[19] Ὁ δ' αὐτόθεν καταστάς "πρότερον μέν" ἔφη "τὴν περὶ τὰ
ὄμματα τύχην ἀνιαρῶς ἔφερον, ὦ Ῥωμαῖοι, νῦν δ' ἄχθομαι πρὸς
τῷ τυφλὸς εἶναι μὴ καὶ κωφὸς ὤν, ἀλλ' ἀκούων αἰσχρὰ
βουλεύματα καὶ δόγμαθ' ὑμῶν, ἀνατρέποντα τῆς Ῥώμης τὸ
κλέος. ποῦ γὰρ ὑμῶν ὁ πρὸς ἅπαντας ἀνθρώπους θρυλούμενος
ἀεὶ λόγος, ὡς εἰ παρῆν ἐκεῖνος εἰς Ἰταλίαν ὁ μέγας Ἀλέξανδρος
καὶ συνηνέχθη νέοις ἡμῖν καὶ τοῖς πατράσιν ἡμῶν ἀκμάζουσιν,
οὐκ ἂν ὑμνεῖτο νῦν ἀνίκητος, ἀλλ' ἢ φυγὼν ἂν ἤ που πεσὼν
ἐνταῦθα τὴν <3> Ῥώμην ἐνδοξοτέραν ἀπέλιπε; ταῦτα μέντοι
κενὴν ἀλαζονείαν καὶ κόμπον ἀποδείκνυτε, Χάονας καὶ
Μολοσσοὺς τὴν ἀεὶ Μακεδόνων λείαν δεδιότες, καὶ τρέμοντες
Πύρρον, ὃς τῶν Ἀλεξάνδρου δορυφόρων ἕνα γοῦν ἀεὶ περιέπων
καὶ θεραπεύων διατετέλεκε, καὶ νῦν οὐ βοηθῶν τοῖς ἐνταῦθα
μᾶλλον Ἕλλησιν ἢ φεύγων τοὺς ἐκεῖ πολεμίους πλανᾶται περὶ
τὴν Ἰταλίαν, ἐπαγγελλόμενος ἡμῖν τὴν ἡγεμονίαν ἀπὸ ταύτης
τῆς δυνάμεως, ἣ μέρος μικρὸν αὐτῷ Μακεδονίας οὐκ ἤρκεσε
διαφυλάξαι. μὴ τοῦτον οὖν ἀπαλλάξειν νομίζετε ποιησάμενοι
φίλον, ἀλλ' ἐκείνους ἐπάξεσθαι καταφρονήσαντας ὑμῶν ὡς
πᾶσιν εὐκατεργάστων, εἰ Πύρρος ἄπεισι μὴ δοὺς δίκην ὧν
ὕβρισεν, ἀλλὰ καὶ προσλαβὼν μισθὸν τὸ ἐπεγγελάσαι
Ῥωμαίοις Ταραντίνους καὶ Σαυνίτας." τοιαῦτα τοῦ Ἀππίου
διαλεχθέντος, ὁρμὴ παρέστη πρὸς τὸν πόλεμον αὐτοῖς, καὶ τὸν
Κινέαν ἀποπέμπουσιν ἀποκρινάμενοι, Πύρρον ἐξελθόντα τῆς
Ἰταλίας, οὕτως εἰ δέοιτο περὶ φιλίας καὶ συμμαχίας
διαλέγεσθαι, μέχρι δ' οὗ πάρεστιν ἐν ὅπλοις, πολεμήσειν αὐτῷ
Ῥωμαίους κατὰ κράτος, κἂν μυρίους ἔτι Λαιβίνους <6> τρέψηται
μαχόμενος. λέγεται δὲ Κινέαν, ἐν ᾧ ταῦτ' ἔπραττεν, ἅμα
ποιησάμενον ἔργον καὶ σπουδάσαντα τῶν τε βίων γενέσθαι
θεατὴν καὶ τῆς πολιτείας τὴν ἀρετὴν κατανοῆσαι, καὶ διὰ
λόγων ἐλθόντα τοῖς ἀρίστοις, τά τ' ἄλλα τῷ Πύρρῳ φράσαι καὶ
εἰπεῖν ὡς ἡ σύγκλητος αὐτῷ <7> βασιλέων πολλῶν συνέδριον
φανείη· περὶ δὲ τοῦ πλήθους δεδιέναι, μὴ πρός τινα φανῶσι
Λερναίαν ὕδραν μαχόμενοι· διπλασίους γὰρ ἤδη τῷ ὑπάτῳ τῶν
παρατεταγμένων πρότερον ἠθροῖσθαι, καὶ πολλάκις εἶναι
τοσούτους ἔτι τῶν Ῥωμαίων ὅπλα φέρειν δυναμένους.
| [19] Dès qu'Appius fut à sa place, il prit la parole. "Romains, dit-il, jusqu'à ce jour j'ai
souffert avec peine la perte de ma vue; maintenant je regrette de n'avoir pas aussi perdu
l'ouïe, pour ne pas entendre vos indignes résolutions, et ces décrets honteux qui vont flétrir
toute la gloire de Rome. Qu'est donc devenu ce langage si fier que vous teniez autrefois, et
qui a retenti par toute la terre? Vous disiez que si cet Alexandre le Grand était venu en
Italie lorsque nos pères étaient dans la force de l'âge, et nous dans la vigueur de la
jeunesse, on ne lui donnerait pas maintenant le titre d'invincible, et que sa fuite ou sa
mort aurait ajouté un nouvel éclat à la gloire de Rome. Vous faites bien voir
aujourd'hui que ce n'était là que les vaines bravades d'une arrogante présomption,
puisque vous craignez des Chaoniens et des Molosses, qui ont toujours été la proie
des Macédoniens que vous tremblez au nom de Pyrrhus, ce courtisan, ce flatteur
assidu d'un des satellites de ce même Alexandre. Il erre maintenant dans l'Italie,
moins pour secourir les Grecs qui s'y sont établis, que pour fuir les ennemis qu'il a
dans son royaume; et il vous offre de conquérir l'Italie avec une armée qui ne lui a
pas suffi pour conserver une petite partie de la Macédoine. N'allez pas croire qu'un
traité d'alliance vous délivrera de lui : vous attirerez au contraire sur vous ses
alliés, qui vous mépriseront, et vous croiront faciles à vaincre par le premier qui
vous attaquera, quand ils auront vu Pyrrhus se retirer de l'Italie sans avoir été puni
de son audace; que dis-je ? après avoir obtenu, pour prix de ses insultes, les
Tarentins et les Samnites. » XXIII. Le discours d'Appius réunit tous les sénateurs, qui,
ne respirant plus que la guerre, renvoyèrent Cinéas avec cette réponse : "Que
Pyrrhus sorte promptement de l'Italie; et qu'alors, s'il veut, il fasse des propositions
de paix : mais tant qu'il sera en armes sur nos terres, les Romains lui feront la guerre
de toutes leurs forces, eût-il battu dix mille Lévinus. » Cinéas, dit-on, pendant qu'il
négociait à Rome, mit le plus grand soin à s'instruire des usages des Romains, à
examiner leur manière de vivre, à connaître la forme de leur gouvernement, à
s'entretenir fréquemment avec les principaux citoyens; et en rendant compte à
Pyrrhus de tout ce qu'il avait vu et appris, il lui dit entre autres choses que le sénat
romain lui avait paru un consistoire de rois. Il ajouta qu'à la population qu'il avait
vue dans Rome, il craignait bien qu'ils n'eussent à combattre contre une hydre de
Lerne; qu'on avait déjà levé pour le consul Lévinus une armée double de celle qu'il
avait, et qu'il restait encore à Rome plusieurs fois autant d'hommes en âge de porter
les armes.
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