[104] ἀλλὰ καὶ ὅτι θνητῷ σύγκληρός ἐστι βίῳ καὶ πράγμασι ῥᾳδίως μεθισταμένοις (104a) πρὸς τοὐναντίον. Ἀνθρώπων γὰρ ὄντως θνητὰ μὲν καὶ ἐφήμερα τὰ σώματα, θνηταὶ δὲ τύχαι καὶ πάθη καὶ πάνθ´ ἁπλῶς τὰ κατὰ τὸν βίον, ἅπερ
Οὐκ ἔστι φυγεῖν βροτὸν οὐδ´ ὑπαλύξαι τὸ παράπαν ἀλλά
Ταρτάρου πυθμὴν πιέζει ς´ ἀφανοῦς σφυρηλάτοις ἀνάγκαις
ὥς φησι Πίνδαρος. Ὅθεν ὀρθῶς ὁ Φαληρεὺς Δημήτριος εἰπόντος Εὐριπίδου
Ὁ δ´ ὄλβος οὐ βέβαιος ἀλλ´ ἐφήμερος
καὶ ὅτι
Μίκρ´ ἄττα τὰ σφάλλοντα, καὶ μί´ ἡμέρα
τὰ μὲν καθεῖλεν ὑψόθεν τὰ δ´ ἦρ´ ἄνω
(104b) τὰ μὲν ἄλλα καλῶς ἔφη λέγειν αὐτὸν βέλτιον δ´ ἔχειν ἄν, εἰ μὴ μίαν ἡμέραν ἀλλὰ στιγμὴν εἶπε χρόνου.
Κύκλος γὰρ αὑτὸς καρπίμοις τε γῆς φυτοῖς
γένει βροτῶν τε. Τοῖς μὲν αὔξεται βίος,
τῶν δὲ φθίνει τε κἀκθερίζεται πάλιν.
Ὁ δὲ Πίνδαρος ἐν ἄλλοις
Τί δέ τις; Τί δ´ οὔ τις; Σκιᾶς ὄναρ ἄνθρωπος
ἐμφαντικῶς σφόδρα καὶ φιλοτέχνως ὑπερβολῇ χρησάμενος τὸν τῶν ἀνθρώπων βίον ἐδήλωσε. Τί γὰρ σκιᾶς ἀσθενέστερον; Τὸ δὲ ταύτης ὄναρ οὐδ´ (104c) ἂν ἐκφράσαι τις ἕτερος δυνηθείη σαφῶς. Τούτοις δ´ ἑπόμενος καὶ ὁ Κράντωρ παραμυθούμενος ἐπὶ τῇ τῶν τέκνων τελευτῇ τὸν Ἱπποκλέα φησί· « Ταῦτα γὰρ πᾶσα αὕτη ἡ ἀρχαία φιλοσοφία λέγει τε καὶ παρακελεύεται. Ὧν εἰ δή τι ἄλλο μὴ ἀποδεχόμεθα, τό γε πολλαχῆ εἶναι ἐργώδη καὶ δύσκολον τὸν βίον ἄγαν ἀληθές. Καὶ γὰρ εἰ μὴ φύσει τοῦτον ἔχει τὸν τρόπον, ὑπό γ´ ἡμῶν εἰς τοῦτ´ ἀφῖκται διαφθορᾶς. Ἤ τ´ ἄδηλος αὕτη τύχη πόρρωθεν ἡμῖν καὶ ἔτ´ ἀπ´ ἀρχῆς ἠκολούθηκεν οὐδ´ ἐφ´ ἑνὶ ὑγιεῖ, φυομένοις τε μίγνυταί τις ἐν πᾶσι κακοῦ μοῖρα· τὰ γάρ τοι σπέρματα εὐθὺς θνητὰ ὄντα ταύτης κοινωνεῖ τῆς αἰτίας, ἐξ ἧς ἀφυΐα μὲν ψυχῆς, νόσοι τε καὶ κήδεα καὶ μοῖρα θνητῶν ἐκεῖθεν ἡμῖν ἕρπει. »
(104d) Τοῦ δὴ χάριν ἐτραπόμεθα δεῦρο; Ἵν´ εἰδείημεν ὅτι καινὸν ἀτυχεῖν οὐδὲν ἀνθρώπῳ ἀλλὰ πάντες ταὐτὸ πεπόνθαμεν. « Ἄσκοπος γὰρ ἡ τύχη, » φησὶν ὁ Θεόφραστος, « καὶ δεινὴ παρελέσθαι τὰ προπεπονημένα καὶ μεταρρῖψαι τὴν δοκοῦσαν εὐημερίαν, οὐδένα καιρὸν ἔχουσα τακτόν. » Ταῦτα δὲ καὶ ἄλλα τοιαῦτα καὶ καθ´ ἑαυτὸν ἑκάστῳ λογίσασθαι ῥᾴδιον, καὶ ἄλλων ἀκοῦσαι παλαιῶν καὶ σοφῶν ἀνδρῶν· ὧν πρῶτος μέν ἐστιν ὁ θεῖος Ὅμηρος, εἰπών,
Οὐδὲν ἀκιδνότερον γαῖα τρέφει ἀνθρώποιο.
Οὐ μὲν γάρ ποτέ φησι κακὸν πείσεσθαι ὀπίσσω,
ὄφρ´ ἀρετὴν παρέχωσι θεοὶ καὶ γούνατ´ ὀρώρῃ·
ἀλλ´ ὅτε δὴ καὶ λυγρὰ θεοὶ μάκαρες τελέουσι,
(104e) καὶ τὰ φέρει ἀεκαζόμενος τετληότι θυμῷ
καί
τοῖος γὰρ νόος ἐστὶν ἐπιχθονίων ἀνθρώπων,
οἷον ἐπ´ ἦμαρ ἄγῃσι πατὴρ ἀνδρῶν τε θεῶν τε
καὶ ἐν ἄλλοις
« Τυδείδη μεγάθυμε, τίη γενεὴν ἐρεείνεις;
Οἵη περ φύλλων γενεή, τοίη δὲ καὶ ἀνδρῶν.
Φύλλα τὰ μέν τ´ ἄνεμος χαμάδις χέει, ἄλλα δέ θ´ ὕλη
τηλεθόωσα φύει, ἔαρος δ´ ἐπιγίγνεται ὥρη·
ὣς ἀνδρῶν γενεὴ ἡ μὲν φύει ἡ δ´ ἀπολήγει. »
(104f) Ταύτῃ δ´ ὅτι καλῶς ἐχρήσατο τῇ εἰκόνι τοῦ ἀνθρωπείου βίου δῆλον ἐξ ὧν ἐν ἄλλῳ τόπῳ φησὶν οὕτω,
Βροτῶν ἕνεκα πτολεμίζειν
δειλῶν, οἳ φύλλοισιν ἐοικότες, ἄλλοτε μέν τε
ζαφλεγέες τελέθουσιν ἀρούρης καρπὸν ἔδοντες,
ἄλλοτε δὲ φθινύθουσιν ἀκήριοι, οὐδέ τις ἀλκή.
| [104] mais que sa vie (104a) et tout ce qui en dépend participe à la fragilité de sa nature. Les corps des hommes sont mortels et n'ont qu'une existence éphémère. Il en est de
même de leur fortune, de leurs affections, et généralement de tout ce qui appartient à la vie humaine :
Et nul mortel ne peut éviter cette loi.
« Enchaînés, comme dit Pindare, par une dure nécessité, nous pressons le fond des enfers. »
Euripide a dit aussi :
Le bonheur est fragile; il dure à peine un jour.
Et ailleurs :
Le plus faible accident suffit pour nous détruire.
Un seul jour nous élève au comble des honneurs;
Un seul jour nous abat du faite des grandeurs.
(104b) Il a raison, disait sur cela Démétrius de Phalère; mais il aurait encore mieux dit si, au lieu d'un jour, il eût mis un instant.
Les fragiles humains et les fruits de la terre.
Sous une mème loi parcourent leur carrière ;
Les uns croissent longtemps d'éclat environnés,
D'autres sont en un jour tristement moissonnés.
« Qu'est-ce que l'homme? dit encore Pindare; qu'est-ce que ce rien? C'est le songe d'une ombre. » Expression hyperbolique, sans doute, mais qui peint avec une énergie admirable l'instabilité de la vie humaine. Quoi de plus faible qu'une ombre? (104c) mais comment faire entendre ce que c'est que le songe d'une ombre?
C'est d'après ces mêmes idées que Crantor parlait ainsi à Hippoclès pour le consoler de la mort de ses enfants. « Voilà, lui disait-il, les motifs de consolation que nous propose toute l'ancienne philosophie. Si nous ne vouIons pas admettre les autres, du moins ne pouvons-nous méconnaître la vérité de celui-ci : que la vie humaine est le plus souvent accompagnée de peines et de misères; et quand elle ne le serait pas de sa nature, ne l'avons-nous pas amenée nous-mêmes à cet état de faiblesse et de corruption? D'ailleurs, la fortune, toujours incertaine, s'attache à nous dès notre première entrée dans la vie, et rarement est-ce pour notre bien. Tout ce qui naît porte avec lui un principe de mal. Les germes qui le produisent, mortels de leur nature, participent par cela seul à cette cause générale de corruption, d'où naissent les inclinations vicieuses de l'âme, les maladies, les chagrins, et tous les maux qui, de cette source commune, se répandent sur les hommes. (104d) Mais pourquoi vous rappelé-je ces maximes? Pour vous faire souvenir que ce n'est pas une chose nouvelle aux hommes que d'éprouver l'infortune. Nous y sommes tous sujets. La fortune, dit Théophraste, ne regarde pas où elle adresse ses coups ; sans avoir aucun temps fixe et déterminé, elle enlève à son gré le fruit de nos travaux, et renverse la prospérité que l'on croyait le plus solidement établie. »
Il n'est personne qui ne puisse facilement se représenter à lui-même ces maximes utiles, ou les puiser dans les écrits des sages de l'antiquité, à la tête desquels on peut mettre le divin Homère. Écoutons-le :
De tous les animaux qui vivent sur la terre,
L'homme ressent le plus le poids de la misère.
Tant qu'il a l'esprit sain et le corps vigoureux,
Il se flatte toujours d'un avenir heureux.
Les dieux le frappent-ils, il se plaint, il murmure;
(104e) Il ne veut point souffrir, et sa faible nature
Des jours bons ou mauvais suit tous les changements.
Et ailleurs :
Diomède, pourquoi chercher mon origine?
Sur la face du monde éclipsés tour à tour,
Les fragiles mortels brillent à peine un jour.
Ainsi dans nos forêts des feuilles éphémères
Étalent au printemps leurs grâces passagères :
Bientôt de leurs débris tout le sol est couvert.
(104f) On sent combien est vraie et naturelle cette image de la vie humaine par ce qu'il dit dans un autre endroit :
Avec toi voudrais-je disputer
Pour de faibles mortels qui, comme on voit les plantes
Un jour épanouir leurs tiges verdoyantes,
Un autre se flétrir, tantôt pleins de vigueur,
Brillent avec éclat, tantôt dans la langueur
Perdent en peu de jours et leur force et leur grâce?
|