Texte grec :
[26] Ὅπου μέντοι μέγα δεῖ τι περανθῆναι καὶ
χρήσιμον ἀγῶνος δὲ πολλοῦ καὶ σπουδῆς δεόμενον,
ἐνταῦθα πειρῶ τῶν φίλων αἱρεῖσθαι τοὺς κρατίστους
ἢ τῶν κρατίστων τοὺς πραοτάτους· ἥκιστα
γὰρ ἀντιπράξουσιν οὗτοι καὶ μάλιστα συνεργήσουσι,
τὸ φρονεῖν ἄνευ τοῦ φιλονεικεῖν ἔχοντες. οὐ μὴν
ἀλλὰ καὶ τῆς ἑαυτοῦ φύσεως ἔμπειρον ὄντα δεῖ
πρὸς ὃ χείρων ἑτέρου πέφυκας αἱρεῖσθαι τοὺς
μᾶλλον δυναμένους ἀντὶ τῶν ὁμοίων, ὡς ὁ Διομήδης
ἐπὶ τὴν κατασκοπὴν μεθ´ ἑαυτοῦ τὸν φρόνιμον
εἵλετο, τοὺς ἀνδρείους παρελθών. καὶ γὰρ αἱ
πράξεις μᾶλλον ἰσορροποῦσι καὶ τὸ φιλόνεικον οὐκ
ἐγγίγνεται πρὸς ἀλλήλους τοῖς ἀφ´ ἑτέρων ἀρετῶν
καὶ δυνάμεων φιλοτιμουμένοις. λάμβανε δὴ καὶ
δίκης συνεργὸν καὶ πρεσβείας κοινωνόν, ἂν λέγειν
μὴ δυνατὸς ᾖς, τὸν ῥητορικόν, ὡς Πελοπίδας
Ἐπαμεινώνδαν· κἂν ᾖς ἀπίθανος πρὸς ὁμολίαν τῷ
πλήθει καὶ ὑψηλός, ὡς Καλλικρατίδας, τὸν εὔχαριν
καὶ θεραπευτικόν· κἂν ἀσθενὴς καὶ δύσεργος τὸ
σῶμα, τὸν φιλόπονον καὶ ῥωμαλέον, ὡς Νικίας
Λάμαχον. οὕτω γὰρ ἂν ἦν ὁ Γηρυόνης ζηλωτὸς
ἔχων σκέλη πολλὰ καὶ χεῖρας καὶ ὀφθαλμούς, εἰ
πάντα μιᾷ ψυχῇ διῴκει. τοῖς δὲ πολιτικοῖς
ἔξεστι μὴ σώματα μηδὲ χρήματα μόνον, ἀλλὰ καὶ
τύχας καὶ δυνάμεις καὶ ἀρετάς, ἂν ὁμονοῶσιν, εἰς
μίαν χρείαν συντιθέντας εὐδοκιμεῖν μᾶλλον ἄλλου
περὶ τὴν αὐτὴν πρᾶξιν· οὐχ ὥσπερ οἱ Ἀργοναῦται
τὸν Ἡρακλέα καταλιπόντες ἠναγκάζοντο διὰ τῆς
γυναικωνίτιδος κατᾳδόμενοι καὶ φαρμακευόμενοι:
σῴζειν ἑαυτοὺς καὶ κλέπτειν τὸ νάκος.
Χρυσὸν μὲν εἰς ἔνια τῶν ἱερῶν εἰσιόντες ἔξω
καταλείπουσι, σίδηρον δ´ ὡς ἁπλῶς εἰπεῖν εἰς
οὐδὲν συνεισφέρουσιν. ἐπεὶ δὲ κοινόν ἐστιν ἱερὸν
τὸ βῆμα Βουλαίου τε Διὸς καὶ Πολιέως καὶ
Θέμιδος καὶ Δίκης, αὐτόθεν μὲν ἤδη φιλοπλουτίαν
καὶ φιλοχρηματίαν, ὥσπερ σίδηρον μεστὸν ἰοῦ
καὶ νόσημα τῆς ψυχῆς, ἀποδυσάμενος εἰς ἀγορὰς
καπήλων ἢ δανειστῶν ἀπόρριψον,
αὐτὸς δ´ ἀπονόσφι τραπέσθαι
τὸν ἀπὸ δημοσίων χρηματιζόμενον ἡγούμενος ἀφ´
ἱερῶν κλέπτειν, ἀπὸ τάφων, ἀπὸ φίλων, ἐκ προδοσίας,
ἀπὸ ψευδομαρτυρίας, σύμβουλον ἄπιστον
εἶναι, δικαστὴν ἐπίορκον, ἄρχοντα δωροδόκον, οὐδεμιᾶς
ἁπλῶς καθαρὸν ἀδικίας. ὅθεν οὐ δεῖ πολλὰ
περὶ τούτων λέγειν.
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Traduction française :
[26] Quand il s'agira de mener à bonne fin quelque projet
considérable et utile, mais demandant beaucoup de luttes
et de travaux sérieux, tâchez alors de réunir ceux de vos
amis qui ont le plus d'autorité, et dans ce nombre, les plus
conciliants. Ils vous opposeront moins de résistance et vous
seconderont mieux, parce qu'ils mettront leurs conseils à
votre service sans éprouver le désir de faire triompher leur
opinion. Mais il faut aussi qu'un administrateur connaisse
l'étendue de ses facultés naturelles, qu'il sache à quoi il est
moins propre qu'un autre, et qu'il choisisse pour coopérateurs
ceux qui sont plus capables que lui et non pas ceux
qui lui ressemblent. Par exemple nous voyons Diomède
allant à la découverte, prendre avec lui le plus prudent des
Grecs et ne s'inquiéter pas des hommes courageux. Ainsi
les actes se trouvent mieux contre-balancés, et la jalousie ne
se glisse pas entre gens que l'honneur dirige, parce que des vertus
et des facultés qui ne sont pas les mêmes ont pu être utilisées.
S'agit-il de vous faire assister dans une cause ou accompagner
dans une ambassade; choisissez, si vous êtes privé
du talent de la parole, un homme éloquent, comme Pélopidas
prenait Epaminondas. Si vous n'avez pas le don
d'agir par la persuasion sur la multitude et que vous péchiez
par trop de hauteur, comme Callicratidas, adressez-vous
à un ami dont le langage soit gracieux et flatte le
peuple. Si vous êtes faible de corps et peu apte aux travaux
pénibles, choisissez un auxiliaire laborieux et robuste,
comme Nicias avait choisi Lamachus : car le sort de Géryon
qui possédait plusieurs jambes, plusieurs bras, plusieurs
yeux, ne saurait être digne d'envie qu'à la condition
que tout cela fût dirigé par une seule âme. Or un homme
peut faire servir à l'utilité publique non seulement les
corps et les fortunes, mais encore les succès, les talents et
les vertus des autres, s'il sait entretenir la concorde, et
ainsi il réussira mieux dans une même entreprise qu'un
autre qui serait plus habile. C'est ce que ne comprirent
pas les Argonautes qui, ayant abandonné Hercule, furent
obligés de recourir aux enchantements et aux sorcelleries
d'une femme pour se sauver eux-mêmes et dérober la fameuse toison.
L'or que l'on porte sur soi doit être laissé à la porte de
certains temples lorsqu'on y pénètre. Quant au fer,
déclarons-le formellement, il n'entre dans aucun lieu sacré.
Eh bien, puisque la tribune est un temple commun à Jupiter
président des assemblées et protecteur des villes, commun
également à Thémis et à l'Équité, il faut en bannir incontinent,
comme si c'était du fer, l'avarice et l'amour des
richesses, véritables maladies, véritable rouille. Purifions-en
nos âmes, et reléguons ces vices dans les marchés où se
trouvent réunis les cabaretiers et les agioteurs :
"Tenons-nous écartés d'un pareil voisinage".
Celui qui s'enrichit des deniers publics doit être regardé
comme aussi coupable que s'il volait dans les temples, sur
les tombeaux, dans la bourse de ses amis, que s'il devait
cet argent à une trahison, à un faux témoignage. En un tel
homme il faut voir un conseiller déloyal, un juge parjure,
un magistrat vénal, un misérable enfin qui n'est pur d'aucune
injustice. Par conséquent il n'est pas nécessaire de
longuement s'étendre sur un pareil sujet.
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