Texte grec :
[3] Αἰσχρὰ μὲν δὴ πάντα τὰ τῆς ψυχῆς νοσήματα
καὶ πάθη, τὸ δὲ γαῦρον ἐνίοις ὅμως καὶ ὑψηλὸν
καὶ διηρμένον ἔνεστιν ὑπὸ κουφότητος, δραστηρίου
δ´ ὁρμῆς οὐδὲν ὡς ἔπος εἰπεῖν ἀπεστέρηται.
ἀλλὰ τοῦτο δὴ τὸ κοινὸν ἔγκλημα παντὸς πάθους
ἐστίν, ὅτι ταῖς πρακτικαῖς ὁρμαῖς ἐκβιαζόμενα
κατεπείγει καὶ συντείνει τὸν λογισμόν. μόνος δ´
ὁ φόβος, οὐχ ἧττον ὢν τόλμης ἐνδεὴς ἢ λογισμοῦ,
ἄπρακτον ἔχει καὶ ἄπορον καὶ ἀμήχανον τὸ ἀλόγιστον.
ᾗ καὶ δεῖμα καὶ τάρβος αὐτοῦ τὸ συνδέον
ὁμοῦ τὴν ψυχὴν καὶ ταράττον ὠνόμασται.
Φόβων δὲ πάντων ἀπρακτότατος καὶ ἀπορώτατος
ὁ τῆς δεισιδαιμονίας. οὐ φοβεῖται θάλατταν ὁ μὴ
πλέων οὐδὲ πόλεμον ὁ μὴ στρατευόμενος, οὐδὲ
λῃστὰς ὁ οἰκουρῶν οὐδὲ συκοφάντην ὁ πένης οὐδὲ
φθόνον ὁ ἰδιώτης, οὐδὲ σεισμὸν ὁ ἐν Γαλάταις οὐδὲ
κεραυνὸν ὁ ἐν Αἰθίοψιν· ὁ δὲ θεοὺς δεδιὼς πάντα
δέδιε, γῆν θάλατταν ἀέρα οὐρανὸν σκότος φῶς
κληδόνα σιωπὴν ὄνειρον. οἱ δοῦλοι τῶν δεσποτῶν
ἐπιλανθάνονται καθεύδοντες, τοῖς πεδήταις ἐπελαφρύνει
τὸν δεσμὸν ὁ ὕπνος, φλεγμοναὶ περὶ τραύματα
καὶ νομαὶ σαρκὸς θηριώδεις καὶ περιωδυνίαι
κοιμωμένων ἀφίστανται·
ὦ φίλον ὕπνου θέλγητρον ἐπίκουρον νόσου,
ὡς ἡδύ μοι προσῆλθες ἐν δέοντί γε.
τοῦτ´ οὐ δίδωσιν εἰπεῖν ἡ δεισιδαιμονία (μόνη γὰρ
οὐ σπένδεται πρὸς τὸν ὕπνον, οὐδὲ τῇ ψυχῇ ποτε
γοῦν δίδωσιν ἀναπνεῦσαι καὶ ἀναθαρρῆσαι τὰς πικρὰς
καὶ βαρείας περὶ τοῦ θεοῦ δόξας ἀπωσαμένῃ),
ἀλλ´ ὥσπερ ἐν ἀσεβῶν χώρῳ τῷ ὕπνῳ τῶν δεισιδαιμόνων
εἴδωλα φρικώδη καὶ τεράστια φάσματα
καὶ ποινάς τινας ἐγείρουσα καὶ στροβοῦσα τὴν
ἀθλίαν ψυχὴν ἐκδιώκει τοῖς ὀνείροις ἐκ τῶν ὕπνων,
μαστιζομένην καὶ κολαζομένην αὐτὴν ὑφ´ αὑτῆς
ὡς ὑφ´ ἑτέρου, καὶ δεινὰ προστάγματα καὶ ἀλλόκοτα
λαμβάνουσαν. εἶτ´ ἐξαναστάντες οὐ κατεφρόνησαν
οὐδὲ κατεγέλασαν, οὐδ´ ᾔσθοντο ὅτι
τῶν ταραξάντων οὐδὲν ἦν ἀληθινόν, ἀλλὰ σκιὰν
φεύγοντες ἀπάτης οὐδὲν κακὸν ἐχούσης ὕπαρ
ἐξαπατῶσιν ἑαυτοὺς καὶ δαπανῶσι καὶ ταράττουσιν,
εἰς ἀγύρτας καὶ γόητας ἐμπεσόντες λέγοντας
ἀλλ´ εἴτ´ ἔνυπνον φάντασμα φοβῇ,
χθονίας θ´ Ἑκάτης κῶμον ἐδέξω,
τὴν περιμάκτριαν κάλει γραῦν καὶ βάπτισον σεαυτὸν
εἰς θάλατταν καὶ καθίσας ἐν τῇ γῇ διημέρευσον.
ὦ βάρβαρ´ ἐξευρόντες Ἕλληνες κακά
τῇ δεισιδαιμονίᾳ, πηλώσεις καταβορβορώσεις βαπτισμούς,
ῥίψεις ἐπὶ πρόσωπον, αἰσχρὰς προκαθίσεις,
ἀλλοκότους προσκυνήσεις. δικαίῳ τῷ
στόματι τοὺς κιθαρῳδοὺς ἐκέλευον ᾄδειν οἱ τὴν
νόμιμον μουσικὴν σῴζειν δοκοῦντες· ἡμεῖς δὲ τοῖς
θεοῖς ἀξιοῦμεν ὀρθῷ τῷ στόματι καὶ δικαίῳ προσεύχεσθαι,
καὶ μὴ τὴν ἐπὶ τῶν σπλάγχνων μὲν
γλῶτταν εἰ καθαρὰ καὶ ὀρθὴ σκοπεῖν, τὴν δ´ ἑαυτῶν
διαστρέφοντας καὶ μολύνοντας ἀτόποις ὀνόμασι
καὶ ῥήμασι βαρβαρικοῖς καταισχύνειν καὶ παρανομεῖν
τὸ θεῖον καὶ πάτριον ἀξίωμα τῆς εὐσεβείας.
Ἀλλ´ ὅ γε κωμικὸς οὐκ ἀηδῶς εἴρηκέ που
πρὸς τοὺς καταχρυσοῦντας τὰ κλινίδια καὶ καταργυροῦντας
ὅ τι μόνον ἡμῖν προῖκ´ ἔδωκαν οἱ θεοὶ
ὕπνον, τί τοῦτο πολυτελὲς σαυτῷ ποιεῖς;
ἔστι δὲ καὶ πρὸς τὸν δεισιδαίμονα εἰπεῖν, "ὅ τι τὸν
ὕπνον οἱ θεοὶ λήθην κακῶν ἔδοσαν ἡμῖν καὶ ἀνάπαυσιν,
τί τοῦτο κολαστήριον σαυτῷ ποιεῖς ἐπίμονον
καὶ ὀδυνηρόν, τῆς ἀθλίας ψυχῆς εἰς ἄλλον
ὕπνον ἀποδρᾶναι μὴ δυναμένης;" ὁ Ἡράκλειτός
φησι τοῖς ἐγρηγορόσιν ἕνα καὶ κοινὸν κόσμον εἶναι,
τῶν δὲ κοιμωμένων ἕκαστον εἰς ἴδιον ἀναστρέφεσθαι.
τῷ δὲ δεισιδαίμονι κοινὸς οὐδείς ἐστι
κόσμος· οὔτε γὰρ ἐγρηγορὼς τῷ φρονοῦντι χρῆται
οὔτε κοιμώμενος ἀπαλλάττεται τοῦ ταράττοντος,
ἀλλ´ ὀνειρώττει μὲν ὁ λογισμός, ἐγρήγορε δ´ ὁ
φόβος ἀεί, φυγὴ δ´ οὐκ ἔστιν οὐδὲ μετάστασις.
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Traduction française :
[3] Sans doute toutes les maladies de l'âme, toutes ses
passions sont honteuses ; mais pourtant quelques-unes
empruntent de leur légèreté même une sorte de fierté,
d'élévation, de hauteur ; et il n'en est, pour ainsi dire, aucune
qui soit privée d'un ressort qui la met en action. Il y a plus :
le commun reproche adressé à toutes les passions, c'est que
faisant acte de violence par leur énergique impétuosité, elles
refoulent et compriment la raison. Pour la crainte seule, il
en est autrement. Comme elle n'est pas moins dénuée
de réflexion que de confiance, à ce défaut de réflexion
elle ajoute l'inertie et l'impossibilité de trouver aucune
ressource, aucun expédient. C'est même pour cela qu'on
l'appelle encore, tantôt g-deima "lien", parce qu'elle
enchaîne l'âme, tantôt g-tarbos, parce qu'elle la trouble. Or
de toutes les craintes, celle qui enlève le plus toute initiative
et toute activité, c'est la superstition. On ne craint pas la mer
quand on ne navigue pas; la guerre, quand on n'est pas
soldat; les brigands, quand on reste chez soi; les dénonciations
calomnieuses, quand on est pauvre; la jalousie, quand
on n'est qu'un simple particulier; les tremblements de terre,
quand on est en Gaule; la foudre, lorsqu'on est en Éthiopie.
Mais le superstitieux a peur de tout : de la terre, des flots,
de l'air, du ciel, des ténèbres, de la lumière, du bruit, du
silence, des songes. Les esclaves, quand ils dorment, ne
songent plus à leurs maîtres; à ceux qui ont les fers aux
pieds le sommeil allége le poids des chaînes ; comme il
calme l'inflammation des blessures et les ravages douloureux
qu'elles exercent impitoyablement sur les corps :
"O sommeil bienfaisant, doux rêve du malade,
Que tu m'as soulagé bien à propos' !"
C'est là un remercîment que la superstition ne provoquera
jamais. Seule elle ne fait point de trêve avec le sommeil.
Elle ne permet jamais à un homme de respirer et de prendre
confiance en écartant les opinions amères et décourageantes
qu'il a conçues de la divinité. Le sommeil des superstitieux
rappelle le séjour habité dans les enfers par les impies:
il s'y dresse des visions qui font frissonner, des apparitions
monstrueuses, des châtiments d'une espèce particulière, qui
bouleversent la malheureuse âme, et l'arrachent violemment
au repos par ses songes mêmes. Elle se flagelle, se torture
par sa propre action, comme par l'action d'un autre, s'imposant
les prescriptions les plus étranges et les plus bizarres.
Puis quand les superstitieux sont réveillés, au lieu de dédaigner
ces objets de frayeur et d'en rire, au lieu de comprendre
qu'il n'y avait là rien de réel, au lieu de fuir une
ombre d'erreur tout à fait inoffensive, ils continuent à se
laisser abuser bien que ne dormant plus. Ils vont porter
leur argent et leurs frayeurs chez des charlatans, chez
des imposteurs entre les mains de qui ils se jettent, et qui
leur disent :
"Redoutez-vous un fantôme de songes?
Avec Hécate avez-vous banqueté?"
Faites venir la vieille sorcière qui purifie les gens en les
frottant de drogues; plongez-vous dans la mer; passez des
jours entiers assis par terre.
"Vous avez inventé de vrais maux de Barbares, O Grecs - - -"
Avec la superstition vous avez accrédité les immersions dans
la fange et dans la bourbe, les observations du sabbat, les
pratiques qui consistent à se jeter la face contre terre, à
s'accroupir honteusement, à professer des adorations étranges.
Ceux qui semblaient tenir à conserver la musique légitime
recommandaient aux joueurs de cithare, de « chanter d'une
bouche juste. » Mais nous demandons, nous autres, que l'on
adresse des prières aux dieux avec une bouche droite et
juste. N'examinons pas, en consultant l'intérieur de la
victime, si sa langue est pure et droite; occupons-nous de
ne pas torturer et salir la nôtre, de ne pas la déshonorer par
des noms et des mots barbares; ne renions pas nos dieux et la
dignité nationale de notre culte. Le poète comique dit
agréablement quelque part à ceux qui font argenter et dorer
leurs couchettes :
"Gratis nous est le somme accordé par les dieux;
A quoi bon te le rendre, ami, dispendieux?"
On peut aussi bien dire à celui qui est imbu de superstition :
«Les dieux nous ont donné le sommeil comme un oubli et un
relâche de nos maux : à quoi bon en faire pour toi un châtiment
continuel et douloureux, quand ta pauvre âme ne
peut pas aller se réfugier dans un autre sommeil ?» Héraclite
dit, que pour ceux qui sont éveillés il n'y a qu'un seul
monde commun à tous, mais que chaque dormeur est emporté
dans une sphère qui lui est propre. Pour le superstitieux
il n'y a même pas un monde commun. Éveillé, il
abdique l'usage de son intelligence; endormi, il n'est pas
débarrassé de ce qui le trouble. Son raisonnement a beau
sommeiller, sa crainte est là qui veille toujours, sans qu'il
puisse lui échapper ou lui donner le change.
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