HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

PLUTARQUE, Oeuvres morales, Sur le bavardage

τῆς



Texte grec :

[22] Καὶ μὴν ὥσπερ ὁ Σωκράτης ἐκέλευε φυλάττεσθαι τῶν σιτίων ὅσα μὴ πεινῶντας ἐσθίειν ἀναπείθει καὶ τῶν πομάτων ὅσα πίνειν μὴ διψῶντας, οὕτω χρὴ καὶ τῶν λόγων τὸν ἀδολέσχην, οἷς ἥδεται μάλιστα καὶ κέχρηται κατακόρως, τούτους φοβεῖσθαι καὶ πρὸς τούτους ἐπιρρέοντας ἀντιβαίνειν. οἷον οἱ στρατιωτικοὶ πολέμων εἰσὶ διηγητικοί, καὶ τὸν Νέστορα τοιοῦτον ὁ ποιητὴς εἰσάγει, τὰς αὑτοῦ πολλάκις ἀριστείας καὶ πράξεις διηγούμενον. ἐπιεικῶς δὲ καὶ τοῖς περὶ δίκας εὐστοχήσασιν ἢ παρ´ ἡγεμόσι καὶ βασιλεῦσιν ἀπροσδοκήτως εὐημερήσασιν ὥσπερ νόσημά τι προσπίπτει καὶ παρακολουθεῖ τὸ μεμνῆσθαι καὶ διηγεῖσθαι πολλάκις, ὃν τρόπον εἰσῆλθον προσήχθησαν ἠγωνίσαντο διελέχθησαν, ἐξήλεγξαν ἀντιδίκους τινὰς ἢ κατηγόρους, ἐπῃνέθησαν. πολλῷ γάρ ἐστιν ἡ χαρὰ τῆς κωμικῆς ἐκείνης ἀγρυπνίας λαλίστερον, ἀναρριπίζουσα πολλάκις ἑαυτὴν καὶ πρόσφατον ποιοῦσα τοῖς διηγήμασιν. ὅθεν ὀλισθηροὶ πρὸς τοὺς τοιούτους τῶν λόγων εἰσὶν ἐκ πάσης προφάσεως· οὐ γὰρ μόνον ‘ὅπου τις ἀλγεῖ, κεῖθι καὶ τὴν χεῖρ´ ἔχει,’ ἀλλὰ καὶ τὸ ἡδόμενον ἕλκει τὴν φωνὴν ἐφ´ ἑαυτὸ καὶ περιάγει τὴν γλῶτταν ἐπερείδειν ἀεὶ τῇ μνήμῃ βουλόμενον. οὕτω καὶ τοῖς ἐρωτικοῖς ἡ πλείστη διατριβὴ περὶ λόγους μνήμην τινὰ τῶν ἐρωμένων ἀναδιδόντας· οἵ γε κἂν μὴ πρὸς ἀνθρώπους, πρὸς ἄψυχα περὶ αὐτῶν διαλέγονται· ‘ὦ φιλτάτη κλίνη’ καὶ ‘Βακχὶς θεόν ς´ ἐνόμισεν, εὔδαιμον λύχνε· καὶ τῶν θεῶν μέγιστος, εἰ ταύτῃ δοκεῖς’. ἔστι μὲν οὖν ἀτεχνῶς ἡ λευκὴ στάθμη πρὸς τοὺς λόγους ὁ ἀδόλεσχος, οὐ μὴν ἀλλ´ ὁ μᾶλλον ἑτέρων ἑτέροις προσπεπονθὼς ὀφείλει τούτους φυλάττεσθαι καὶ ἀνέχειν ἑαυτὸν ἀπὸ τούτων καὶ ἀνακρούειν ὡς πορρωτάτω, προαγαγεῖν καὶ ἀπομηκῦναι δι´ ἡδονὴν ἀεὶ δυναμένων. τὸ δ´ αὐτὸ τοῦτο καὶ πρὸς τοὺς λόγους ἐκείνους πεπόνθασιν, ἐν οἷς κατ´ ἐμπειρίαν ἢ ἕξιν τινὰ τῶν ἄλλων διαφέρειν νομίζουσι. φίλαυτος γὰρ ὢν καὶ φιλόδοξος ὁ τοιοῦτος ‘νέμει τὸ πλεῖστον ἡμέρας τούτῳ μέρος, ἵν´ αὐτὸς αὑτοῦ τυγχάνει κράτιστος ὤν,’ ἐν ἱστορίαις ὁ ἀναγνωστικός, ἐν τεχνολογίαις ὁ γραμματικός, ἐν διηγήμασι ξενικοῖς ὁ πολλὴν χώραν ἐπεληλυθὼς καὶ πεπλανημένος. ὥστε καὶ ταῦτα δεῖ φυλάττεσθαι· δελεαζομένη γὰρ ὑπ´ αὐτῶν ἡ ἀδολεσχία καθάπερ ζῷον ἐπὶ νομὰς συνήθεις πρόεισι. θαυμαστὸς δ´ ὁ Κῦρος, ὅτι καὶ τὰς ἁμίλλας ἐποιεῖτο πρὸς τοὺς ἥλικας, οὐκ ἐν οἷς κρείττων ἀλλ´ ἐν οἷς ἀπειρότερος ἦν ἐκείνων, εἰς ταῦτα προκαλούμενος, ἵνα μήτε λυπῇ παρευδοκιμῶν καὶ μανθάνων ὠφελῆται. ὁ δ´ ἀδολέσχης τοὐναντίον, ἂν μέν τις ἐμπέσῃ λόγος, ἐξ οὗ μαθεῖν τι δύναται καὶ πυθέσθαι τῶν ἀγνοουμένων, τοῦτον ἐξωθεῖ καὶ ἐκκρούει, μισθὸν οὕτω βραχὺν δοῦναι τὸ σιωπῆσαι μὴ δυνάμενος· εἰς δὲ τὰς ἑώλους καὶ πολυπατήτους κύκλῳ περιιὼν εἰσελαύνει ῥαψῳδίας τὸν λόγον. ὡς τῶν παρ´ ἡμῖν τις κατὰ τύχην ἀνεγνωκὼς δύο τῶν Ἐφόρου βιβλίων ἢ τρία πάντας ἀνθρώπους κατέτριβε καὶ πᾶν ἀνάστατον ἐποίει συμπόσιον, ἀεὶ τὴν ἐν Λεύκτροις μάχην καὶ τὰ συνεχῆ διηγούμενος· ὅθεν Ἐπαμεινώνδας παρωνύμιον ἔσχεν.

Traduction française :

[22] Comme Socrate recommandait que l'on s'abstînt des mets qui excitent à manger quand on n'a pas faim et des breuvages qui font boire quand on n'a pas soif, de même l'homme enclin au bavardage doit redouter les sujets de conversation qu'il aime le mieux et dont il abuse à satiété. C'est comme un courant contre lequel il doit lutter. Les gens de guerre, par exemple, ont la manie de conter leurs campagnes. Ainsi Homère représente Nestor faisant le récit perpétuel de ses exploits et de ses aventures. Il est naturel aussi que ceux qui ont gagné un procès, qui, contre leur attente, ont réussi près d'un grand personnage ou d'un souverain, éprouvent, comme si c'était une maladie, le besoin constant de rappeler et de dire à tout propos comment ils sont entrés, comment on les a introduits, sur quoi a roulé le débat, quels arguments ils ont produits de manière à terrasser leur partie adverse ou leurs accusateurs, enfin quels éloges ils ont reçus. Car la joie est bien plus babillarde encore que l'Agrypnie des Comiques. Elle s'excite elle-même à chaque instant, et elle se trouve toujours fraîche quand il s'agit de recommencer ses histoires. Aussi les bavards se laissent-ils aller facilement à des conversations de ce genre, pour peu que l'occasion s'en présente. Ce n'est pas seulement "A l'endroit douloureux que l'on porte la main." La satisfaction, aussi, trouve en elle-même une voix. Elle donne de l'activité à la langue, et se plaît à en faire un soutien de sa mémoire. C'est ainsi que les amoureux reviennent le plus souvent sur les sujets d'entretien qui leur fournissent occasion de rappeler l'objet de leur amour. S'ils n'ont personne à qui ils puissent parler de leur passion, ils s'adressent même à des objets inanimés : "Couche de ma maîtresse, objet doux à mon coeur!" Et: "Bacchis te croit un dieu, cher flambeau : sur ma vie Des Dieux sois le plus grand, si telle est son envie". C'est exactement une raie blanche sur du blanc que les propos d'un bavard dans une conversation. Mais comme il y a des sujets vers lesquels il est plus porté que vers d'autres, il doit se prémunir en conséquence, et se tenir le plus éloigné qu'il lui sera possible de ces matières, parce que le plaisir avec lequel il en parle peut le mener très loin et le faire retomber dans sa prolixité. C'est le danger où se trouvent les gens bavards, lorsque la conversation vient à tomber sur des sujets dans lesquels ils croient que l'expérience ou une aptitude particulière les rend supérieurs aux autres. Comme ils sont pleins d'amour-propre et de confiance en eux-mêmes, "Ils consacrent du jour la plus grande partie A ce qu'ils font le mieux ...". Ils parlent histoire s'ils sont passionnés pour la lecture. Ce sont des questions de langage s'ils sont grammairiens, des récits lointains s'ils ont vu beaucoup de pays et s'ils ont longtemps voyagé. Contre toutes ces sortes d'appâts il faut se mettre en garde : car la passion s'y porte instinctivement, comme les animaux courent à leur pâture habituelle. On ne saurait trop admirer Cyrus. Il organisait des luttes entre lui et les jeunes gens de son âge, non pas pour les exercices où il était le plus fort, mais pour ceux où il était moins expérimenté qu'eux. C'était à ces derniers qu'il les provoquait, afin de ne pas les humilier en étant victorieux et en même temps afin de recevoir d'utiles leçons. Le bavard agit tout à l'opposé. Si la conversation tombe sur des matières où il se pourrait qu'il trouvât à s'instruire et à faire des questions sur ce qu'il ignore, il tâche d'écarter et d'éluder ces sujets d'entretien. Il ne se sent pas la force d'acheter le bénéfice d'une semblable conversation à un prix pourtant bien modique, au prix de quelques instants de silence. C'est sur des textes surannés, sur des propos qui traînent partout, sur des rhapsodies, qu'il parvient à ramener la conversation. Ainsi, chez nous, un homme qui avait lu par hasard deux ou trois livres de l'histoire écrite par Ephore, en rompait les oreilles à tout le monde. Il faisait si bien qu'on quittait la place dans tous les repas, tant il mettait d'acharnement à conter la bataille de Leuctres et ses suites ! Le surnom d'Epaminondas lui en était même resté.





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Dernière mise à jour : 18/01/2006