Texte grec :
[9] ἡ δ´ Εὐριπίδειος Ἰνὼ παρρησίαν ἄγουσα περὶ
αὑτῆς εἰδέναι φησί
‘σιγᾶν θ´ ὅπου δεῖ καὶ λέγειν ἵν´ ἀσφαλές.’
οἱ γὰρ εὐγενοῦς καὶ βασιλικῆς τῷ ὄντι παιδείας τυχόντες
πρῶτον σιγᾶν εἶτα λαλεῖν μανθάνουσιν. Ἀντίγονος γοῦν ὁ
βασιλεὺς {ἐκεῖνος} ἐρωτήσαντος αὐτὸν τοῦ υἱοῦ πηνίκα
μέλλουσιν ἀναζευγνύειν ‘τί δέδοικας;’ εἶπε ‘μὴ μόνος οὐκ
ἀκούσῃς τῆς σάλπιγγος;’ οὐκ ἄρα φωνὴν ἐπίστευεν ἀπόρρητον
ᾧ τὴν βασιλείαν ἀπολείπειν ἔμελλεν; ἐδίδασκε μὲν
οὖν αὐτὸν ἐγκρατῶς ἔχειν πρὸς τὰ τοιαῦτα καὶ πεφυλαγμένως.
Μέτελλος δ´ ὁ γέρων ἕτερόν τι τοιοῦτον
ἐπερωτώμενος ἐπὶ στρατείας ‘εἰ’ φησίν ‘ᾤμην τὸν
χιτῶνά μοι συνειδέναι τοῦτο {τὸ ἀπόρρητον}, ἀποδυσάμενος
ἂν αὐτὸν ἐπὶ πῦρ ἔθηκα.’ Εὐμένης δ´ ἀκούσας
ἐπέρχεσθαι Κρατερὸν οὐδενὶ τῶν φίλων ἔφρασεν, ἀλλ´
ἐψεύσατο Νεοπτόλεμον εἶναι· τούτου γὰρ οἱ στρατιῶται
κατεφρόνουν, ἐκείνου δὲ καὶ τὴν δόξαν ἐθαύμαζον καὶ
τὴν ἀρετὴν ἠγάπων. ἔγνω δ´ οὐδεὶς ἄλλος, ἀλλὰ συμβαλόντες
ἐκράτησαν καὶ ἀπέκτειναν αὐτὸν ἀγνοοῦντες καὶ
νεκρὸν ἐπέγνωσαν. οὕτως ἐστρατήγησεν ἡ σιωπὴ τὸν
ἀγῶνα καὶ τηλικοῦτον ἀνταγωνιστὴν ἀπέκρυψεν· ὥστ´
αὐτὸν τοὺς φίλους μὴ προειπόντα θαυμάζειν μᾶλλον ἢ
μέμφεσθαι. κἂν μέμφηται δέ τις, ἐγκαλεῖσθαι βέλτιόν ἐστι
σωθέντας δι´ ἀπιστίαν ἢ κατηγορεῖν ἀπολλυμένους διὰ τὸ
πιστεῦσαι.
|
|
Traduction française :
[9] L'Ino d'Euripide, parlant d'elle-même avec franchise,
dit qu'elle sait
"Parler quand il le faut, et se taire à coup sûr".
Les enfants qui reçoivent une éducation distinguée et vraiment
royale apprennent d'abord à se taire : parler ne vient
que plus tard. Le fils du roi Antigone lui demandait quand
on lèverait le camp : « As-tu peur, lui dit ce prince, d'être
le seul qui doive ne pas entendre la trompette? « C'est ainsi
qu'il s'abstenait de confier un secret à celui qui devait lui
succéder sur le trône. C'était une leçon pour que le jeune
homme sût être maître de lui en pareille circonstance et
gardât en soi-même ce qui devait se taire. On faisait à
Métellus l'ancien une question analogue touchant une
expédition. "Si je croyais, répondit-il, que ma tunique sût
mon secret, je m'en serais dépouillé et je l'aurais jetée dans
le feu." Eumène, informé que Cratère marchait contre lui,
n'en parla à aucun de ses amis. Il leur donna même le change
en disant que c'était Néoptolème, parce que les soldats méprisaient
ce dernier tandis qu'ils admiraient la gloire de Cratère
et appréciaient sa valeur. Ce fut un secret pour tout le
monde. La bataille se livra. Cratère y périt sans que personne
sût qu'il s'y était trouvé, et on ne le reconnut qu'après
sa mort. Ainsi le silence dirigea toute cette action en taisant
la présence d'un si redoutable adversaire, et les
officiers d'Eumène admirèrent sa réserve plutôt qu'ils ne
s'en plaignirent. Au reste, dût-on être blâmé, il vaut mieux
encourir des reproches de ce que nous ayons assuré notre
salut par notre défiance, que si nous avions à nous condamner
nous-mêmes de nous être trop fiés à quelqu'un.
|
|