HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

PLUTARQUE, Oeuvres morales, Le délais de la justice divine

δυόμεναι



Texte grec :

[9] ‘Ἀλλὰ ταῦτα μέν’ ἔφην ‘ἡμεῖς λέγομεν, ὥσπερ ἠξίωται, γίγνεσθαί τινα τῆς τιμωρίας ἀναβολὴν ὑποθέμενοι τοῖς πονηροῖς· τὰ λοιπὰ δ´ Ἡσιόδου χρὴ νομίζειν ἀκροᾶσθαι λέγοντος οὐχ ᾗ Πλάτων ’ἀκό λουθον εἶναι τιμωρίαν ἀδικίας πάθην‘, | ἀλλ´ ἡλικιῶτιν ἐκ τῆς αὐτῆς ὁμόθεν χώρας καὶ ῥίζης συνυποφυομένην· ’ἡ γὰρ κακή‘ φησί ’βουλὴ τῷ βουλεύσαντι κακίστη·‘ καί ’ὃς δ´ ἄλλῳ κακὰ τεύχει, ἑῷ κακὸν ἥπατι τεύχει.‘ ἡ μὲν γὰρ κανθαρὶς ἐν αὑτῇ λέγεται τὸ βοηθητικὸν ἔκ τινος ἀντιπαθείας ἔχειν συγκεκραμένον, ἡ δὲ πονηρία συγγεννῶσα τὸ λυποῦν ἑαυτῇ καὶ κολάζον οὐχ ὕστερον ἀλλ´ ἐν αὐτῇ τῇ ὕβρει τὴν δίκην τοῦ ἀδικεῖν δίδωσι· καὶ τῷ μὲν σώματι τῶν κολαζομένων ἕκαστος κακούργων ἐκφέρει τὸν αὑτοῦ σταυρόν, ἡ δὲ κακία τῶν κολαστηρίων ἐφ´ ἑαυτὴν ἕκαστον ἐξ αὑτῆς τεκταίνεται, δεινή τις οὖσα βίου δημιουργὸς οἰκτροῦ καὶ σὺν αἰσχύνῃ φόβους τε πολλοὺς καὶ μεταμελείας καὶ πάθη χαλεπὰ καὶ ταραχὰς ἀπαύστους ἔχοντος. ἀλλ´ οὐδὲν ἔνιοι διαφέρουσι παιδαρίων, ἃ τοὺς κακούργους ἐν τοῖς θεάτροις θεώμενα πολλάκις ἐν χιτῶσι διαχρύσοις καὶ χλαμυδίοις ἁλουργοῖς ἐστεφανωμένους καὶ πυρριχίζοντας ἄγαται καὶ τέθηπεν ὡς μακαρίους, ἄχρι οὗ κεντούμενοι καὶ μαστιγούμενοι καὶ πῦρ ἀνιέντες ἐκ τῆς ἀνθινῆς ἐκείνης καὶ πολυτελοῦς ἐσθῆτος ὀφθῶσιν. οἱ γὰρ πολλοὶ τῶν πονηρῶν οἰκίας περιβεβλημένοι μεγάλας καὶ ἀρχὰς καὶ δυνάμεις περιφανεῖς λανθάνουσιν ὅτι κολάζονται, πρὶν ἂν φθῶσιν ἀποσφαγέντες ἢ κατακρημνισθέντες· ἅπερ ἄν τις οὐ τιμωρίαν εἴποι πέρας δὲ τιμωρίας καὶ συντέλειαν. ὥσπερ γὰρ Ἡρόδικον τὸν Σηλυμβριανὸν εἰς φθίσιν, ἀνήκεστον πάθος, ἐμπεσόντα καὶ μίξαντα πρῶτον ἀνθρώπων γυμναστικὴν ἰατρικῇ φησὶν ὁ Πλάτων μακρὸν ποιῆσαι τὸν θάνατον αὑτῷ καὶ τοῖς ὁμοίως νοσοῦσιν, οὕτως καὶ τῶν πονηρῶν ὅσοι τὴν παραυτίκα πληγὴν ἐκφυγεῖν ἔδοξαν, οὐ μετὰ πλείονα χρόνον ἀλλ´ ἐν πλείονι χρόνῳ τιμωρίαν μακροτέραν οὐ βραδυτέραν τίνουσιν, οὐδὲ γηράσαντες ἐκολάσθησαν ἀλλ´ ἐγήρασαν κολαζόμενοι. λέγω δὲ πρὸς ἡμᾶς τὸν πολὺν χρόνον· ἐπεὶ τοῖς γε θεοῖς πᾶν ἀνθρωπίνου βίου διάστημα τὸ μηδέν ἐστι, καὶ τὸ νῦν ἀλλὰ μὴ πρὸ ἐτῶν τριάκοντα τοιοῦτόν ἐστιν οἷον τὸ δείλης ἀλλὰ μὴ πρωὶ στρεβλοῦν ἢ κρεμαννύναι τὸν πονηρόν, ἄλλως τε καὶ φρουρούμενον ἐν τῷ βίῳ καθάπερ εἱρκτῇ μηδεμίαν μετανάστασιν ἐχούσῃ μηδὲ διάφευξιν, εὐωχίας δὲ πολλὰς διὰ μέσου καὶ πραγματείας καὶ δόσεις καὶ χάριτας ἀμέλει καὶ παιδιάς, ὥσπερ ἐν δεσμωτηρίῳ κυβευόντων ἢ πεττευόντων ὑπὲρ κεφαλῆς τοῦ σχοινίου κρεμαμένου.

Traduction française :

[9] «Ce que nous disons là, ajoutai-je, porte sur la supposition, déjà admise, que la punition des méchants est quelquefois différée. Mais, du reste, il faut écouter les paroles d'Hésiode et y ajouter foi. Il ne croit pas, comme le veut Platon, que les remords, ce premier châtiment du crime, viennent après la faute. Il prétend qu'ils naissent au même instant que le crime, qu'ils sortent du même sol, de la même racine. Il dit : "Tous les mauvais desseins nuisent à leurs auteurs", et dans un autre endroit : "Chercher le mal d'autrui, c'est s'exposer soi-même". «La mouche cantharide porte, dit-on, en elle, grâce à des principes antipathiques, son contre-poison ; mais la méchanceté qui se crée à elle-même des angoisses et un châtiment, subit son expiation sans retard et à l'instant même du crime. Quand des malfaiteurs vont au supplice, ils portent chacun leur propre croix. De même le méchant, toutes les fois qu'il commet une faute, se prépare lui-même sa punition. Inflexible bourreau de sa pitoyable existence, il se suscite, outre la honte, les frayeurs multipliées, les passions violentes, les remords, et des agitations qui ne cessent jamais. «Bien des hommes ressemblent à des petits enfants, qui quand ils voient sur maints théâtres les méchants de la pièce, couverts souvent de tuniques dorées, de manteaux de pourpre, danser la pyrrhique avec une couronne sur la tête, sont ébahis d'admiration, comme si ces personnages étaient bien heureux. Mais vient le moment où ils sont percés de javelines, poursuivis à coups de fouet, et où le feu s'échappe de ces robes éblouissantes et de ces vêtements somptueux. Les méchants, pour la plupart, dans leurs demeures magnifiques, au milieu de l'éclat des honneurs et de la puissance, subissent des châtiments secrets avant qu'on les voie égorgés ou précipités; et ces derniers supplices sont moins l'expiation même, on peut bien le dire, que la suite et l'accomplissement de l'expiation. Car de même qu'Hérodicus de Selymbrie, étant tombé en une sorte de décomposition qui était une maladie incurable, imagina le premier de combiner la gymnastique avec la médecine, et prolongea sa mort, selon le mot de Platon, aussi bien que la mort de tous les malades du même genre; de même les méchants qui ont semblé s'être dérobés d'abord aux coups du ciel, sont punis non pas plus tard, mais plus longtemps. La punition augmente en durée, sans qu'elle soit moins lente à venir. Ils n'ont pas été châtiés dans leur vieillesse : ils ont vieilli dans le châtiment. Et encore est-ce à notre point de vue humain, que je parle de "temps plus long" : car pour les Dieux l'espace d'une vie quelconque n'est rien. Que ce soit aujourd'hui, ou seulement dans trente ans qu'un criminel soit roué ou pendu, c'est comme s'il l'était le soir au lieu du matin, surtout puisqu'il est enfermé dans la vie comme dans une prison d'où il ne peut sortir et s'échapper. Il a beau, en attendant, figurer à de nombreux banquets, s'occuper de mille affaires, régaler ses amis, leur faire des présents, ou badiner : il est comme ces prisonniers qui jouent aux dés ou aux dames quand la corde est suspendue au-dessus de leur tête.





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Dernière mise à jour : 1/09/2005