Texte grec :
[66] Καὶ δεινὸν οὐδέν, ἂν πρῶτον μὲν ἡμῖν τοὺς θεοὺς
φυλάττωσι κοινοὺς καὶ μὴ ποιῶσιν Αἰγυπτίων ἰδίους
μηδὲ Νεῖλον ἥν τε Νεῖλος ἄρδει μόνην χώραν τοῖς ὀνόμασι
τούτοις καταλαμβάνοντες μηδ´ ἕλη μηδὲ λωτοὺς
μὴ θεοποιίαν λέγοντες ἀποστερῶσι μεγάλων θεῶν τοὺς
ἄλλους ἀνθρώπους, οἷς Νεῖλος μὲν οὐκ ἔστιν οὐδὲ Βοῦτος
οὐδὲ Μέμφις, Ἶσιν δὲ καὶ τοὺς περὶ αὐτὴν θεοὺς ἔχουσι
καὶ γιγνώσκουσιν ἅπαντες, ἐνίους μὲν οὐ πάλαι τοῖς παρ´
Αἰγυπτίων ὀνόμασι καλεῖν μεμαθηκότες, ἑκάστου δὲ τὴν
δύναμιν ἐξ ἀρχῆς ἐπιστάμενοι καὶ τιμῶντες· δεύτερον, ὃ
μεῖζόν ἐστιν, ὅπως σφόδρα προσέξουσι καὶ φοβήσονται,
μὴ λάθωσιν εἰς πνεύματα καὶ ῥεύματα καὶ σπόρους καὶ
ἀρότους καὶ πάθη γῆς καὶ μεταβολὰς ὡρῶν διαγράφοντες
τὰ θεῖα καὶ διαλύοντες, ὥσπερ οἱ Διόνυσον τὸν
οἶνον, Ἥφαιστον δὲ τὴν φλόγα· Φερσεφόνην δέ φησί που
Κλεάνθης τὸ διὰ τῶν καρπῶν φερόμενον καὶ
φονευόμενον πνεῦμα, ποιητὴς δέ τις ἐπὶ τῶν θεριζόντων
’τῆμος ὅτ´ αἰζηοὶ Δημήτερα κωλοτομεῦσιν·‘
οὐδὲν γὰρ οὗτοι διαφέρουσι τῶν ἱστία καὶ κάλους καὶ
ἄγκυραν ἡγουμένων κυβερνήτην καὶ νήματα καὶ κρόκας
ὑφάντην καὶ σπονδεῖον ἢ μελίκρατον ἢ πτισάνην ἰατρόν·
ἀλλὰ δεινὰς καὶ ἀθέους ἐμποιοῦσι δόξας, ἀναισθήτοις
καὶ ἀψύχοις καὶ φθειρομέναις ἀναγκαίως ὑπ´ ἀνθρώπων
δεομένων καὶ χρωμένων φύσεσι καὶ πράγμασιν ὀνόματα θεῶν
ἐπιφέροντες. ταῦτα μὲν γὰρ αὐτὰ νοῆσαι θεοὺς οὐκ ἔστιν,
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Traduction française :
[66] Il n'y aurait aucun mal si d'abord on maintenait ces
deux divinités comme nous étant communes aussi, et si on ne
les attribuait pas exclusivement à 1'Egypte. Pourquoi est-ce
au Nil seulement et à la contrée arrosée par ce fleuve, avec
ses marais, avec ses lotus, avec sa naissance de Dieux,
que l'on applique le nom d'Isis et d'Osiris ? C'est priver de
deux divinités puissantes le reste des hommes, qui n'ont pas
de Nil, pas de Butus, pas de Memphis, et qui, pourtant
acceptent et reconnaissent tous Isis, ainsi qu'ils reconnaissent
les dieux qui l'accompagnent. Quelques peuples, depuis peu
de temps à la vérité, ont appris à appeler ceux-ci des noms
que leur donnent les Egyptiens; mais on savait dès l'origine
la puissance de chacun d'eux, et on leur rendait hommage.
En second lieu, et ici la conséquence est plus grave,
on en viendra, si l'on ne déploie une attention et une crainte
extrêmes, à tomber sans le savoir dans une singulière confusion.
Les vents, les cours d'eaux, les semailles, le labourage,
les modifications du sol, les changements de saisons
remplacent les Divinités, qui par là sont réduites à n'exister
plus. Ainsi font ceux qui appellent le vin Bacchus, le feu
Vulcain. Cléanthe donne quelque part le nom de Proserpine
à l'air qui pénètre les fruits de la terre. Un poète a dit, en
parlant des moissonneurs :
"Quand leurs bras vigoureux mettent Cérès en pièces".
C'est ne différer en rien de ceux qui dans la voilure, dans
les câbles, dans l'ancre d'un navire veulent en voir le pilote;
qui dans les fils et la trame voient le tisserand; dans les
breuvages, dans l'hydromel et les tisanes, le médecin. C'est
donner lieu à des opinions funestes et impies, que d'appliquer
les noms des Dieux à des natures, à des objets insensibles,
inanimés, et détruits nécessairement par les hommes qui en
ont besoin et qui s'en servent. Il n'est pas possible de regarder
de semblables choses comme des Dieux.
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