[23] (1) Αἱ δὲ πόλεις, πάλιν τοῦ Δημοσθένους ἀναρριπίζοντος
αὐτάς, συνίσταντο, καὶ Θηβαῖοι μὲν ἐπέθεντο τῇ
φρουρᾷ καὶ πολλοὺς ἀνεῖλον, ὅπλα τοῦ Δημοσθένους
αὐτοῖς συμπαρασκευάσαντος, Ἀθηναῖοι δ´ ὡς πολεμήσοντες
μετ´ αὐτῶν παρεσκευάζοντο, (2) καὶ τὸ βῆμα κατεῖχεν
ὁ Δημοσθένης, καὶ πρὸς τοὺς ἐν Ἀσίᾳ στρατηγοὺς τοῦ
βασιλέως ἔγραφε, τὸν ἐκεῖθεν ἐπεγείρων πόλεμον Ἀλεξάνδρῳ,
παῖδα καὶ Μαργίτην ἀποκαλῶν αὐτόν. ἐπεὶ μέντοι
τὰ περὶ τὴν χώραν θέμενος, παρῆν αὐτὸς μετὰ τῆς
δυνάμεως εἰς τὴν Βοιωτίαν, ἐξεκέκοπτο μὲν ἡ θρασύτης
τῶν Ἀθηναίων, καὶ ὁ Δημοσθένης ἀπεσβήκει, Θηβαῖοι
δὲ προδοθέντες ὑπ´ ἐκείνων ἠγωνίσαντο καθ´ αὑτοὺς καὶ
τὴν πόλιν ἀπέβαλον. (3) θορύβου δὲ μεγάλου τοὺς Ἀθηναίους
περιεστῶτος, ἀπεστάλη μὲν ὁ Δημοσθένης αἱρεθεὶς μεθ´
ἑτέρων πρεσβευτὴς πρὸς Ἀλέξανδρον, δείσας δὲ τὴν ὀργὴν
ἐκ τοῦ Κιθαιρῶνος ἀνεχώρησεν ὀπίσω καὶ τὴν πρεσβείαν
ἀφῆκεν. (4) εὐθὺς δ´ ὁ Ἀλέξανδρος ἐξῄτει πέμπων τῶν δημαγωγῶν
δέκα μὲν ὡς Ἰδομενεὺς καὶ Δοῦρις
εἰρήκασιν, ὀκτὼ δ´ ὡς οἱ πλεῖστοι καὶ
δοκιμώτατοι τῶν συγγραφέων, τούσδε· Δημοσθένην, Πολύευκτον,
Ἐφιάλτην, Λυκοῦργον, Μοιροκλέα, Δήμωνα,
Καλλισθένην, Χαρίδημον. (5) ὅτε καὶ τὸν περὶ τῶν προβάτων
λόγον ὁ Δημοσθένης, ἃ τοῖς λύκοις τοὺς κύνας ἐξέδωκε,
διηγησάμενος, αὑτὸν μὲν εἴκασε καὶ τοὺς σὺν αὑτῷ
κυσὶν ὑπὲρ τοῦ δήμου μαχομένοις, Ἀλέξανδρον δὲ τὸν
Μακεδόνα μονόλυκον προσηγόρευσεν. (6) ἔτι δ´ "ὥσπερ"
ἔφη "τοὺς ἐμπόρους ὁρῶμεν, ὅταν ἐν τρυβλίῳ δεῖγμα
περιφέρωσι, δι´ ὀλίγων πυρῶν τοὺς πολλοὺς πιπράσκοντας,
οὕτως ἐν ἡμῖν λανθάνετε πάντας αὑτοὺς συνεκδιδόντες."
ταῦτα μὲν οὖν Ἀριστόβουλος ὁ Κασσανδρεὺς
ἱστόρηκε. βουλευομένων δὲ τῶν Ἀθηναίων καὶ διαπορούντων,
ὁ Δημάδης λαβὼν πέντε τάλαντα
παρὰ τῶν ἀνδρῶν ὡμολόγησε πρεσβεύσειν καὶ δεήσεσθαι
τοῦ βασιλέως ὑπὲρ αὐτῶν, εἴτε τῇ φιλίᾳ πιστεύων, εἴτε
προσδοκῶν μεστὸν εὑρήσειν ὥσπερ λέοντα φόνου κεκορεσμένον.
ἔπεισε δ´ οὖν καὶ παρῃτήσατο τοὺς ἄνδρας ὁ
Φωκίων καὶ διήλλαξεν αὐτῷ τὴν πόλιν.
| [23] (1) Toutes les villes de la Grèce formèrent, à l'instigation de Démosthène,
une nouvelle ligue: les Thébains, à qui cet orateur avait fourni des armes,
attaquèrent la garnison qui occupait leur citadelle, et tuèrent une grande
partie des soldats. Les Athéniens se préparèrent à soutenir avec eux le poids de
cette guerre, (2) et Démosthène, qui ne quittait pas la tribune, écrivit en Asie
aux généraux du roi de Perse, pour les engager à déclarer la guerre à Alexandre,
qu'il appelait un enfant et un Margitès; mais après qu'Alexandre eut mis ordre
aux affaires de son royaume, et qu'il fut entré dans la Béotie à la tête d'une
armée, les Athéniens rabattirent beaucoup de leur fierté, et Démosthène perdit
sa véhémence ordinaire. Les Thébains, abandonnés par leurs alliés, et réduits à
se défendre seuls, virent leur ville entièrement détruite. (3) Cet événement
jeta parmi les Athéniens un si grand trouble, qu'ils prirent le parti d'envoyer
Démosthène vers Alexandre avec quelques autres ambassadeurs; mais cet orateur,
qui redoutait la colère de ce prince, se sépara de ses collègues quand il fut au
mont Cythéron, et abandonna l'ambassade. (4) Alexandre fait partir sur-le-champ
pour Athènes des députés chargés de demander qu'on lui livrât dix orateurs, à ce
que rapportent Idoménée et Duris; mais le plus grand nombre des historiens, et
les plus dignes de foi, n'en mettent que huit, Démosthène, Polyeucte, Éphialte,
Lycurgue, Myroclès, Démon, Callisthène et Charidème. (5) Ce fut alors que
Démosthène conta aux Athéniens l'apologue des brebis qui livrèrent leurs chiens
aux loups, dans lequel il se comparait, lui et les autres orateurs, à des chiens
fidèles qui combattaient pour le peuple; et le roi de Macédoine, à un loup
dévorant. (6) "Dans les marchés, leur dit-il encore, nous voyons les marchands
porter dans un vase une montre de leur blé, qui leur sert à vendre tout celui
qu'ils ont chez eux; de même en nous livrant vous vous livrez vous-même, sans
vous en douter." Tel est le récit d'Aristobule de Cassandrie. Les Athéniens,
ayant délibéré sur la demande d'Alexandre, ne savaient quel parti prendre,
lorsque Démade, s'étant fait donner cinq talents par les autres orateurs, se
chargea d'aller seul en ambassade auprès d'Alexandre, pour lui demander leur
grâce, soit qu'il comptât sur l'amitié de ce prince, soit qu'il espérât le
trouver rassasié de vengeance, comme un lion dont la faim s'est assouvie dans le
carnage. Il réussit en effet à l'apaiser, obtint le pardon des orateurs, et
réconcilia les Athéniens avec Alexandre.
|