Texte grec :
[19] Ποιοῦντα μέντοι καὶ παρέχοντα τοῖς κρατοῦσιν
εὐπειθῆ τὴν πατρίδα δεῖ μὴ προσεκταπεινοῦν,
μηδὲ τοῦ σκέλους δεδεμένου προσυποβάλλειν
καὶ τὸν τράχηλον, ὥσπερ ἔνιοι, καὶ μικρὰ καὶ
μείζω φέροντες ἐπὶ τοὺς ἡγεμόνας ἐξονειδίζουσι
τὴν δουλείαν, μᾶλλον δ´ ὅλως τὴν πολιτείαν ἀναιροῦσι,
καταπλῆγα καὶ περιδεᾶ καὶ πάντων ἄκυρον
ποιοῦντες. ὥσπερ γὰρ οἱ χωρὶς ἰατροῦ μήτε
δειπνεῖν μήτε λούεσθαι συνεθισθέντες οὐδ´ ὅσον ἡ
φύσις δίδωσι χρῶνται τῷ ὑγιαίνειν, οὕτως οἱ παντὶ
δόγματι καὶ συνεδρίῳ καὶ χάριτι καὶ διοικήσει
. προσάγοντες ἡγεμονικὴν κρίσιν ἀναγκάζουσιν ἑαυτῶν
μᾶλλον ἢ βούλονται δεσπότας εἶναι τοὺς
ἡγουμένους. αἰτία δὲ τούτου μάλιστα πλεονεξία καὶ
φιλονεικία τῶν πρώτων· ἢ γὰρ ἐν οἷς βλάπτουσι
τοὺς ἐλάττονας ἐκβιάζονται φεύγειν τὴν πόλιν ἢ
περὶ ὧν διαφέρονται πρὸς ἀλλήλους οὐκ ἀξιοῦντες
ἐν τοῖς πολίταις ἔχειν ἔλαττον ἐπάγονται τοὺς
κρείττονας· ἐκ τούτου δὲ καὶ βουλὴ καὶ δῆμος καὶ
δικαστήρια καὶ ἀρχὴ πᾶσα τὴν ἐξουσίαν ἀπόλλυσι.
δεῖ δὲ τοὺς μὲν ἰδιώτας ἰσότητι, τοὺς δὲ δυνατοὺς
ἀνθυπείξει πραΰνοντα κατέχειν ἐν τῇ πολιτείᾳ καὶ
διαλύειν τὰ πράγματα, πολιτικήν τινα ποιούμενον
αὐτῶν ὥσπερ νοσημάτων ἀπόρρητον ἰατρείαν,
αὐτόν τε μᾶλλον ἡττᾶσθαι βουλόμενον ἐν τοῖς
πολίταις ἢ νικᾶν ὕβρει καὶ καταλύσει τῶν οἴκοι
δικαίων, τῶν τ´ ἄλλων ἑκάστου δεόμενον καὶ διδάσκοντα
τὴν φιλονεικίαν ὅσον ἐστὶ κακόν· νῦν δ´
ὅπως μὴ πολίταις καὶ φυλέταις οἴκοι καὶ γείτοσι
καὶ συνάρχουσιν ἀνθυπείξωσι μετὰ τιμῆς καὶ
χάριτος, ἐπὶ ῥητόρων θύρας καὶ πραγματικῶν
χεῖρας ἐκφέρουσι σὺν πολλῇ βλάβῃ καὶ αἰσχύνῃ
τὰς διαφοράς. οἱ μὲν γὰρ ἰατροὶ τῶν νοσημάτων
ὅσα μὴ δύνανται παντάπασιν ἀνελεῖν ἔξω τρέπουσιν
εἰς τὴν ἐπιφάνειαν τοῦ σώματος· ὁ δὲ πολιτικός, ἂν
μὴ δύνηται τὴν πόλιν ἀπράγμονα παντελῶς διαφυλάττειν,
ἐν αὐτῇ γε πειράσεται τὸ ταρασσόμενον
αὐτῆς καὶ στασιάζον ἀποκρύπτων ἰᾶσθαι καὶ
διοικεῖν, ὡς ἂν ἥκιστα τῶν ἐκτὸς ἰατρῶν καὶ
φαρμάκων δέοιτο. ἡ μὲν γὰρ προαίρεσις ἔστω
τοῦ πολιτικοῦ τῆς ἀσφαλείας ἐχομένη καὶ φεύγουσα
τὸ ταρακτικὸν τῆς κενῆς δόξης καὶ μανικόν,
ὡς εἴρηται· τῇ μέντοι διαθέσει φρόνημα καὶ
μένος πολυθαρσὲς ἐνέστω
ἄτρομον, οἷόν τ´ ἄνδρας ἐσέρχεται, οἳ περὶ πάτρης
ἀνδράσι δυσμενέεσσι
καὶ πράγμασι δυσκόλοις καὶ καιροῖς ἀντερείδουσι
καὶ διαμάχονται. δεῖ γὰρ οὐ ποιεῖν χειμῶνας
αὐτὸν ἀλλὰ μὴ προλείπειν ἐπιπεσόντων, οὐδὲ
κινεῖν τὴν πόλιν ἐπισφαλῶς, σφαλλομένῃ δὲ καὶ
κινδυνευούσῃ βοηθεῖν, ὥσπερ ἄγκυραν ἱερὰν ἀράμενον
ἐξ αὐτοῦ τὴν παρρησίαν ἐπὶ τοῖς μεγίστοις·
οἷα Περγαμηνοὺς ἐπὶ Νέρωνος κατέλαβε πράγματα,
καὶ Ῥοδίους ἔναγχος ἐπὶ Δομετιανοῦ, καὶ Θεσσαλοὺς
πρότερον ἐπὶ τοῦ Σεβαστοῦ Πετραῖον
ζῶντα κατακαύσαντας.
ἔνθ´ οὐκ ἂν βρίζοντα ἴδοις
οὐδὲ καταπτώσσοντα τὸν ἀληθῶς πολιτικὸν οὐδ´
αἰτιώμενον ἑτέρους αὑτὸν δὲ τῶν δεινῶν ἔξω
τιθέμενον, ἀλλὰ καὶ πρεσβεύοντα καὶ πλέοντα καὶ
λέγοντα πρῶτον οὐ μόνον
ἥκομεν οἱ κτείναντες, ἀπότρεπε λοιγόν, Ἄπολλον,
ἀλλά, κἂν τῆς ἁμαρτίας μὴ μετάσχῃ τοῖς πολλοῖς,
τοὺς κινδύνους ὑπὲρ αὐτῶν ἀναδεχόμενον. καὶ γὰρ
καλὸν τοῦτο καὶ πρὸς τῷ καλῷ πολλάκις ἑνὸς
ἀνδρὸς ἀρετὴ καὶ φρόνημα θαυμασθὲν ἠμαύρωσε
τὴν πρὸς πάντας ὀργὴν καὶ διεσκέδασε τὸ φοβερὸν
καὶ πικρὸν τῆς ἀπειλῆς· οἷα καὶ πρὸς Βοῦλιν ἔοικε
καὶ Σπέρχιν τοὺς Σπαρτιάτας παθεῖν ὁ Πέρσης,
καὶ πρὸς Σθέννωνα Πομπήιος ἔπαθεν, ὅτε, Μαμερτίνους
μέλλοντος αὐτοῦ κολάζειν διὰ τὴν ἀπόστασιν,
οὐκ ἔφη δίκαια πράξειν αὐτὸν ὁ Σθέννων, εἰ
πολλοὺς ἀναιτίους ἀπολεῖ δι´ ἕνα τὸν αἴτιον· ὁ γὰρ
ἀποστήσας τὴν πόλιν αὐτὸς εἶναι τοὺς μὲν φίλους
πείσας τοὺς δ´ ἐχθροὺς βιασάμενος. οὕτω ταῦτα
διέθηκε τὸν Πομπήιον, ὥστε καὶ τὴν πόλιν ἀφεῖναι
καὶ τῷ Σθέννωνι χρήσασθαι φιλανθρώπως.
ὁ δὲ Σύλλα ξένος ὁμοίᾳ μὲν ἀρετῇ πρὸς οὐχ ὁμοίαν
δὲ χρησάμενος εὐγενῶς ἐτελεύτησεν· ἐπεὶ γὰρ
ἑλὼν Πραινεστὸν ὁ Σύλλας ἔμελλε τοὺς ἄλλους
ἅπαντας ἀποσφάττειν ἕνα δ´ ἐκεῖνον ἠφίει διὰ τὴν
ξενίαν, εἰπὼν ὡς οὐ βούλεται σωτηρίας χάριν
εἰδέναι τῷ φονεῖ τῆς πατρίδος, ἀνέμιξεν ἑαυτὸν
καὶ συγκατεκόπη τοῖς πολίταις. τοιούτους μὲν
οὖν καιροὺς ἀπεύχεσθαι δεῖ καὶ τὰ βελτίονα προσδοκᾶν.
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Traduction française :
[19] Toutefois l'homme d'État, en même temps qu'il aura
rendu et qu'il maintiendra sa patrie fidèle au prince, n'ira
pas contribuer à la rabaisser davantage. La jambe étant
déjà prise, il n'ira pas encore lui mettre la chaîne au cou,
comme font quelques-uns, qui défèrent au souverain les
petites affaires non moins assidûment que les grandes. Ces
gens-là déshonorent la subordination, ou plutôt ils privent
leur patrie de toute forme de gouvernement en la rendant
pusillanime, tremblante et incapable de la moindre initiative.
En effet, comme ceux qui se sont habitués à ne pas
souper, à ne pas se baigner sans l'autorisation du médecin,
ne jouissent même pas de toute la santé que leur donne la
nature; de même les gouverneurs qui pour chaque décision
et chaque arrêt, quand il s'agit d'accorder une faveur ou de
prendre une mesure administrative, font intervenir l'autorité
souveraine, contraignent le prince à devenir plus maître
qu'il ne voudrait lui-même.
La principale cause d'un tel abus, c'est l'avidité et l'arrogance
des premiers citoyens. Ou bien ils accablent leurs
subordonnés, et ils veulent à tout prix échapper au contrôle
de la ville; ou bien ils sont rivaux entre eux, et plutôt que
de se résigner à un rôle secondaire dans leur cité, ils ont
recours à ceux qui ont le pouvoir souverain : dès lors, le
sénat, le peuple, les tribunaux, toutes les magistratures
perdent leur autorité. Il faut donc, en adoucissant les simples
particuliers par son équité et les chefs du pouvoir par
sa déférence, s'assurer l'administration et la décision des
affaires. L'homme d'État se regardera comme un médecin
appelé à soigner secrètement un malade. Il aimera mieux
céder à ses concitoyens que de les dominer en les avilissant
et en faisant disparaître toute équité dans sa ville. Il prêchera
cette doctrine à ses compétiteurs en leur faisant voir
le danger des dissensions. Aujourd'hui l'on est tellement
jaloux de ses concitoyens, de ceux de sa tribu, de ses voisins,
de ses collègues, qu'on ne voudrait pas faire la moindre
concession. On ne sait plus ce que c'est que la déférence
ou le désir d'être agréable. On assiége la porte des avocats
et des gens d'affaires, et l'on remet entre leurs mains les
débats et les différends de la ville. C'est là une conduite
aussi nuisible que honteuse. Les médecins, quand ils ne
peuvent pas absolument guérir une maladie, l'attirent à la
surface du corps. Un administrateur doit agir à l'inverse.
Lorsqu'il se sentira incapable de maintenir entièrement sa
ville exempte d'embarras, il tâchera de concentrer à l'intérieur
les troubles et les dissensions; il les guérira par ses
ménagements, de manière à n'avoir que le moins possible
besoin de médecins et de remèdes étrangers.
La préoccupation constante d'un homme d'État doit être
de procéder avec infaillibilité dans les affaires. Il se défendra,
comme nous l'avons dit, de ces mouvements tumultueux
et emportés qu'excite un vain désir de gloire. Mais
à une telle disposition sera pourtant jointe une noble fierté.
"Je lui veux un coeur ferme, un esprit généreux,
Cet ascendant vainqueur de l'homme courageux,
Aux mauvais citoyens constamment redoutable".
Il résistera, il luttera contre les situations embarrassées et
les conjonctures périlleuses. Il ne provoquera point de tempêtés,
mais s'il en survient il se gardera de défaillir. Il
n'excitera pas dans la ville de périlleux mouvements, mais
si elle chancèle et court quelque danger il lui viendra en
aide, et la noble assurance qu'il trouvera en lui-même sera
l'ancre sacrée dont il se servira dans des moments suprêmes.
Tels furent ceux où se trouva Pergame, du temps de Néron,
plus récemment Rhodes sous Domitien, et, autrefois sous
Auguste la Thessalie où les habitants avaient condamné
Pétréus à être brûlé vif.
"C'est alors qu'il ne faut ni coupable sommeil",
ni timidité chez le véritable homme d'État. Loin d'accuser
les autres, loin de se mettre en dehors des positions difficiles,
on le verra toujours accepter les ambassades, courir
les mers, et non seulement dire le premier :
"Je suis le meurtrier, Phébus : épargne-les",
mais encore, n'eût-il pas partagé les fautes communes, il
détournera tous les périls sur sa propre tête. C'est là une
conduite glorieuse; et, outre cette gloire, souvent il a suffi
de l'admiration inspirée par la vertu et l'intrépidité d'un
seul pour apaiser le courroux du prince contre tout un peuple,
pour dissiper ce que ses menaces avaient de terrible et d'effrayant.
Ainsi deux Spartiates, Bulis et Sperchis, désarmèrent le
roi de Perse ; ainsi Sthénon apaisa Pompée. Ce général se
disposant à châtier les Mamertins à cause de leur défection,
Sthénon osa dire qu'il serait injuste de punir un peuple entier
à cause d'un seul homme : « C'est moi, ajouta-t-il, qui
ai soulevé la population, moi qui ai entraîné mes amis
par la persuasion et mes ennemis par la violence. » Ce
langage fit sur Pompée une telle impression qu'il épargna
la ville et traita Sthénon avec les plus grands égards. Un
hôte de Sylla fit preuve d'une semblable générosité, mais
n'ayant pas affaire à une âme aussi noble il se donna
courageusement la mort. Devenu maître de Préneste Sylla
se disposait à en passer tous les autres habitants au fil de
l'épée. Il n'avait fait grâce qu'à celui-là, à cause de leurs
liens d'hospitalité : « Je ne veux pas, dit le Prénestin, devoir
la vie sauve au meurtrier de ma patrie »; et se confondant
avec les autres citoyens, il fut massacré en même
temps qu'eux. Prions le ciel qu'il nous épargne de semblables
maux, et comptons sur un avenir meilleur !
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