Texte grec :
[20] Ἢ κατὰ τοῦτο μὲν ὁ θεὸς οὐδὲν τοῦ Ἡσιόδου σοφώτερος
διακελευομένου καὶ παρεγγυῶντος
’Μηδ´ ἀπὸ δυσφήμοιο τάφου ἀπονοστήσαντα
σπερμαίνειν γενεήν, ἀλλ´ ἀθανάτων ἀπὸ δαιτός,‘
ὡς οὐ κακίαν μόνον οὐδ´ ἀρετὴν ἀλλὰ καὶ λύπην καὶ χαρὰν
καὶ πάνθ´ ὅς´ ἀναδεχομένης τῆς γενέσεως ἱλαροὺς καὶ
ἡδεῖς καὶ διακεχυμένους ἄγοντος πρὸς τὴν τέκνωσιν;
ἐκεῖνο δ´ οὐκέτι καθ´ Ἡσίοδον οὐδ´ ἀνθρωπίνης ἔργον
σοφίας ἀλλὰ θεοῦ, τὸ διορᾶν καὶ διαισθάνεσθαι τὰς
ὁμοιοπαθείας καὶ τὰς διαφοράς, πρὶν εἰς μεγάλα τοῖς
πάθεσιν ἐμπεσούσας ἀδικήματα γενέσθαι καταφανεῖς.
ἄρκτων μὲν γὰρ ἔτι νήπια καὶ λύκων τέκνα καὶ πιθήκων
εὐθὺς ἐμφαίνει τὸ συγγενὲς ἦθος ὑπὸ μηδενὸς ὑπαμπεχόμενον
μηδὲ καταπλαττόμενον· ἡ δ´ ἀνθρώπου φύσις εἰς
ἔθη καὶ δόγματα καὶ νόμους ἑαυτὴν ἐμβαλοῦσα κρύπτει
τὰ φαῦλα καὶ τὰ καλὰ μιμεῖται πολλάκις, ὥστ´ ἢ παντάπασιν
ἐξαλεῖψαι καὶ διαφυγεῖν ἐγγενῆ κηλῖδα τῆς κακίας, ἢ
διαλαθεῖν πολὺν χρόνον οἷον ἔλυτρόν τι τὴν πανουργίαν
ἑαυτῇ περιβαλοῦσαν, διαλαθεῖν δ´ ἡμᾶς τοὺς ὥσπερ ὑπὸ
πληγῆς ἢ δήγματος ἑκάστου τῶν ἀδικημάτων μόλις αἰσθανομένους
τῆς κακίας, μᾶλλον δ´ ὅλως τότε γίγνεσθαι νομίζοντας
ἀδίκους ὅτ´ ἀδικοῦσιν, ἀκολάστους ὅθ´ ὑβρίζουσιν
καὶ ἀνάνδρους ὅτε φεύγουσιν (ὥσπερ εἴ τις οἴοιτο τοῖς σκορπίοις
ἐμφύεσθαι τὸ κέντρον ὅτε τύπτουσι, καὶ ταῖς ἐχίδναις
τὸν ἰὸν ὅτε δάκνουσιν, εὐήθως οἰόμενος· οὐ γὰρ ἅμα
γίγνεται καὶ φαίνεται τῶν πονηρῶν ἕκαστος, ἀλλ´ ἔχει
μὲν ἐξ ἀρχῆς τὴν κακίαν χρῆται δὲ καιροῦ καὶ δυνάμεως
ἐπιλαβόμενος τῷ κλέπτειν ὁ κλέπτης καὶ τῷ παρανομεῖν
ὁ τυραννικός)· ἀλλ´ ὁ θεὸς οὔτ´ ἀγνοεῖ δήπου τὴν ἑκάστου
διάθεσιν καὶ φύσιν ἅτε δὴ ψυχῆς μᾶλλον ἢ σώματος
αἰσθάνεσθαι πεφυκώς, οὔτ´ ἀναμένει τὴν βίαν ἐν χερσὶ
γενομένην καὶ τὴν ἀναίδειαν ἐν φωνῇ καὶ τὴν ἀκολασίαν
ἐν αἰδοίοις κολάζειν. οὐ γὰρ ἀμύνεται τὸν ἀδικήσαντα
κακῶς παθὼν οὐδ´ ὀργίζεται τῷ ἁρπάσαντι βιασθεὶς
οὐδὲ μισεῖ τὸν μοιχὸν ὑβρισθείς, ἀλλ´ ἰατρείας ἕνεκα τὸν
μοιχικὸν καὶ τὸν πλεονεκτικὸν καὶ ἀδικητικὸν κολάζει πολλάκις,
ὥσπερ ἐπιληψίαν τὴν κακίαν πρὶν ἢ καταλαβεῖν ἀναιρῶν.’
|
|
Traduction française :
[20] «Est-ce que, à ce point de vue, Dieu lui-même ne
l'emporte nullement en sagesse sur Hésiode? Écoutez les
préceptes et les recommandations du poète :
"Procréez un enfant après festin de dieux,
Et non pas en quittant un convoi douloureux."
Convaincu que non seulement la vertu et le vice, mais
encore la tristesse, la gaieté et les autres affections se reçoivent
avec le sang, Hésiode invite les hommes à engendrer
quand ils sont gais, joyeux, épanouis. Mais ce qui n'est pas
du ressort d'Hésiode, ce qui n'est pas l'oeuvre de la sagesse
humaine, ce qui n'appartient qu'à Dieu, c'est de discerner
et de reconnaître les conformités et les dissemblances des
natures avant que celles-ci soient tombées en de grands
crimes, avant que leurs passions les aient fait découvrir
pour ce qu'elles sont. Les petits des ours, ceux des loups
et des singes montrent aussitôt leurs inclinations premières,
sans que rien masque ou déguise celles-ci. Mais le naturel
de l'homme, attendu qu'il est engagé dans des coutumes,
dans des croyances, dans des lois, dissimule ce qu'il
a de mauvais, et contrefait souvent ce qui est bon; si bien
que la tache originelle du vice s'efface complétement et disparaît,
ou que du moins elle reste longtemps cachée derrière
le voile dont s'enveloppe une perfide adresse. De pareils
hommes nous donnent tout à fait le change. Il faut les coups
ou les morsures de chacune de leurs injustices, pour que
nous soupçonnions, et à grand'peine, leur perversité. Ou
plutôt, nous nous figurons qu'ils ne sont devenus vraiment
injustes que du moment où ils ont commis une injustice.
Selon nous leur intempérance date de leur premier acte de
débauche; leur lâcheté, de leur première fuite. C'est comme
si l'on allait croire que le dard du scorpion s'engendrât en
lui lorsqu'il en pique, ou le venin en la vipère lorsqu'elle se
met à mordre : ce serait être bien simple que de penser ainsi.
Non, le méchant ne devient point méchant à l'instant où il
se révèle. Il a dès le principe sa perversité, et il la met en
oeuvre aussitôt qu'il a saisi l'instant, aussitôt qu'il trouve les
moyens de voler, s'il est un voleur, de fouler aux pieds les
lois, s'il est un tyran.
Mais Dieu n'ignore point les dispositions et la nature de
chacun, parce qu'il connaît beaucoup mieux les âmes que
les corps. Il n'attend pas que la violence ait éclaté en voies
de fait, l'impudence, en paroles, le libertinage, en actes indécents :
il n'attend pas, dis-je, jusque-là pour punir. Il ne
prend pas vengeance de l'homme injuste parce qu'il a été
victime de ses injustices; il ne s'irrite pas contre le brigand
parce que le brigand l'a pillé; il ne déteste pas l'adultère
pour avoir subi de lui un affront. C'est en quelque sorte
afin de faire de la médecine, que souvent il châtie l'homme
adultère, avide, injuste, en frisant disparaître le vice, comme
s'il s'agissait de l'épilepsie, avant que l'accès s'en manifeste.
|
|