τὸν βίον ἐπὶ τῷ μὴ
μεταβαλέσθαι προέμενος. (3) οὐ γάρ ὡς Δημάδης ἀπολογούμενος
τὴν ἐν τῇ πολιτείᾳ μεταβολὴν ἔλεγεν, αὑτῷ
μὲν αὐτὸς τἀναντία πολλάκις εἰρηκέναι, τῇ δὲ πόλει μηδέποτε,
καὶ Μελάνωπος ἀντιπολιτευόμενος Καλλιστράτῳ
καὶ πολλάκις ὑπ´ αὐτοῦ χρήμασι μετατιθέμενος εἰώθει
λέγειν πρὸς τὸν δῆμον "ὁ μὲν ἀνὴρ ἐχθρός, τὸ δὲ τῆς πόλεως
νικάτω συμφέρον," (4) Νικόδημος δ´ ὁ Μεσσήνιος Κασσάνδρῳ
προστιθέμενος πρότερον, εἶτ´ αὖθις ὑπὲρ Δημητρίου
πολιτευόμενος, οὐκ ἔφη τἀναντία λέγειν, ἀεὶ γὰρ εἶναι
συμφέρον ἀκροᾶσθαι τῶν κρατούντων, οὕτω καὶ περὶ
Δημοσθένους ἔχομεν εἰπεῖν οἷον ἐκτρεπομένου καὶ πλαγιάζοντος
ἢ φωνὴν ἢ πρᾶξιν, ἀλλ´ ὥσπερ ἀφ´ ἑνὸς καὶ ἀμεταβόλου
διαγράμματος τῆς πολιτείας ἕνα τόνον ἔχων ἐν τοῖς
πράγμασιν ἀεὶ διετέλεσε. (5) Παναίτιος δ´ ὁ φιλόσοφος
καὶ τῶν λόγων αὐτοῦ φησιν οὕτω γεγράφθαι τοὺς
πλείστους, ὡς μόνου τοῦ καλοῦ δι´ αὐτὸ αἱρετοῦ ὄντος,
τὸν περὶ τοῦ στεφάνου, τὸν κατ´ Ἀριστοκράτους, τὸν ὑπὲρ
τῶν ἀτελειῶν, τοὺς Φιλιππικούς· (6) ἐν οἷς πᾶσιν οὐ πρὸς
τὸ ἥδιστον ἢ ῥᾷστον ἢ λυσιτελέστατον ἄγει ποὺς πολίτας,
ἀλλὰ πολλαχοῦ τὴν ἀσφάλειαν καὶ τὴν σωτηρίαν οἴεται
δεῖν ἐν δευτέρᾳ τάξει τοῦ καλοῦ ποιεῖσθαι καὶ τοῦ πρέποντος,
ὡς εἴγε τῇ περὶ τὰς ὑποθέσεις αὐτοῦ φιλοτιμίᾳ
καὶ τῇ τῶν λόγων εὐγενείᾳ παρῆν ἀνδρεία τε πολεμιστήριος
καὶ τὸ καθαρῶς ἕκαστα πράττειν, οὐκ ἐν τῷ κατὰ
Μοιροκλέα καὶ Πολύευκτον καὶ Ὑπερείδην ἀριθμῷ τῶν
ῥητόρων, ἀλλ´ ἄνω μετὰ Κίμωνος καὶ Θουκυδίδου καὶ
Περικλέους ἄξιος ἦν τίθεσθαι.
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Traduction française :
[13] (1) Je ne sais donc sur quel fondement Théopompe avance que Démosthène
était d'un caractère inconstant et qu'il ne restait pas longtemps attaché aux
mêmes personnes et aux mêmes intérêts. (2) Il paraît au contraire que, jusqu'à
la fin, il resta fidèle au parti qu'il avait embrassé dès le commencement, et
que, loin d'avoir changé de principes dans le cours de sa vie, il la sacrifia
pour ne pas en changer. (3) Il n'eut pas à dire, comme Démade, pour justifier
ses variations dans le gouvernement, qu'il lui était souvent arrivé de démentir
par ses paroles ses premiers sentiments, mais qu'il n'avait jamais rien dit de
contraire au bien de la république. Mélanopus, qui, rival de Callistrate dans le
gouvernement, se laissait souvent gagner à prix d'argent par son adversaire,
avait coutume de dire au peuple: "Callistrate est toujours mon ennemi; mais il
faut aujourd'hui que l'intérêt public l'emporte." (4) Nicodème de Messène, qui
avait quitté le parti d'Antipater pour s'attacher à Démétrius, disait qu'en cela
il ne démentait point ses sentiments, parce qu'il avait toujours cru utile de se
soumettre à ceux qui étaient les plus forts. Mais c'est un reproche qu'on ne
saurait faire à Démosthène: jamais on ne le vit varier ou biaiser ni dans ses
paroles, ni dans ses actions; toujours ferme dans ses principes, il marcha
constamment sur la même ligne, et ne s'écarta jamais du plan de conduite qu'il
s'était tracé dans les affaires. (5) Le philosophe Panétius dit que la plupart
des discours de Démosthène sont fondés sur ce principe: que le beau mérite seul,
par lui-même, notre préférence; on le trouve établi dans sa harangue sur la
Couronne, dans ses oraisons contre Aristocratès et sur les Immunités; enfin dans
ses Philippiques. (6) Loin de mener ses concitoyens à ce qui leur eût été plus
facile, plus doux et plus utile, partout il leur enseigne que ce qui intéresse
la sûreté et le salut public ne doit venir qu'après ce qui est beau et honnête.
Si à la noble ambition dont il était animé dans sa conduite politique, si à la
grandeur d'âme qui éclatait dans ses discours il eût joint le courage militaire
et un entier désintéressement, on l'aurait mis, non seulement au nombre des
grands orateurs de son temps, tels que Moiroclès, Polyeucte et Hypéride, mais à
un rang beaucoup plus élevé, avec les Cimon, les Thucydide et les Périclès.
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