HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

PLUTARQUE, Oeuvres morales, Sur le bavardage

κἀκεῖνος



Texte grec :

[8] Ζήνων δ´ ὁ φιλόσοφος, ἵνα μηδ´ ἄκοντος αὐτοῦ πρόηταί τι τῶν ἀπορρήτων ἐκβιαζόμενον τὸ σῶμα ταῖς ἀνάγκαις, διαφαγὼν τὴν γλῶτταν προσέπτυσε τῷ τυράννῳ. καλὸν δὲ καὶ Λέαινα τῆς ἐγκρατείας ἔχει γέρας. ἑταίρα τῶν περὶ Ἁρμόδιον ἦν καὶ Ἀριστογείτονα καὶ τῆς ἐπὶ τοὺς τυράννους συνωμοσίας ἐκοινώνει ταῖς ἐλπίσιν ὡς γυνή· καὶ γὰρ αὕτη περὶ τὸν καλὸν ἐκεῖνον ἐβάκχευσε κρατῆρα τοῦ ἔρωτος καὶ κατωργίαστο {διὰ} τοῦ θεοῦ τοῖς ἀπορρήτοις. ὡς οὖν ἐκεῖνοι πταίσαντες ἀνῃρέθησαν, ἀνακρινομένη καὶ κελευομένη φράσαι τοὺς ἔτι λανθάνοντας οὐκ ἔφρασεν, ἀλλ´ ἐνεκαρτέρησεν, ἐπιδείξασα τοὺς ἄνδρας οὐδὲν ἀνάξιον ἑαυτῶν παθόντας, εἰ τοιαύτην ἠγάπησαν. Ἀθηναῖοι δὲ χαλκῆν ποιησάμενοι λέαιναν ἄγλωσσον ἐν πύλαις τῆς ἀκροπόλεως ἀνέθηκαν, τῷ μὲν θυμοειδεῖ τοῦ ζῴου τὸ ἀήττητον αὐτῆς τῷ δ´ ἀγλώσσῳ τὸ σιωπηρὸν καὶ μυστηριῶδες ἐμφαίνοντες. οὐδεὶς γὰρ οὕτω λόγος ὠφέλησε ῥηθεὶς ὡς πολλοὶ σιωπηθέντες· ἔστι γὰρ εἰπεῖν ποτε τὸ σιγηθέν, οὐ μὴν σιωπῆσαί γε τὸ λεχθέν, ἀλλ´ ἐκκέχυται καὶ διαπεφοίτηκεν. ὅθεν οἶμαι τοῦ μὲν λέγειν ἀνθρώπους τοῦ δὲ σιωπᾶν θεοὺς διδασκάλους ἔχομεν, ἐν τελεταῖς καὶ μυστηρίοις σιωπὴν παραλαμβάνοντες. ὁ δὲ ποιητὴς τὸν λογιώτατον Ὀδυσσέα σιωπηλότατον πεποίηκε καὶ τὸν υἱὸν αὐτοῦ καὶ τὴν γυναῖκα καὶ τὴν τροφόν· ἀκούεις γὰρ λεγούσης ‘ἕξω δ´ ἠύτε περ κρατερὴ δρῦς ἠὲ σίδηρος.’ αὐτὸς δὲ τῇ Πηνελόπῃ παρακαθήμενος ‘θυμῷ μὲν γοόωσαν ἑὴν ἐλέαιρε γυναῖκα, ὀφθαλμοὶ δ´ ὡς εἰ κέρα ἕστασαν ἠὲ σίδηρος, ἀτρέμας ἐν βλεφάροισιν·’ οὕτω τὸ σῶμα μεστὸν ἦν αὐτῷ πανταχόθεν ἐγκρατείας, καὶ πάντ´ ἔχων ὁ λόγος εὐπειθῆ καὶ ὑποχείρια προσέταττε τοῖς ὄμμασι μὴ δακρύειν, τῇ γλώττῃ μὴ φθέγγεσθαι, τῇ καρδίᾳ μὴ τρέμειν μηδ´ ὑλακτεῖν. ‘τῷ δ´ αὖτ´ ἐν πείσῃ κραδίη μένε τετληυῖα’, μέχρι τῶν ἀλόγων κινημάτων διήκοντος τοῦ λογισμοῦ καὶ τὸ πνεῦμα καὶ τὸ αἷμα πεποιημένου κατήκοον ἑαυτῷ καὶ χειρόηθες. τοιοῦτοι δὲ καὶ οἱ πολλοὶ τῶν ἑταίρων· τὸ γὰρ ἑλκομένους καὶ προσουδιζομένους ὑπὸ τοῦ Κύκλωπος μὴ κατειπεῖν τοῦ Ὀδυσσέως μηδὲ δεῖξαι τὸ πεπυρακτωμένον ἐκεῖνο καὶ παρεσκευασμένον ὄργανον ἐπὶ τὸν ὀφθαλμόν, ἀλλ´ ὠμοὺς ἐσθίεσθαι μᾶλλον ἢ φράσαι τι τῶν ἀπορρήτων ὑπερβολὴν ἐγκρατείας καὶ πίστεως οὐ λέλοιπεν. ὅθεν ὁ Πιττακὸς οὐ κακῶς τοῦ Αἰγυπτίων βασιλέως πέμψαντος ἱερεῖον αὐτῷ καὶ κελεύσαντος τὸ κάλλιστον καὶ χείριστον ἐξελεῖν κρέας ἔπεμψεν ἐξελὼν τὴν γλῶτταν ὡς ὄργανον μὲν ἀγαθῶν ὄργανον δὲ κακῶν τῶν μεγίστων οὖσαν.

Traduction française :

[8] Le philosophe Zénon, au contraire, craignant que malgré lui quelqu'un de ses secrets ne lui fût arraché par la douleur corporelle, se coupa la langue avec les dents et la cracha au visage de Néarque. Leaena fit également preuve d'une constance qui a été magnifiquement récompensée. Amie d'Harmodius et d'Aristogiton, elle s'était associée à leurs espérances et à la conjuration organisée par eux contre le tyran. Mais ce n'était que comme femme, parce qu'elle s'était enivrée à cette coupe délicieuse de l'Amour. C'était sous les auspices de ce dieu qu'elle avait été initiée à de tels secrets. Ses amis échouèrent, et furent mis à mort. Interrogée à son tour et sommée de dire le nom des conspirateurs encore inconnus, elle garda le silence avec la plus grande fermeté. Elle fit voir que des hommes n'avaient rien fait qui fût indigne d'eux en aimant une telle femme. Les Athéniens voulurent que l'on coulât en bronze une lionne qui n'aurait pas de langue, et qu'on plaçât ce bronze aux portes de l'Acropole. Le fier courage de la bête indiquait la fermeté invincible de Leaena, et l'absence de langue figurait son silence et sa discrétion. Jamais l'émission d'un seul propos ne fut aussi utile que la réserve de beaucoup d'autres paroles discrètement gardées. Il est toujours temps de dire ce qu'on a vu : il ne l'est pas toujours de taire ce qu'on a dit. Une fois lâchée, toute parole circule. De là vient, sans doute, que si c'est des hommes que nous apprenons à parler, ce sont les Dieux qui nous ont instruits à nous taire, puisqu'ils prescrivent pour les mystères et les initiations un profond silence. De son Ulysse si éloquent le poète a fait l'homme le plus silencieux. Son fils, son épouse, sa nourrice sont aussi discrets que lui. Entendez cette dernière "Je serai ferme, autant que du marbre ou du fer". Voyez Ulysse maintenant. Assis auprès de sa femme, "Il sait dissimuler; et, bien qu'en ce moment Lui-même au fond du coeur souffre profondément, Il reste les yeux secs : sa prunelle immobile Semble être de la corne ou fer ..." Toute sa personne est tellement remplie de l'empire qu'il exerce sur lui-même, sa raison est tellement maîtresse et souveraine, que sur son ordre ses yeux s'abstiennent de verser des larmes, sa langue, d'émettre un son. En lui le coeur n'a garde de trembler ou d'aboyer. "Bien que souffrant, ce coeur obéit sans murmure". La puissance de la raison agit jusque sur les mouvements instinctifs du héros. Elle calme, elle rend dociles en lui et le sang et le souffle. Tels étaient aussi la plupart de ses compagnons. Cette constance avec laquelle ils se laissent traîner et écraser contre le sol par le Cyclope sans nommer Ulysse, sans montrer à leur ennemi ce pieu qui doit lui crever l'oeil après avoir été durci au feu et préparé par Ulysse lui-même, cette résignation à se laisser manger crus plutôt que de révéler le secret du maître, dépassent tout ce qu'on peut concevoir en matière de fermeté et de dévouement. Aussi ne trouvé je pas maladroit ce trait de Pittacus. Le roi d'Égypte lui avait envoyé une victime à sacrifier, avec recommandation d'enlever la partie la meilleure et la partie la plus mauvaise. Il ôta la langue et la lui envoya, comme étant l'instrument des plus grands biens et aussi des plus grands maux.





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Dernière mise à jour : 18/01/2006