[1] (Ο) Ταῦτα μέν, ὦ Κίρκη, μεμαθηκέναι δοκῶ καὶ διαμνημονεύσειν·
ἡδέως δ´ ἄν σου πυθοίμην, εἴ τινας ἔχεις
Ἕλληνας ἐν τούτοις, οὓς λύκους καὶ λέοντας ἐξ ἀνθρώπων
πεποίηκας.
(Κ) Καὶ πολλούς, ὦ ποθούμεν´ Ὀδυσσεῦ. πρὸς τί δὲ
τοῦτ´ ἐρωτᾷς;
(Ο) Ὅτι νὴ Δία καλὴν ἄν μοι δοκῶ γενέσθαι φιλοτιμίαν
πρὸς τοὺς Ἕλληνας, εἰ χάριτι σῇ λαβὼν τούτους αὖθις
εἰς ἀνθρώπους {ἑταίρους} ἀνασώσαιμι καὶ μὴ περιίδοιμι
καταγηράσαντας παρὰ φύσιν ἐν σώμασι θηρίων,
οἰκτρὰν καὶ ἄτιμον οὕτω δίαιταν ἔχοντας.
(Κ) Οὗτος ὁ ἀνὴρ οὐχ αὑτῷ μόνον οὐδὲ τοῖς ἑταίροις,
ἀλλὰ τοῖς μηδὲν προσήκουσιν οἴεται δεῖν ὑπ´ ἀβελτερίας
συμφορὰν γενέσθαι τὴν αὑτοῦ φιλοτιμίαν.
(Ο) Ἕτερον αὖ τινα τοῦτον, ὦ Κίρκη, κυκεῶνα λόγων
ταράττεις καὶ ὑποφαρμάττεις, ἐμὲ γοῦν ἀτεχνῶς ποιοῦσα
θηρίον, εἰ πείσομαί σοι ὡς συμφορά ἐστιν ἄνθρωπον
ἐκ θηρίου γενέσθαι.
(Κ) Οὐ γὰρ ἤδη τούτων ἀτοπώτερα πεποίηκας σεαυτόν,
ὃς τὸν ἀθάνατον καὶ ἀγήρω σὺν ἐμοὶ βίον ἀφεὶς ἐπὶ
γυναῖκα θνητήν, ὡς δ´ ἐγώ φημι καὶ γραῦν ἤδη, διὰ μυρίων
ἔτι κακῶν σπεύδεις, | ὡς δὴ περίβλεπτος ἐκ τούτου
καὶ ὀνομαστὸς ἔτι μᾶλλον ἢ νῦν γενηςόμενος, κενὸν
ἀγαθὸν καὶ εἴδωλον ἀντὶ τῆς ἀληθείας διώκων;
(Ο) Ἐχέτω ταῦτα, ὡς λέγεις, ὦ Κίρκη· τί γὰρ δεῖ πολλάκις
ζυγομαχεῖν ἡμᾶς περὶ τῶν αὐτῶν; τούτους δέ μοι
δὸς ἀναλύσασα καὶ χάρισαι τοὺς ἄνδρας.
(Κ) Οὐχ οὕτω γ´ ἁπλῶς, μὰ τὴν Ἑκάτην· οὐ γὰρ οἱ
τυχόντες εἰσίν· ἀλλ´ ἐροῦ πρῶτον αὐτούς, εἰ θέλουσιν·
ἂν δὲ μὴ φῶσι, διαλεχθείς, ὦ γενναῖε, πεῖσον· ἐὰν δὲ μὴ
πείσῃς ἀλλὰ καὶ περιγένωνται διαλεγόμενοι, ἱκανὸν ἔστω
σοι περὶ σεαυτοῦ καὶ τῶν φίλων κακῶς βεβουλεῦσθαι.
(Ο) Τί μου καταγελᾷς, ὦ μακαρία; πῶς γὰρ ἂν ἢ
δοῖεν οὗτοι λόγον ἢ λάβοιεν, ἕως ὄνοι καὶ σύες καὶ λέοντές εἰσι;
(Κ) Θάρρει, φιλοτιμότατ´ ἀνθρώπων· ἐγώ σοι παρέξω
καὶ συνιέντας αὐτοὺς καὶ διαλεγομένους· μᾶλλον δ´ εἷς
ἱκανὸς ἔσται καὶ διδοὺς καὶ λαμβάνων ὑπὲρ πάντων λόγον·
ἰδού, τούτῳ διαλέγου.
(Ο) Καὶ τίνα τοῦτον, ὦ Κίρκη, προσαγορεύσομεν; ἢ τίς
ἦν οὗτος ἀνθρώπων;
(Κ) Τί γὰρ τοῦτο πρὸς τὸν λόγον; ἀλλὰ κάλει αὐτόν, εἰ
βούλει, Γρύλλον. ἐγὼ δ´ ἐκστήσομαι ὑμῖν, μὴ καὶ παρὰ
γνώμην ἐμοὶ δοκῇ χαριζόμενος διαλέγεσθαι.
| [1] ULYSSE. Oui, Circé, il me semble maintenant que je
comprends bien ce que vous venez de m'apprendre et que
je ne l'oublierai point. Mais je voudrais savoir de vous, si
parmi ceux que d'hommes vous avez changés en loups et
en lions vous avez quelques Grecs.
CIRCÉ. J'en ai un grand nombre, ô mon Ulysse adoré.
Mais pourquoi cette question?
ULYSSE. Parce que je crois, à ne vous rien cacher, que
j'acquerrais des titres bien honorables à l'admiration de la
Grèce, titres que je recevrai de vos mains, si, grâce à votre
bienveillance, je rendais à mes compagnons la forme humaine,
et si je ne les laissais pas avec indifférence vieillir
contre nature dans des corps d'animaux, condition si
déplorable et si humiliante.
CIRCÉ. Voilà un homme qui dans sa folie veut rendre
non seulement ses compagnons, mais ceux qui lui sont
étrangers, victimes de son désir de la gloire !
ULYSSE. C'est une autre sorte de breuvage destiné à
troubler ma raison, que vous me préparez en parlant ainsi.
Oui, Circé, de moi vous ferez complétement une bête, si
vous parvenez à me persuader que ce soit un malheur de
redevenir homme, de bête qu'on était.
CIRCÉ. Eh quoi! Ne vous êtes vous pas montré cent fois
plus absurde en ce qui vous regarde vous-même? Vous
renoncez à passer avec moi une vie qui pourrait être immortelle
et exempte de vieillesse, pour aller retrouver une
femme mortelle, et, permettez-moi de le dire, une créature
maintenant décrépite. Vous avez hâte d'affronter derechef
des maux sans nombre, espérant que cette constance vous
rendra plus célèbre et plus renommé encore que vous ne
l'êtes aujourd'hui. Au lieu de la réalité vous courez après
un bonheur imaginaire, vous poursuivez un fantôme.
ULYSSE. Admettons, Circé, qu'il en soit comme vous
dites. A quoi bon nous quereller sans cesse sur le même
sujet? Accordez-moi plutôt la délivrance de ces malheureux :
ce sera pour moi une véritable faveur.
CIRCÉ. La chose n'est pas si simple, par Hécate : attendu
que ce sont des personnages de condition. Mais demandez
leur d'abord s'ils y consentent. En cas de refus vous
aurez recours, mon cher, à la dialectique pour les persuader.
Si vous n'y parvenez pas, et qu'ils soient les plus
forts dans la discussion, ce sera bien assez d'avoir rendu et
vous-même et vos amis victimes de votre imprudente
détermination.
ULYSSE. Pourquoi vous moquer de moi, bienheureuse
déesse? Comment pourront-ils me répondre ou me comprendre,
tant qu'ils resteront ânes, pourceaux et lions?
CIRCÉ. Tranquillisez-vous, ô le plus ambitieux des
hommes. Je vous les présenterai capables de vous comprendre
et de discourir avec vous. Ou plutôt, il suffira qu'un
seul vous entende et vous réponde au nom de tous ses
camarades. Tenez, discutez avec celui-ci.
ULYSSE. Et de quel nom, Circé, l'appellerons-nous? Quel
était-il parmi les hommes?
CIRCÉ. Qu'importe cela pour votre discussion? Du reste,
appelez-le, si cela vous plaît, Gryllus. Quant à moi, je vous
céderai la place, afin qu'il ne se croie pas obligé de parler
contre ses opinions pour me faire la cour.
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