Texte grec :
[28] Ὀνομάζω δὲ νῦν τιμάς, ἃς οἱ πολλοὶ κατ´ Ἐμπεδοκλέα
ᾗ θέμις οὐ καλέουσι, νόμῳ δ´ ἐπίφημι καὶ αὐτός·
ἐπεὶ τήν γ´ ἀληθινὴν τιμὴν καὶ χάριν ἱδρυμένην ἐν
εὐνοίᾳ καὶ διαθέσει τῶν μεμνημένων οὐχ ὑπερόψεται
πολιτικὸς ἀνήρ, οὐδέ γε δόξαν ἀτιμάσει
φεύγων τὸ "τοῖς πέλας ἁνδάνειν," ὡς ἠξίου Δημόκριτος.
οὐδὲ γὰρ κυνῶν ἀσπασμὸς οὐδ´ ἵππων
εὔνοια θηραταῖς καὶ ἱπποτρόφοις ἀπόβλητον, ἀλλὰ
καὶ χρήσιμον καὶ ἡδὺ συντρόφοις καὶ συνήθεσι ζῴοις
τοιαύτην ἐνεργάσασθαι διάθεσιν πρὸς αὑτόν, οἵαν ὁ
Λυσιμάχου κύων ἐπεδείκνυτο καὶ τῶν Ἀχιλλέως
ἵππων ὁ ποιητὴς διηγεῖται περὶ τὸν Πάτροκλον·
οἶμαι δ´ ἂν καὶ τὰς μελίττας ἀπαλλάττειν βέλτιον,
εἰ τοὺς τρέφοντας καὶ θεραπεύοντας ἀσπάζεσθαι καὶ
προσίεσθαι μᾶλλον ἢ κεντεῖν καὶ χαλεπαίνειν ἐβούλοντο·
νυνὶ δὲ ταύτας μὲν καπνῷ κολάζουσιν,
ἵππους δ´ ὑβριστὰς καὶ κύνας ἀποστάτας κλοιοῖς
καὶ χαλινοῖς ἄγουσιν ἠναγκασμένους· ἄνθρωπον δ´
ἀνθρώπῳ χειροήθη καὶ πρᾶον ἑκουσίως οὐδὲν ἀλλ´
ἢ πίστις εὐνοίας καὶ καλοκαγαθίας δόξα καὶ δικαιοσύνης
παρίστησιν. ᾗ καὶ Δημοσθένης ὀρθῶς
μέγιστον ἀποφαίνεται πρὸς τοὺς τυράννους φυλακτήριον
ἀπιστίαν ταῖς πόλεσι· τοῦτο γὰρ μάλιστα
τῆς ψυχῆς τὸ μέρος, ᾧ πιστεύομεν, ἁλώσιμόν ἐστιν.
ὥσπερ οὖν τῆς Κασάνδρας ἀδοξούσης ἀνόνητος ἦν
ἡ μαντικὴ τοῖς πολίταις
"ἄκραντα γάρ με" φησίν "ἔθηκε θεσπίζειν θεός,
καὶ πρὸς παθόντων κἀν κακοῖσι κειμένων
σοφὴ κέκλημαι, πρὶν παθεῖν δέ ’μαίνομαι,‘"
οὕτως ἡ πρὸς Ἀρχύταν πίστις καὶ πρὸς Βάττον εὔνοια
τῶν πολιτῶν μεγάλα τοὺς χρωμένους αὐτοῖς
διὰ τὴν δόξαν ὠφέλησε. καὶ τοῦτο μὲν πρῶτον
καὶ μέγιστον ἔνεστι τῇ δόξῃ τῇ τῶν πολιτικῶν
ἀγαθόν, ἡ πάροδον ἐπὶ τὰς πράξεις διδοῦσα πίστις·
δεύτερον δ´ ὅτι πρὸς τοὺς βασκάνους καὶ πονηροὺς
ὅπλον ἡ παρὰ τῶν πολλῶν εὔνοια τοῖς ἀγαθοῖς ἐστιν
ὡς ὅτε μήτηρ
παιδὸς ἐέργει μυῖαν, ὅθ´ ἡδέι λέξεται ὕπνῳ,
ἀπερύκουσα τὸν φθόνον καὶ πρὸς τὰς δυνάμεις
ἐπανισοῦσα τὸν ἀγεννῆ τοῖς εὐπατρίδαις καὶ τὸν
πένητα τοῖς πλουσίοις καὶ τὸν ἰδιώτην τοῖς ἄρχουσι·
καὶ ὅλως, ὅταν ἀλήθεια καὶ ἀρετὴ προσγένηται,
φορόν ἐστι πνεῦμα καὶ βέβαιον ἐπὶ τὴν πολιτείαν.
σκόπει δὲ τὴν ἐναντίαν καταμανθάνων διάθεσιν ἐν
τοῖς παραδείγμασι. τοὺς μὲν γὰρ Διονυσίου παῖδας
καὶ τὴν γυναῖκα καταπορνεύσαντες οἱ περὶ τὴν
Ἰταλίαν ἀνεῖλον, εἶτα καύσαντες τὰ σώματα τὴν
τέφραν κατέσπειραν ἐκ πλοίου κατὰ τῆς θαλάττης.
Μενάνδρου δέ τινος ἐν Βάκτροις ἐπιεικῶς βασιλεύσαντος
εἶτ´ ἀποθανόντος ἐπὶ στρατοπέδου, τὴν
μὲν ἄλλην ἐποιήσαντο κηδείαν κατὰ τὸ κοινὸν αἱ
πόλεις, περὶ δὲ τῶν λειψάνων αὐτοῦ καταστάντες
εἰς ἀγῶνα μόλις συνέβησαν, ὥστε νειμάμενοι μέρος
ἴσον τῆς τέφρας ἀπελθεῖν, καὶ γενέσθαι μνημεῖα
παρὰ πᾶσι τοῦ ἀνδρός. αὖθις δ´ Ἀκραγαντῖνοι μὲν
ἀπαλλαγέντες Φαλάριδος ἐψηφίσαντο μηδένα φορεῖν
ἱμάτιον γλαύκινον· οἱ γὰρ ὑπηρέται τοῦ τυράννου
γλαυκίνοις ἐχρῶντο περιζώμασι. Πέρσαι δ´, ὅτι
γρυπὸς ἦν ὁ Κῦρος, ἔτι καὶ νῦν ἐρῶσι τῶν γρυπῶν
καὶ καλλίστους ὑπολαμβάνουσιν.
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Traduction française :
[28] J'applique ici le mot "honneur", parce que c'est
celui dont on se sert communément, et je dis avec Empédocle :
"Tout impropre qu'il est, moi-même je l'emploie" ;
mais les honneurs véritables, les honneurs fondés sur la
reconnaissance et sur l'amour d'un peuple qui a la mémoire
du coeur, ceux-là ne seront point dédaignés par
l'homme d'État. Il ne méprisera pas non plus la gloire,
ni ne fuira, comme le voulait Démocrite, l'occasion de plaire
à ses voisins. Les caresses de leurs chiens, l'attachement de
leurs chevaux ne sont pas des démonstrations que repoussent
les chasseurs et les écuyers; elles leur sont même utiles et
agréables. Il est doux d'inspirer à des animaux avec lesquels
on a vécu, auxquels on s'est habitué, une tendresse
comme celle que témoigna le chien de Lysimaque, comme
celle que le poète prête aux coursiers d'Achille affligés de la
mort de Patrocle.
Je crois également que les abeilles gagneraient au change
si elles voulaient caresser et laisser approcher d'elles ceux
qui les nourrissent et les soignent, au lieu de les piquer et
de les irriter. Qu'arrive-t-il? On emploie la fumée pour
avoir raison d'elles. Que des chevaux soient fougueux, des
chiens, disposés à fuir, on a le mors, on a le collier de
force pour les conduire et les maîtriser. Mais savez-vous
ce qui rend par-dessus tout l'homme docile à l'homme,
ce qui le rend doux et bien disposé? C'est la confiance qu'il
a dans l'affection qu'on lui porte, c'est l'opinion par lui
prise de la bonté et de la justice de ceux qui s'occupent de
lui. Aussi Démosthène a-t-il raison de déclarer que rien ne
garantit mieux les villes contre des tyrans que le soin qu'elles
ont de se tenir sur leurs gardes. C'est par l'endroit de l'âme
où réside la confiance que nous sommes surtout faciles
à prendre. De même que Cassandre était frappée de discrédit
et que ses prédictions ne pouvaient être utiles à ses
concitoyens :
"En vain d'un dieu je tiens le don de prescience :
Si le peuple gémit, s'il est dans la souffrance,
On me proclame habile, et quand les maux sont loin,
Cassandre est une folle ...",
de même la confiance qu'on eut dans Archytas, le dévouement
qu'inspira Battus, contribuèrent grandement au
bonheur de leurs concitoyens, à qui une semblable conviction
fut des plus utiles. Le premier et le plus grand bien qui
pour des hommes d'État résulte de leur réputation, c'est la
confiance qu'ils ont inspirée : car elle leur ouvre une large
voie à tout ce qu'ils veulent entreprendre. Le second bien,
c'est qu'ils trouvent une armure contre l'envie et la malignité
dans l'attachement dont le peuple entoure les magistrats
devoués, attachement comparable à celui que montre
"Une mère attentive, écartant de la couche
Où repose son fils une importune mouche".
Ainsi la bienveillance publique fait justice de l'envie. Par
les pouvoirs qu'elle confère elle égale l'homme sans naissance
aux patriciens, le pauvre au riche, le simple particulier
au dépositaire du pouvoir. Enfin, toutes les fois que la
sincérité et la vertu s'y trouvent jointes cette bienveillance
est comme un souffle qui porte et soutient les hommes d'État.
Voyez les effets que produisent dans l'esprit des peuples
les dispositions contraires, et soyez convaincu par des
exemples. Les enfants et la femme de Denys étant venus
sur le sol de l'Italie, furent victimes des plus licencieuses
brutalités; puis on les tua, on brûla leurs cadavres, et la cendre
en fut dispersée d'une barque dans la mer. Au contraire
un certain Ménandre ayant régné en Bactriane avec beaucoup
de modération et ensuite étant mort dans une expédition
militaire, les villes ne se contentèrent pas de lui rendre
en commun les autres honneurs funèbres : un combat s'éleva
encore au sujet de ses restes. On eut tant de peine à
être d'accord, que l'on se sépara en emportant par portions
égales les cendres du roi , et autant de monuments lui
furent consacrés que la région comptait de villes. Autre
exemple. Les Agrigentins débarrassés de Phalaris défendirent
par un décret que personne portât un manteau bleu,
parce que les satellites du tyran avaient eu des écharpes
bleues. Enfin les Perses, parce que Cyrus avait un nez aquilin,
ont encore aujourd'hui une passion pour les nez aquilins
et les regardent comme les plus beaux.
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